Le mariage et les années qui passent révèlent les bonheurs et épreuves de l’un comme de l’autre. La photographe texane Aimee McCrory met en scène toute cette théâtralité de la vie dans une élégante monographie : Rollercoaster : Scenes from a Marriage,(Montagnes russes : images d’un mariage). Il s’agit d’un travail en cours, où McCrory parcourt les couloirs de ses 43 années de mariage avec son mari Don, capturant des moments empreints d’honnêteté, d’intimité et d’humour.
Illustrant les tensions omniprésentes dans une relation à long terme, la photographe interroge également la croyance largement répandue selon laquelle vieillir s’accompagne de sentiments de honte et de désillusion. « Vieillir nous rend plus humbles, mais d’une certaine manière, c’est humiliant », déclare la photographe. « Les gens nous traitent différemment pour la seule raison que notre corps semble plus vieux. Cela nous affecte vraiment. »
McCrory avait l’intention, au départ, de sensibiliser les gens aux joies et aux difficultés de vieillir ensemble, mais le résultat est une réflexion plus profonde : une étude de l’identité, à la fois tendre et totalement sans détours.
S’appuyant sur son expérience dans le théâtre, McCrory réalise des images pseudo-documentaires de son mariage, manipulant des scènes de la vie domestique pour créer une atmosphère de mystère. « Curieusement, faire de notre mariage un sujet d’étude est devenu une ‘méta-expérience’ pour Don et moi », explique la photographe. « Ce travail fait désormais partie intégrante de notre mariage. Par conséquent, il est une composante essentielle du drame. Cet objectif que je dirige vers notre vie commune pour la ‘documenter’ est devenu un miroir, et j’ai commencé à mieux percevoir notre lien et la manière dont nous communiquons physiquement et verbalement. »
En ce sens, Rollercoaster touche à l’essentiel de la photographie, offrant non seulement à McCrory mais aussi aux observateurs extérieurs l’opportunité de désapprendre ce qu’ils croient savoir sur la vie commune, et de nous encourager à imaginer de nouvelles manières de voir et d’être. « Je voulais photographier des moments relativement calmes, tout en donnant l’impression que les enjeux étaient plus grands », explique McCrory. « Au début, Don était réticent – c’est un personnage beaucoup plus sérieux que moi – mais une fois qu’il a accepté, j’ai capturé des moments privilégiés qui reflétaient vraiment ce qu’il y avait de bon et de mauvais dans notre relation. »
McCrory opte pour des scènes cinématographiques d’une intimité sincère et tendre. On peut voir McCrory assise au bord de son canapé, en train de couper les cheveux autour des oreilles de Roy assis par terre, son iPad sur les genoux ; dans une autre, elle ouvre son peignoir pour dévoiler son corps à Don, debout devant elle dans l’embrasure de la porte, regard malicieux et sourire enfantin.
« Ni Don ni moi ne venons d’une famille où l’on pouvait se permettre d’être vulnérable, nous sommes tous donc deux quelque peu effrayés à l’idée d’être intimes l’un envers l’autre. Sur une photo, nous sommes nus au lit sous la couverture, et je me souviens avoir pensé que nous ne faisions pas cela souvent. Je ne pouvais croire que la photographie m’apprenait quelque chose que je n’avais pas réalisé à propos de ma propre relation. »
Rollercoaster exprime ainsi une variété complexe d’émotions qui se transmettent au spectateur, avec suffisamment d’ambiguïté pour qu’il trouve sa place dans l’image. « Je pense qu’il serait difficile de regarder ce travail sans avoir un regard sur soi-même et sa propre relation. Ce n’est pas une relation parfaite. Nous sommes bien plus compliqués que ça. Mais ce qui rend notre mariage difficile le rend aussi passionnant. Il s’agit de faire une pause, le temps de la photo, et de prendre une bouffée d’air. »
Aimee McCrory, Roller Coaster. Scenes from a Marriage. 152 pages. Publié par Kehrer Verlag. €48.00