Il était un héros discret. Un de ceux qui agissent dans l’ombre. Un ange-gardien anonyme qui donna une partie de sa vie aux autres. Le photographe et faussaire Adolfo Kaminsky est décédé lundi 9 janvier, à l’âge de 97 ans.
Il fut une figure de la Résistance, le « roi des faux-papiers » comme on le surnommait, et sauva des milliers de Juifs durant la Seconde Guerre mondiale grâce à son talent.
Un combat qu’Adolfo Kaminsky poursuivra pendant 30 ans, apportant son expertise au FLN pendant la guerre d’Algérie, aux opposants aux dictatures espagnoles, portugaises, grecques, aux mouvements comme le Printemps de Prague, à ceux de libération en Afrique, aux déserteurs américains pendant la guerre du Vietnam… Inlassable labeur pour la liberté.
Né à Buenos Aires en 1925 dans une famille juive originaire de Russie, sauvé du camp de Drancy, Adolfo Kaminsky fut aussi un remarquable photographe, offrant une œuvre humaniste proche d’un Willy Ronis ou d’un Robert Doisneau.
En 2019, le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme lui consacrait une remarquable exposition rendant hommage à son travail photographique.
Adolfo Kaminsky et le Paris d’après guerre
Adolfo Kaminsky avait un intérêt marqué pour les visages empreints d’humanité, ceux qui vous fixent dans la rue d’un air songeur et intrigué, avec un fond de grâce, quelque chose qui a à voir avec l’âme dont ils témoignent, que leurs yeux présentent.
C’est par exemple le cas de ce libraire qu’Adolfo Kaminsky photographie dans le Paris d’après-guerre. L’homme est entouré de ses livres et de ses chats, comme si les uns n’allaient pas sans les autres, et vend des dictionnaires au rabais, le bottin des professionnels de Paris de 1948 ou encore un guide des châteaux de la Loire.
Cette attention portée aux petits métiers est une caractéristique qui ne quittera jamais les images de Kaminsky. Il photographie tour à tour un rémouleur, un rempailleur, un poinçonneur ou encore un joueur d’orgue de barbarie. Ces petites mains qui façonnent la ville le fascinent.
Peut-être lui rappellent-elles son travail de faussaire, celui qu’il a développé durant la Seconde Guerre mondiale pour sauver des milliers de juifs, celui qu’il continuera de faire durant les années 1950 et 1960 en soutenant les révolutions d’Amérique Latine, les opposants aux dictatures d’Espagne, du Portugal et de Grèce ?
Adolfo Kaminsky a sauvé des milliers de vies grâce à ses talents de faussaire. Une vie clandestine, à fabriquer de faux papiers pour sauver les Juifs et, après-guerre, les opprimés du monde entier. #CulturePrime pic.twitter.com/RgBTV4ZkRs
— France Culture (@franceculture) August 25, 2021
« Pour vaincre ma solitude, je me suis jeté corps et âme dans la photographie »
C’est à cette période, au lendemain du terrible conflit mondial, qu’Adolfo Kaminsky, né en 1925, se consacre véritablement à la photographie.
« Tous mes amis étaient partis et, pour vaincre ma solitude, je me suis jeté corps et âme dans la photographie. Chaque nuit, je grimpais sur les toits de Paris pour capturer l’instant dans la ville endormie », confiait le parisien d’adoption, arrivé dans la capitale avec ses parents en 1932.
Des instants qu’Adolfo Kaminsky fixe sur pellicule à l’aide d’un Rolleiflex. Une femme adossée à un mur la nuit. Des dames cachées derrière un parapluie un jour grisâtre sur un boulevard. Un marchand goguenard au marché aux puces devant une vieille automobile délabrée. Tels sont les précieux tableaux que le photographe recueille.
Paris n’est pas le seul sujet de Kaminsky. Il photographiera aussi les docks du port de Marseille, la cité mystérieuse d’Adrar en Algérie ou encore des arbres centenaires au Liban…
Mais il y a toujours eu cette recherche d’humanisme qui rapproche Adolfo Kaminsky de photographes comme Sabine Weiss, Robert Doisneau ou Willy Ronis.