Les années 2000 ont été une remise à zéro culturelle dans tous les sens du terme, avec l’émergence d’une nouvelle ère numérique qui allait révolutionner notre quotidien. Depuis l’arrivée de l’Internet à haut débit, de la photographie numérique, des premiers réseaux sociaux et de la prolifération des blogs, les photographes se sont soudain retrouvés capables de produire, distribuer et publier leurs œuvres en 24 heures, voire moins.
À l’époque, personne ne ressent alors le besoin de transformer chaque rencontre en une séance de photos afin d’alimenter la machine insatiable de contenus inspirés par les influenceurs qui alimente la culture populaire d’aujourd’hui. Les gens prennent volontiers des selfies sans se soucier de rien, sans penser aux filtres, aux likes et autres followers, réalisant des photos à la volée, en particulier au cours des soirées, documentant ainsi la vie nocturne, à mesure qu’on s’éloigne du vieux monde analogique.
Parfaitement positionné dans l’œil du cyclone, le photographe Mark Hunter immortalise ainsi les fêtes branchées de Los Angeles, New York, Miami, Paris et Tokyo, un Polaroïd à la main, devenant rapidement l’un des précurseurs du photoblogging pour son site The Cobrasnake. Ses images d’icônes des années 2000, comme l’artiste Dash Snow, l’actrice Chloë Sevigny, la musicienne electroclash Peaches, les créateurs de mode Virgil Abloh et Jeremy Scott, et une foule de fêtards stylés, à la fois glam et gauches, vont représenter le look d’une génération dont le style pourrait être décrit comme « indie sleaze ».
Inspiré par Patrick McMullan, qui vient de publier son livre emblématique So80s, rassemblant sa vaste documentation de la scène nocturne de l’époque, Hunter se positionne en initié, photographiant un univers qu’il connaît afin que chacun soit à l’aise en sa présence, voire totalement inconscient de celle-ci.
Les débuts
« Quand j’ai eu mon bac, la plupart de mes amis sont partis à l’université. Moi, je suis allé au Troubadour. Parfois avec un t-shirt vintage usé, parfois avec un polo Lacoste, mais toujours avec mon appareil photo », écrit Mark Hunter, originaire de Californie, dans son nouveau livre : The Cobrasnake : Y2KS Archive.
« J’ai commencé à prendre des photos et à les poster sur mon site web quand j’avais tout juste dix-huit ans. Je voulais capturer l’excitation ressentie en allant aux concerts et aux fêtes où se croisaient les styles les plus cool et les personnages les plus extravagants, et je pensais que les gens voudraient voir tout cela à travers mon regard. En grandissant, j’ai toujours eu l’impression d’être un outsider – je n’ai jamais été choisi pour faire partie de l’équipe. Mais grâce à Cobrasnake, j’ai enfin pu créer ma propre équipe. »
Bien avant que la vie ne devienne numérique, Hunter suit ses projets à l’aide d’un vieux classique : le calendrier mural Pin-Up. Dans The Cobrasnake : Y2KS Archive, il inclut un collage de photos, de post-it et de pages d’un mois quelconque, remplis de notes qui mentionnent pour chaque jour ou nuit de la semaine où il a prévu d’aller. Concerts, expositions, séances de photos, anniversaires et rendez-vous divers : Hunter décrit son calendrier comme celui d’un « jeune photographe de la vie nocturne en pleine ascension » – une description appropriée pour ce qui va suivre.
Juste laisser aller
Assistant à la galerie de Shepard Fairey à Los Angeles, Mark Hunter se retrouve aussi au cœur de l’action. « J’avais l’impression de vivre dans un rêve en travaillant pour mon héros et en rencontrant tant de gens cool du monde de l’art », écrit-il dans The Cobrasnake : Y2KS Archive. « Je venais de terminer le lycée et j’étais encore très nerveux à ces soirées. Mon anxiété se manifestait par le port de tenues fluo très voyantes et par le fait que je me cachais derrière des lunettes de soleil, ce qui donnait l’impression que j’étais la personne la moins anxieuse de toutes les fêtes. Fais semblant jusqu’à ce que tu y arrives. »
Reflétant avec justesse la culture des jeunes, les photographies de Hunter complètent aujourd’hui ses propos, offrant un instantané d’une période où rien n’est plus important que d’être vu et où tout malaise est noyé dans l’ambiance sexe, drogue et rock’n’roll.
Ce qui rend les photographies de Hunter, et cette époque dans son ensemble, particulièrement attachantes, c’est l’impression que chacun vit l’instant présent, et pas en prenant la pose devant l’objectif dans l’espoir de gagner en influence. Il en résulte un équilibre parfait entre la conscience de soi et le désordre, un monde exempt de filtres et de partenariats avec des marques. Personne ne pianote sur son téléphone. Ils dansent tous, imbibés de bière et trempés de sueur, l’air complètement épuisé – comme il se doit quand la fête est belle.
The Cobrasnake : Y2KS Archive est publié par Rizzoli New York, 39,95 $.