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Thomas Boivin, à main levée

Avec Belleville, son « vrai » deuxième livre, Boivin cerne un territoire qui lui est familier, sans chercher à le commenter socialement ou même mentalement. Un bonheur.
Thomas Boivin
© Thomas Boivin
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© Thomas Boivin

Thomas Boivin reçoit à son atelier, détendu ou peut-être pas, en tout cas, avec un plaisir non dissimulé et un goût pour le café nature. Vient de paraître Belleville, qu’il appelle son « vrai » deuxième livre, lequel frappe par son éloquence et une sorte de réserve assez rare dans sa génération. « Il n’y a rien, et ça me plaît absolument. Je voulais échapper à toute explication. » Léger sourire de satisfaction de l’auteur face à son Belleville sans texte et sans légende, dont la jaquette bleue Klein étincelle comme un coloriage d’enfant heureux, une fantaisie qui lui va bien. Tiré à mille exemplaires, Belleville bénéficie d’un éditeur anglo-saxon, Stanley/Barker, fondé par Rachel et Gregory Barker en 2004, « l’anglosphère, précise Boivin, c’est déjà tous les continents. »

En cinquante-deux photographies en noir & blanc, ce photographe, né le 19 juin 1983 à Saint-Mandé (Val-de-Marne), trouble la quiétude et le statut de l’image sur un territoire en apparence archi-connu : Belleville. Mais comme Belleville n’est pas son sujet, c’est encore plus troublant. En effet, ici, rien n’évoque le passé, nous sommes à des années-lumière de Willy Ronis (1910-2009) et de l’homme à la valise de la rue Vilin, il n’est pas question d’un Paris disparu ; bye bye la nostalgie, seul compte le présent, le voici témoin privilégié de ce quartier du XXe arrondissement, toujours aussi attachant. 

Thomas Boivin
© Thomas Boivin
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Et c’est ce présent, terriblement présent, qui s’incarne dans les portraits, les natures mortes et les paysages pris par Thomas Boivin au moyen-format, à main levée (il y a aussi une photographie à la chambre, trouvez-la !). « Fantasmé pendant tant d’années, le livre n’est pas une surprise, souligne le photographe, je pense qu’il est fidèle au travail. S’il y a des maladresses, elles appartiennent plus au travail qu’au livre, en ce sens-là je suis très content. Mais, en même temps, il ne m’appartient plus, il a son autonomie. » 

De quoi parle donc Belleville ? Qu’est-ce que ça raconte, au fond ? Pas une histoire selon son auteur (« certainement pas ! »), mais son rapport au monde (« un rapport au monde, ça ne s’affirme pas, c’est vécu dans l’image »). Lequel se nourrit, entre autres, de l’héritage de ces aînés américains, tels Robert Adams ou Mark Steinmetz, qui ont « un rapport au monde incroyable et ça, ça ne peut être que vécu et transporté par la forme, ça ne peut pas être déclaratif. »  

Thomas Boivin
© Thomas Boivin
Thomas Boivin
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Ainsi peut se lire Belleville, silencieusement, peuplé de passants inconnus qui nous ressemblent comme sœurs et frères, à la fois vibrant intérieurement et regardant tranquillement vers l’ailleurs. C’est une photographie douce, secrète et mystérieuse, qui ne donne pas à voir mais à penser, d’où sa singularité. Belleville n’est donc pas un bloc-notes géographique, encore moins un exercice pratique, mais le portrait approfondi (photographies faites entre 2012 et 2020) d’un jeune homme « un peu chiant, aux idées arrêtées », devenu à son rythme un original sociable.

Belleville, Stanley/Barker, 100 pp., 49 €.

Site du photographe ici.

Site de l’éditeur ici.

Thomas Boivin a deux expositions en cours.

L’une à Bruxelles, coproduite par la Fondation A et la Maison de la Photographie Robert Doisneau, jusqu’au 26 juin. 

L’autre à Paris, aux Douches la Galerie, jusqu’au 23 juillet, où l’on peut acheter des tirages gélatino-argentiques (très beaux) et le livre Belleville.

Pour en savoir plus sur Willy Ronis et l’homme à la valise de la rue Vilin, un recueil formidable, Ce jour-là, édité au Mercure de France dans la collection Traits et Portraits dirigée par Colette Fellous.

Thomas Boivin
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