Dans les premières heures du 22 juillet 2020, le photojournaliste Rian Dundon couvre une manifestation devant le palais de justice des États-Unis Mark O. Hatfield à Portland, ville de l’Etat de l’Oregon, située au nord-ouest des États-Unis. La police se précipite alors sur les lieux, et Dundon se retrouve plaqué au sol par des agents, tandis que des grenades lacrymogènes et des bombes fumigènes passent au-dessus de sa tête. L’un des policiers arrache le badge de presse de Dundon alors maintenu au sol dans la fumée. L’incident est capturé en vidéo et en photo, les images font le tour du monde.
« J’ai été brûlé au troisième degré cette nuit-là, j’étais épuisé mais survolté par l’adrénaline qui continuait à circuler en moi… C’était l’une des nombreuses fois, la pire fois, où une manifestation donnait le spectacle d’un siège médiéval », témoigne-t-il dans son livre Protest City.
Les manifestations que Dundon est entrain de couvrir font suite au meurtre de George Floyd par des policiers, à Minneapolis. Ayant déjà documenté la montée des extrémismes politiques sur la côte ouest depuis 2016, et l’élection présidentielle de cette année-là, Dundon est habitué des manifestation. Mais ce qui se passe à Portland est différent.
« Les rassemblements ont commencé à devenir plus violents après 2016. J’habitais à Oakland à l’époque, puis j’ai déménagé à Portland en 2019 où l’agressivité des manifestants étaient supérieure. J’étais captivé par l’émotion qu’il y avait dans l’air, par l’aspect politique de ces événements, qui attiraient toujours les Youtubers et les créateurs de contenu », raconte-t-il à Blind.
À Portland, Dundon vit à quelques pas de l’endroit où se déroulent les manifestations. Pendant 100 jours, il va toutes les couvrir avec son appareil compact. « Pour ce projet, un appareil photo de poche s’imposait, car je devais être agile, mais je voulais aussi ralentir les choses. Cela semble paradoxal, mais avec ce type d’appareil photo, vous devez refaire la mise au point pour chaque image, vous ne prenez donc vraiment qu’une photo à la fois : déclencher, faire la mise au point, déclencher, faire la mise au point. La plupart de ces images sont uniques, je ne fais pas de bracketing (NDLR. prendre la même photo plusieurs fois avec plusieurs réglages différents). On ne peut pas utiliser le mode rafale. Être aussi contraint dans une situation en mouvement m’a forcé à tenter différents types de prises de vue. » Le travail de Dundon interroge sur l’héritage de l’Oregon en tant que bastion de l’extrémisme suprémaciste blanc, et sur le rôle des Blancs dans les mouvements de justice raciale.
Rian Dundon explore également la manière dont un mouvement devient politisé, comment se construit le spectacle que sont les manifestations, avec ce mélange de performance, de rituels, et la surveillance qui les accompagne. « Je ne suis pas un photographe activiste. Mon projet est d’apporter un regard critique sur le rôle de la photographie et de la production d’images au cœur de ces événements. »
Protest City est publié par OSU Press. L’ouvrage est disponible sur le site web des éditions universitaires de l’Oregon.