Depuis plus de 10 ans, Nicolas Henry utilise son engagement écologique comme moteur de sa création. Après avoir réalisé un projet pour célébrer les 70 ans d’Emmaüs en 2019, le photographe voit plus grand et décide de monter un festival. Avec l’aide de sa compagne photographe Floriane de Lassée et de l’association Le Tour d’un monde, Photoclimat voit le jour en 2021. La biennale environnementale et sociale, gratuite et en plein air, se tient pendant un mois au cœur de Paris et de son agglomération.
Étape 1 : Trouver l’argent
« Première chose à faire lorsque l’on monte un festival : rechercher les sponsors », insiste Floriane de Lassée. « En mars, on commence la production d’expos qui se tiendront en septembre. Sauf qu’on n’a pas le même calendrier que nos partenaires et nos mécènes. Donc on se retrouve à avancer énormément d’argent sans être assuré d’être remboursé. Ça nous est déjà arrivé qu’une personne se désiste au dernier moment. »
Gratuit et en plein air, l’intérêt de Photoclimat est d’occuper l’espace parisien pour offrir une vision de l’art et de l’engagement au public le plus large possible. La Ville de Paris permet ainsi au festival d’investir des endroits phares de la capitale, et ce pendant un mois. « En septembre, c’est 2 millions de personnes qui passent sur les quais de Seine », souligne Nicolas Henry.
La Biennale s’articule en quatre grands pôles : Conflit, Climat et Résilience, Biodiversité, Engagement Associatif et Transformations de Vie, et le pôle Femmes, nouveauté de cette seconde édition. Cette dernière thématique a vu le jour grâce au soutien de la Fondation RAJA-Danièle Marcovici, un organisme qui soutient activement les causes féminines. L’Agence de la Transition Écologique et le Ministère de la Culture apportent également leur soutien à la réalisation des commandes photographiques d’une trentaine d’ONG, telles que Human Rights Watch, CCFD-Terre Solidaire ou Action contre la Faim. Côté privé, des marques comme L’Oréal s’associent au projet et font du sponsoring.
Fruit d’un dialogue entre les ONG, les fondations et les pouvoirs publics, « Photoclimat réunit des gens d’univers différents au leadership très fort, pour travailler ensemble », résume Nicolas Henry. Avec un coût total avoisinant les 500 000 euros, ce sont les mécènes qui garantissent la tenue de l’événement. En comparaison, pour un budget double, le festival photo de La Gacilly est financé à 60 % par des fonds privés, dont 40 % par le groupe Yves Rocher.
Étape 2 : Trouver les artistes
« Ensuite, il faut trouver les artistes, soit directement, soit via leurs agents, soit via leurs galeries », poursuit Floriane de Lassée. Pour élaborer des projets artistiques engagés, le couple de photographes fait appel à des confrères. Cette année, plus de 40 photographes seront exposés, et parmi eux, de grands talents du panorama photographique international comme Yann Arthus-Bertrand, Richard Mosse ou Stéphan Gladieu. Bien que les nombreux sujets abordés soient sociétaux, Photoclimat n’est pas seulement documentaire. Entre reportages, land art, installations ou performance, les formes d’expression artistiques sont très diverses.
Naturellement, Nicolas Henry et Floriane de Lassée présentent leurs propres séries. Le travail de Floriane sur les violences conjugales sera ainsi exposé au Pôle Femmes, place de la Bastille. Pour l’élaboration de sa série, elle a travaillé avec la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF) et s’est nourrie des nombreux témoignages rapportés par les « écoutantes », ces personnes qui répondent au 3919, le numéro d’appel d’urgence. « Elle, c’est l’une des images qui m’a le plus marqué », dit-elle en désignant un imposant tirage 180×120. Titrée « Le départ », l’image met en scène les tentatives souvent infructueuses de quitter une situation de violence. « Pour qu’une femme décide de partir, il faut à peu près 8 départs en moyenne. Parce qu’elle est mal préparée. La préparation ça tient à pleins de choses : avoir de l’argent de côté, avoir trouvé une école pour les enfants, un nouveau lieu de vie…»
Photoclimat vise également à faire connaître des artistes émergents. Un désir souvent compliqué par les contraintes logistiques. « On essaie d’exposer des artistes du monde entier, simplement on ne peut pas tous les faire venir sur place », avoue Floriane de Lassée. « Pour le Pôle Femme, la majorité des artistes sélectionnées vivent en France, voire à Paris. Comme on ne peut ni les loger, ni les nourrir, si elles veulent venir c’est à leur charge. C’est compliqué de tout gérer quand on est une petite équipe. »
Étape 3 : Monter le festival
Quelques notes des Red Hot Chili Peppers se mêlent aux sons industriels des perceuses, ponceuses et autres machines. Dans la grange métamorphosée en atelier artistique le temps de la préparation du festival, tout le monde s’active. Nous sommes à 1h de Paris, dans une ferme à proximité de Plailly, dans le Val d’Oise. À côté des poules, des lapins et des chèvres, on visse des structures en bois et on encadre des tirages.
Qui dit grosse édition, dit grosse préparation. Depuis mars dernier, artistes, architectes, scénographes, ébénistes et bénévoles passionnés travaillent à la construction et la production de la scénographie d’expositions, ainsi qu’au montage des expositions. « Quand la photo est tirée, le boulot n’est pas du tout terminé pour nous. Toute la scénographie demande beaucoup de temps et d’énergie », précise Floriane de Lassée. Pour tout finaliser dans le temps imparti, Nicolas et Floriane ont même fait appel à des stagiaires ou des bénévoles : « En ce moment, on est une quinzaine à l’atelier, mais le reste de l’année on est quatre. »
Photoclimat ne se limite pas qu’à Paris en septembre-octobre puisque les expositions sont destinées à tourner ailleurs en France. Nicolas Henry et le scénographe de théâtre Julien Peissel ont conçu une scénographie à l’image des décors itinérants du théâtre. Faites de matériaux recyclés et upcyclés (matériaux revalorisés), comme le bois et le métal, les scénographies spectaculaires se veulent respectueuses de l’environnement et surtout modulables. L’environnement artistique étant susceptible de voyager et d’évoluer, les tirages sont ainsi mis à disposition des ONG après la biennale. C’est d’ailleurs le principal revenu du festival puisque 80% des expositions de la première édition ont été réutilisées dans le cadre de manifestations culturelles satellites.
Jour J : champagne, discours et vernissage
Lors de sa première édition en 2021, Photoclimat partageait le parvis de l’Hôtel de Ville avec une tente Covid. Cette année, l’équipe du festival a installé ses bureaux à l’Académie du Climat, ainsi qu’un espace d’accueil place de la Bastille, sous la forme d’une yourte traditionnelle mongole. « J’y ai installé mon lit, des plantes et des platines », explique Nicolas Henry, qui a élu domicile dans la yourte pendant toute la durée du festival. « Tous les jours j’ai un dîner, un cocktail, une table ronde, une animation ou une conférence. »
Et les journées sont longues. « Une journée type commence vers 12h, voire plus tôt, quand on passe sur télématin. Quand c’est le cas, les visites du public doublent dès le lendemain. Certains prennent le train depuis la France entière pour venir voir les expos ! », détaille Nicolas Henry. « En fin de journée c’est le temps des rencontres et des vernissages. À partir de 18h, je reçois un groupe et on organise une visite guidée des expositions, à vélo. Ensuite à 20h, on revient place de la Bastille pour visiter le pôle Femmes. Puis on dîne, et ça finit plutôt tard. »
Avec près de 5 millions de visiteurs estimés, Photoclimat met en lumière le travail quotidien des 12 millions de personnes qui travaillent dans les associations en France. Une véritable sensibilisation à l’engagement social et aux problématiques environnementales contemporaines.
Photoclimat, Biennale sociale et environnementale, Paris et Île de France, du 14 septembre au 15 octobre 2023, accès libre et gratuit. Retrouvez la programmation des expositions et la carte du parcours ici.