Dire que la photographe américaine Anne Rearick affectionne les projets de longue haleine serait un euphémisme. Depuis 34 ans, elle retourne inlassablement dans ces petits villages ruraux qui parsèment les collines du Pays Basque. Son magnifique et émouvant nouveau livre, Gure Bazterrak (une expression basque qui signifie approximativement « notre terre »), capture les rythmes lents de la vie à la campagne au fil d’une génération. « J’ai photographié environ 50 villages dans cette province », confie-t-elle. « Certains sont distants de quelques kilomètres, d’autres de plus de vingt. »

Les photographies d’Anne font l’effet de poèmes enracinés dans la terre. Elle nous emmène à l’intérieur de maisons modestes, au sommet de montagnes ondulantes, le long de routes solitaires, et elle nous dévoile ce que signifie vivre aux côtés des animaux. Lorsqu’on lui demande ce qui attire son regard, ce qui la pousse à prendre une photo, elle répond : « J’aime les montagnes, les gens et les animaux. Quand j’ai ces trois éléments devant moi, je suis comblée. Quand je me sens plus timide, moins sociable, je fais des portraits formels et des paysages. » Elle poursuit : « La lumière, la forme, la tendresse, la beauté, la vie et même la mort… ce sont ces choses qui me donnent envie de photographier. » Peut-être qu’il ne se passe pas grand-chose dans ces petits villages, ou peut-être que tout s’y joue. Quoi qu’il en soit, Anne estime avoir pris plus de 25 000 clichés pour tenter d’en capturer l’essence.
Ce qui attire Anne chez le peuple basque, c’est sa capacité à avoir préservé sa langue, sa terre et sa culture tout en étant à cheval sur la France et l’Espagne. « Je crois qu’un fil conducteur de mon travail, c’est la survie, », confie-t-elle. Sous Franco, bien sûr, les Basques ont été profondément opprimés, interdits de parler leur langue en public, de porter des prénoms basques. Anne a aussi photographié des townships pauvres d’Afrique du Sud après l’apartheid et une ville minière austère au Kazakhstan, où la lutte pour survivre fait partie du quotidien. « Il y a une dimension de survie que j’admire et à laquelle je m’identifie. »


Anne est également professeure de lycée dans le Massachusetts, où elle a vu des générations d’élèves grandir et partir. Dans ses photographies, on perçoit la tendresse d’une observatrice du cycle de la vie. Que souhaite-t-elle transmettre à travers ses images ? « Je veux que les gens perçoivent la beauté et la poésie du quotidien. Je veux qu’ils comprennent la valeur du temps lent, l’importance de l’empathie, de la communauté, du lien humain, et le courage qu’il faut pour être agriculteur. »
Gure Bazterrak est publié par Deadbeat Club et disponible ici pour $60. Sur Instagram, Anne Rearick est @annerearick.