Quand Tria Giovan s’installe à New York en 1984, elle vient juste d’obtenir son diplôme du Hampshire College, dans l’Etat du Massachusetts. L’étudiante est fascinée par l’énergie et la vitalité que dégage New York, tout semble possible ici. Mais c’est un homme qu’elle rencontre par hasard lors d’une fête sur Suffolk Street qui va l’orienter vers le Lower East Side. « Il m’a recommandé le Lower East Side comme étant un quartier sans risques – malgré sa mauvaise réputation. J’ai eu confiance en lui, et j’ai trouvé un appartement sur Clinton Street. Je suis reconnaissante envers cet homme », salue la photographe américaine.
Tria Giovan, alors assistante photo, passe tout son temps à explorer le quartier, et réalise des images qui deviendront une capsule temporelle du Lower East Side dans les années 1980. Ce travail invite à la curiosité et suscite la nostalgie d’un lieu qui a grandement changé avec le temps. C’est cette série d’images qui est compilée dans le livre Tria Giovan: Loisaida New York Street Work 1984 -1990.
Le quartier et sa communauté
À l’époque, le Lower East Side est un quartier rude, authentique et modeste autant qu’exotique et plein de vie. Le mélange des cultures et des gens est source d’inspiration pour la photographe.
Comme l’écrit dans le livre Sean Corcoran, conservateur principal des estampes et des photographies au Museum of the City de New York, Tria Giovan a connu une ville en pleine mutation. À l’époque, New York sort lentement d’une crise financière qui a duré des dizaines d’années. La ville a subi une perte de population, des dommages économiques liés à la crise dans le secteur industriel. Le taux de criminalité a augmenté, ainsi que le nombre de sans-abris et de toxicomanes. Le Lower East Side est l’expression par excellence de tout cela.
Mais le quartier a d’autres facettes. Il abrite également de nombreuses communautés d’immigrants, fiers de leurs cultures et de la vie qu’ils se sont construite. Toute cette vitalité s’exprime dans les photographies de Tria Giovan.
« Mon voisinage immédiat, en particulier à l’angle de mon immeuble, entre Clinton et Stanton, suscite de nombreux souvenirs. Je photographiais souvent depuis ma fenêtre et dans la rue en contrebas. Des gens, ou des familles entières, se rassemblaient sur les escaliers de secours, c’était comme une pièce supplémentaire de leur appartement. Nous nous reconnaissions, nous nous saluions ou nous souriions. Quand il y avait quelque chose à voir ou à entendre dans la rue, des camions de pompiers, des sirènes de police, une bagarre, tous les regards convergeaient en bas », raconte-t-elle.
En 1990, Tria Giovan quitte le quartier pour aller travailler à Cuba. Ses négatifs de la série restent longtemps dans des boîtes, sans même avoir été tirés. Il faudra attendre la pandémie de Covid-19 pour que la photographe revisite, trie ses archives, et entreprenne la numérisation et le séquençage des photographies pour les rassembler dans un livre.
« Ce fut un luxe de repenser ces images avec le recul de près de 40 ans d’expérience photographique », explique la photographe. « Sans le savoir, j’ai créé une capsule temporelle : un enregistrement visuel du Lower East Side des années 1980, qui est maintenant un endroit complètement différent. Nul doute que les gens qui s’y sont installés dans les années 1940 auraient dit la même chose des années 1980. C’est à la fois un projet de conservation et d’engagement humaniste, qui contribue à un héritage visuel historique du Lower East Side en constante évolution. »
Tia Govan ajoute à propos de son projet : « J’espère que j’ai fidèlement restitué l’énergie et le dynamisme de ce quartier unique et de sa communauté. Ca été mon chez moi pendant 6 ans, j’ai adoré y vivre, donc j’espère que les photos reflètent mon affection et mon respect pour le lieu et les gens que j’ai rencontrés. »
Tria Giovan: Loisaida New York Street Work 1984 -1990 est publié par Damiani Books. Il est disponible sur leur site Web.