Parmi les images et publications en ligne condamnées à disparaître figurent des références à un récipiendaire de la médaille d’honneur de la Seconde Guerre mondiale, à l’Enola Gay, l’avion qui largua la bombe atomique sur le Japon, ainsi qu’à la première femme ayant réussi l’entraînement d’infanterie des Marines américains. Cette opération de grande envergure s’inscrit dans la politique du département de la Défense américaine visant à purger les contenus relatifs à la diversité, selon une base de données obtenue par l’Associated Press.
Sous l’impulsion d’un décret du président Donald Trump, le Département de la Défense a ainsi entrepris un vaste nettoyage de son contenu officiel, visant à éradiquer toute trace d’initiatives axées sur la diversité, l’équité et l’inclusion. Cette directive a entraîné la suppression de milliers d’images et de documents mettant en valeur les contributions des minorités et des femmes dans l’armée, une démarche qui s’inscrit dans un effort plus large d’élimination des programmes DEI au sein des agences fédérales américaines.
Le Pentagone a ainsi identifié plus de 26 000 images en ligne à supprimer, un chiffre qui pourrait dépasser les 100 000 à mesure que l’examen se poursuit. Parmi les contenus visés figurent des photographies, des articles et des publications sur les réseaux sociaux commémorant les exploits de militaires issus de minorités et d’unités spécifiques. Des images historiques des Tuskegee Airmen – les premiers pilotes militaires noirs américains – et des Women Airforce Service Pilots (WASP) – des femmes pilotes – de la Seconde Guerre mondiale sont particulièrement concernées.
L’un des cas les plus frappants de cette purge est la suppression des références à l’Enola Gay, le bombardier B-29 qui largua la bombe atomique sur Hiroshima en 1945. Cette décision semble résulter d’une confusion sur le nom de l’appareil. Baptisé du nom de la mère de son pilote, le colonel Paul Tibbets, certains responsables impliqués dans la revue du contenu auraient mal interprété ce nom, y voyant à tort un lien avec les efforts de diversité et d’inclusion, voire une référence à la communauté LGBTQ+ en raison du mot « Gay ».
Cette erreur illustre la nature aveugle et indiscriminée de la purge du Pentagone, où le contexte historique semble avoir été relégué au second plan au profit d’une politique d’élimination systématique. Les critiques estiment que cette démarche met en lumière les dangers d’une suppression de l’histoire sans examen minutieux, risquant ainsi de fausser la compréhension publique d’événements militaires majeurs. L’Enola Gay demeure un symbole incontournable des débats sur la Seconde Guerre mondiale et la guerre nucléaire, et son absence des archives officielles pourrait nuire à l’enseignement des aspects éthiques et historiques du conflit.
Conséquences pour l’histoire militaire et la diversité
Cette purge soulève des inquiétudes quant à l’éventuelle disparition d’aspects cruciaux de l’histoire militaire, mettant en avant les progrès et les sacrifices des groupes sous-représentés. La suppression de contenus célébrant des événements tels que le « mois de l’histoire des Noirs » (Black History Month) et le « mois de l’histoire des femmes » (Women’s History Month) souligne encore davantage l’ampleur de cette initiative. Ces actions pourraient réduire la reconnaissance de la diversité au sein des forces armées et remettre en question l’importance d’une représentation inclusive dans les récits militaires.
Les actions du Département de la Défense s’inscrivent dans une initiative fédérale plus vaste visant à démanteler les programmes sur la diversité (DEI) dans diverses agences gouvernementales. Par exemple, l’Agence de protection de l’environnement (EPA) a annulé de nombreux financements dédiés à la diversité et à la justice environnementale, représentant un budget total de 1,7 milliard de dollars, dans le cadre de réductions budgétaires.
La suppression de ces images suscitent des réactions variées aux États-Unis, aussi bien au sein du public que de la communauté militaire. Les partisans de cette purge estiment qu’elle renforce une reconnaissance fondée sur le mérite et favorise la cohésion au sein des rangs. En revanche, les opposants considèrent qu’elle ignore les contributions précieuses des militaires issus de minorités et sape les efforts visant à promouvoir l’inclusivité.
Alors que le Pentagone poursuit cette élimination de contenus, le débat se poursuit sur l’avenir des initiatives de diversité au sein des institutions fédérales américaines. Cette directive du Pentagone représente en tout cas un tournant majeur dans la manière dont l’histoire militaire et la diversité sont reconnues et enseignées aux Etats-Unis.