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L’histoire de la photographie documentaire, 1e partie

La photographie documentaire a ceci de particulier qu’elle fut, dès les origines de la photographie, un projet pour la photographie dans sa globalité. L’historien Guillaume Blanc parcourt en profondeur ce que beaucoup considèrent comme la noblesse de la photographie.

Lorsque le Français Nicéphore Niépce (1765-1833) travaillait à son invention, dans les années 1810-1820, il cherchait déjà un moyen de reproduire fidèlement des gravures, qui étaient alors elles-mêmes les supports privilégiés de la connaissance et de l’information, du fait de leur possibilité de diffusion et de conservation dans les livres et les archives. 

Hercule Florence (1804-1879), lui aussi Français mais exilé au Brésil, travaillait quant à lui à inventer la photographie, mais dans l’idée de permettre la reproduction des billets de banque : il avait donc choisi d’orienter son invention vers le document par excellence, celui qui constitue une telle preuve au point que sa falsification pouvait entraîner la peine de mort. 

Le 3 juillet 1839, lorsque François Arago, physicien et secrétaire général de l’Académie des sciences présenta un rapport à la Chambre des Députés pour les convaincre de l’utilité de la photographie et entériner l’achat de l’invention par l’État, le lien entre photographie et document était définitivement scellé. En effet, Arago, qui se donnait notamment pour objectif de déterminer « si l’on devait espérer que les sciences tireraient parti » de la photographie, s’employa à démontrer qu’elle était un support privilégié de la connaissance. Il s’agissait de prouver, en somme, que la photographie serait un document, c’est-à-dire un support fiable d’information, une preuve. De l’égyptologie à l’astronomie en passant par la physique, Arago détaille toute une série d’applications dans les sciences de l’observation et du calcul. Elles devront selon lui servir « les progrès des sciences qui honorent le plus l’esprit humain ». Ainsi, selon Arago, la photographie utilisée comme instrument de connaissance constitue un moyen d’élévation spirituel.

The Pencil of Nature, 1844–46 © William Henry Fox Talbot

Enfin, du côté de l’Angleterre, le scientifique William Henry Fox Talbot (1800-1877), lui aussi inventeur d’un procédé photographique, insiste sur le caractère de preuve de la photographie : dans The Pencil of Nature (Le Crayon de la nature, 1840), il propose une planche reproduisant des étagères occupées par de nombreux vases de Chine. Dans le texte qu’il accompagne, il explique que la photographie pourrait constituer une preuve de propriété si ces objets étaient dérobés. Ainsi, au tribunal, même si la photographie est muette, elle peut faire parler la vérité.  

Exception qui confirme la règle, seul Hippolyte Bayard, qui faisait lui aussi parti des pionniers de la photographie, orienta plutôt ses travaux vers une recherche artistique. Mais il sera rapidement rattrapé par la vocation documentaire du médium, en participant à la Mission héliographique de 1851. 

On l’aura compris : ce qui de fait l’image photographique un document, et de la photographie un instrument documentaire, c’est la qualité de fiabilité et de véracité qu’on lui attribue. Parce que la photographie procède d’une reproduction fidèle du réel, elle constitue une preuve, un document, bref, une source d’information objective. C’est à partir de ce paradigme de l’objectivité de la photographie que va se dérouler l’histoire de la photographie documentaire, et que vont s’inventer, se consolider, mais aussi être mise en doute certaines de ses fonctions : conserver, connaître, informer, réformer. Du fait de son omniprésence dans l’histoire de la photographie, cette vocation documentaire a eu bien des formes et supposé bien des discours parfois contradictoires. Ainsi, il n’est pas rare qu’une photographie produite comme un document ait attiré l’œil des artistes, comme dans le cas des surréalistes, fascinés qu’ils étaient par les images de la science. A contrario, certaines images produites sans intention documentaire ont quant à elles été considérées pour leur fonction de preuve. Cette histoire revient sur les jalons qui ont contribué à définir le projet de la photographie documentaire. Elle constitue évidemment un aperçu, qui reste à compléter par les innombrables contributions que les photographes ont apportées à ce mouvement mondial.

Des documents pour le patrimoine: documenter pour conserver

Aux débuts de la photographie, la fonction documentaire qui s’exprime le mieux et le plus souvent est une fonction de conservation. Parce que la photographie permet de reproduire fidèlement le réel, elle est très rapidement considérée pour sa capacité à constituer une archive à laquelle on peut se référer pour mieux connaître notre patrimoine matériel et servir sa conservation dans le temps. En 1851, en France, la Commission des monuments historiques lance ce que l’on appellera plus tard la « Mission héliographique». Regroupant les photographes Édouard Baldus (1813-1889), Henri Le Secq (1818-1882), Gustave Le Gray (1820-1884), Auguste Mestral (1812-1884) et Hippolyte Bayard (1801-1887), appartenant tous à la Société héliographique fondée en 1851, elle leur confie le but suivant : « recueillir des dessins photographiques d’un certain nombre d’édifices historiques ». Revenus de leur mission, les photographes offrent un inventaire photographique de 175 monuments en tout. Les photographes se voient chacun attribuer un parcours en solitaire, à l’exception du duo formé par Mestral et Le Gray. Ils sillonnent ainsi la France, devenant l’œil de l’État pour déterminer les opérations de conservation et de restauration à entreprendre sur ces monuments bien souvent abîmés par la Révolution française et menacés de ruine par l’inaction des pouvoirs publics, tel que la cathédrale Notre-Dame du Puy. Cette mission, première commande publique de l’histoire de la photographie, semble donner le la pour toute une série de projets similaires.

Le Puy, cathédrale Notre-Dame © Gustave Le Gray, Mission héliographique, 1851

C’est surtout dans les cercles privés que s’épanouit cette pratique de documentation. En Angleterre, Sir Benjamin Stone (1838-1914) crée en 1897 la National Photographic Record Association afin de recueillir les images du patrimoine matériel (architectures, objets, vêtements…) et immatériel (métiers, coutumes…) britannique. Son but était, en nourrissant cette banque d’images pour la mémoire et le futur, de créer un sentiment de fierté nationale à partir de l’héritage historique britannique. Entre 1897 et 1910, lui et ses compagnons de route livreront près de 6000 photographies au British Museum, lui-même étant l’auteur de plus d’un quart de cet ensemble. Ces images constituent aujourd’hui une mémoire et témoignent aussi d’une forme de sensibilité qui associe le documentaire à une conscience de la précarité des choses, et nombreuses sont les images de cette campagne qui portent avec elle une part de mystère. Si elles sont accompagnées d’une description succincte qui les rattache à des éléments factuels, elles n’en ont pas moins une indéniable beauté.

Tour de Londres, 1898 © Sir Benjamin Stone

La pratique de Stone s’inscrit dans le mouvement plus large des excursionnistes. Si l’on n’imagine mal aujourd’hui le reportage photographique sans une forme de mobilité, cette condition n’était pas aussi évidente à l’époque. Il a fallu attendre que le matériel soit allégé et que les plaques photographiques soient produites industriellement et prêtes à l’emploi. Grâce à ces innovations techniques, la photographie s’est démocratisée et nombre d’amateurs se sont spécialisé dans ce qu’on appellera bientôt l’excursionnisme, organisant ballades collectives dans le but de documenter un territoire donné et les trésors dont il recèle. Il s’agissait, le plus souvent, d’une entreprise locale, permettant ainsi de créer une archive documentaire sur le patrimoine matériel et immatériel des environs. Leurs images gardent aussi souvent la trace des pratiques de loisirs : l’exemple de Charles Adrien (1866-1930), membre de la Société Excursionniste des Amateurs Photographes et de l’Association des amateurs photographes du Touring-Club de France, toutes deux spécialisées dans la photographie de voyage, témoigne de moments anodins dans un cadre bucolique, qu’il s’agisse d’une photo de groupe entre amateurs au cours d’une excursion ou d’un moment de contemplation au bord d’un étang

De l’excursionnisme local au voyage à l’étranger il n’y a qu’un pas, et nombreux sont les photographes qui l’ont franchi. Les progrès de la photographie en matière de mobilité ont aussi amené certains photographes à ramener des clichés de l’ailleurs, bien au-delà des seules frontières de leur territoire quotidien. Nombreux sont ceux qui, partis à l’étranger à l’occasion d’une campagne militaire ou scientifique, d’un voyage d’inspiration artistique ou diplomatique, ont entrepris de faire connaître leur expérience par le moyen de la photographie. On a notamment découvert la réalité d’un Orient qui était jusqu’alors fantasmé par l’image qu’en avaient produite les peintres et les écrivains du mouvement orientaliste. Avec la photographie, cet horizon est renouvelé.

Égypte, Nubie, Palestine et Syrie © Maxime Du Camp

L’album de Maxime Du Camp (1822-1894) intitulé Égypte, Nubie, Palestine et Syrie : dessins photographiques recueillis pendant les années 1849, 1850 et 1851 en est un exemple important. Homme de lettres et journaliste, Du Camp sollicite l’État pour mettre en œuvre une mission archéologique et prévoit, fait nouveau, d’accompagner ses recherches de photographies. Loin de produire un inventaire complet des richesses de l’Égypte antique, Du Camp produit tout de même 214 photographies et en publiera 125. Cet album, qui se situe à mi-chemin entre l’art et le savoir historique, réunit des images dont la précision et la réalité en font des documents de première qualité. Il en va de même pour les images de John Beasley Greene (1832-1856) en Égypte ou celles d’Auguste Salzmann (1824-1872) à Jérusalem à la même période lors d’une autre mission : on comprend que l’intention documentaire se construit avec la nécessité de connaître le patrimoine de l’humanité et d’en garder une trace tangible et informative.

Jérusalem, Sarcophage judaïque, 1854 © Auguste Salzmann

Les missions archéologiques accompagnées par la photographie sont innombrables au XIXe siècle et elles parcourent bien sûr toute l’histoire de la photographie. Cependant, la photographie a aussi permis de mieux regarder ce qui était sous nos yeux depuis toujours. Il en va ainsi de l’œuvre de certains photographes, comme Charles Marville, Hippolyte Bayard ou Eugène Atget, qui donnent l’élan ou font gagner ses lettres de noblesse à une photographie documentaire urbaine. 

Hippolyte Bayard (1801-1887), connu pour être l’un des pionniers de la photographie, se lance dès les années 1840 dans une entreprise de documentation de Paris en produisant des vues grand format. Privilégiant les sujets architecturaux et les monuments, il est l’un des premiers à livrer une telle documentation sur un environnement urbain. Si Bayard travaille seul et sans projet véritablement orienté ou structuré, Charles Marville (1813-1879), quant à lui, peut être considéré comme le photographe qui a le mieux associé sa pratique aux questions patrimoniales. Alors qu’est créée une Commission des monuments historiques en 1837 et qu’une fièvre restauratrice pousse à préserver toutes sortes de bâtiments et de monuments, celui-ci accompagne ces chantiers et les documente. Associé à des architectes-restaurateurs de renom comme Viollet-le-Duc, auteur de la flèche de Notre-Dame-de-Paris récemment abattue par le feu, Marville produit une vaste documentation du Paris d’avant Haussmann puis du Paris des grands chantiers de modernisation. C’est notamment la série du Vieux Paris, qui lui est commandée par la ville en 1864, qui résume le mieux ses ambitions : arrêter l’image de ce qui est en passe d’être transformé ou remplacé. Plus que le patrimoine, c’est la transformation de celui-ci qu’il documente. Ses images, qui sont similaires à celles de Bayard, dépendent cependant d’un projet plus systématique où les photographies répondent à un besoin précis.

La Villette, rue Asselin, fille publique faisant le quart devant sa porte, 19e, 7 mars, 1921 © Augène Atget

Sur le thème de Paris, l’œuvre d’Eugène Atget (1857-1927) est essentielle. Photographe mystérieux et génial, il produit à la fin du XIXe siècle une documentation unique sur le Paris d’alors, dans le but de servir aux peintres pour leurs études. Sa porte affichait un panneau avec la mention « Documents pour artistes ». Atget, constatant les transformations réalisées sous le Paris d’Haussmann, cherche à construire un goût pour le vieux Paris, désormais condamné à la disparition. Il se charge alors de photographier tout ce qui relève du Paris qui sera bientôt ancien : petits métiers, ouvrages décoratifs, petites rues, végétaux… L’ensemble de son œuvre, aux dimensions encyclopédiques, procède d’une volonté de sauvegarder tout ce qui doit bientôt disparaître. Elle porte une charge mystérieuse qui aura beaucoup séduit d’autres photographes et artistes, notamment les Surréalistes.

Cour, rue de Valence, 1922 © Augène Atget

C’est surtout à la photographe américaine Berenice Abbott (1898-1991) que l’on doit la reconnaissance d’Atget. Elle achète une partie de son fonds en 1929 et s’emploie à le diffuser à travers des publications. Alors que ce fonds, dans son intention documentaire, constitue initialement une archive, il devient une collection : le pouvoir de suggestion des images d’Atget captive bien plus que les informations dont elles sont le support. Abbott s’emploie à faire d’Atget un auteur, un artiste, ce qui est la première démarche pour donner au documentaire un enjeu esthétique et plus seulement fonctionnel. De retour aux États-Unis, Abbott reprend le projet d’Atget à son compte et l’applique à New York. Avec l’ouvrage Changing New York publié en 1939, fruit d’un long travail de documentation nourri par son regard sur Atget, Abbott cherche en effet à doubler son travail historique et utile d’une démarche artistique marquée, en lui donnant une empreinte moderniste qui utilise les spécificités architecturales et urbanistiques de la ville comme motifs.

Brooklyn Bridge, Eau et Rues des Docks, En regardant vers le Sud-Est, Brooklyn, 1936 © Berenice Abbott

Innombrables sont les entreprises photographiques qui, depuis les premières grandes réalisations du XIXe siècle ont elles aussi visé à produire une documentation sur un sujet donné. Il serait donc vain de vouloir en proposer un panorama jusqu’à aujourd’hui. Ce qu’on peut plutôt remarquer, c’est que ce champ est régulièrement renouvelé moins par des approches nouvelles que des sujets nouveaux. 

McSorley’s Ale House, 15 East 7th Street, Manhattan © Berenice Abbott

C’est par exemple le cas de l’œuvre-clé des Becher. Berndt (1931-2007) et Hilla Becher (1934-2015), couple de photographes allemands, se sont fait connaître par un travail particulièrement obsessionnel. En prenant pour unique objet le patrimoine industriel allemand, ils redéfinissent l’intention documentaire à partir d’une démarche conceptuelle : ils ne photographient qu’à la chambre, par temps gris afin d’avoir une lumière neutre, avec la même frontalité qui intègre entièrement le sujet dans le cadre. Leur œuvre est si structurée qu’elle obtiendra une récompense normalement dédiée à la sculpture à la Biennale de Venise en 1990, déplaçant ainsi la photographie documentaire dans le domaine de l’art contemporain. 

La tentation encyclopédique: documenter pour connaître

À la fin du XIXe siècle, l’intérêt pour la fonction documentaire de la photographie, prouvée par les nombreuses campagnes qui ont contribué à instaurer une mémoire collective en images, commence aussi à se structurer autour d’une pratique encyclopédique, pédagogique et archivale. Cet idéal s’incarne surtout dans les développements d’une institution d’un genre nouveau et porteuse d’un projet civilisateur : le musée de photographie documentaire. 

Le premier du genre est créé à Paris en 1894 à l’initiative de Léon Vidal (1833-1906), érudit spécialisé dans les techniques photographiques et déjà engagé depuis longtemps dans la reconnaissance culturelle du médium. Si Vidal évoque bien l’idée d’un « musée de photographie documentaire », il s’agit à proprement parler plutôt d’une banque d’images, qui doit permettre d’accueillir tous types d’images sur tous types de sujets, avec une prédominance photographique. Son projet n’obtient que peu de reconnaissance pour lui-même, mais a au moins le mérite d’inaugurer une série de projets similaires et de faire de l’archive photographique une idée partagée, jusqu’au point culminant de 1906 avec le Premier congrès international de la documentation photographique, tenu à Marseille. Ce congrès, qui s’inspire ainsi du modèle des bibliothèques, se concentre surtout sur l’organisation de la documentation photographique, supposant ainsi qu’une photographie ne serait pas un document en soi, mais pourrait le devenir si on la faisait entrer dans un tel système de classement. 

C’est notamment Paul Otlet (1868-1944) qui poussera plus loin l’idée d’une documentation photographique. Consacrant la majeure partie de sa vie à développer un système documentaire global, il est le père de la Classification décimale universelle toujours en usage aujourd’hui. Il met sur pied le Mundaneum, où il intègre tous les nouveaux supports d’information : image, son, film mais aussi microfiche. En 1905, il propose une Documentation photographique universelle ou Répertoire iconographique universel, gourvernée par un Institut international de la photographie. Il trie les 150 000 clichés qu’il y accumule grâce à sa classification décimale et un système de fiche. Il instaure donc une équivalence entre texte et image, la seconde ayant une valeur égale au premier en termes de savoir. Otlet, dans sa démarche pour la photographie, est surtout guidé par deux enjeux fondamentaux : il s’agit non seulement de faire face à la masse toujours croissante des images produites, mais aussi faire de la photographie un instrument de communication et de paix.

Dans les régions en guerre, 1916 © Stéphane Passet

-Ces deux enjeux président aussi à l’un des projets les plus ambitieux de l’histoire de la photographie : les Archives de la Planète d’Albert Kahn. 

Albert Kahn (1860-1940), banquier et philanthrope français, lance en 1909 une immense campagne de documentation photographique et cinématographique aux quatre coins du monde, dans le but de l’inventorier. Par le travail d’une dizaine d’opérateurs, il fait ainsi produire 72000 plaques autochromes (procédé alors nouveau permettant de photographier en couleur), 4000 plaques stéréoscopiques (permettant de voir en relief) et 180 000 mètres de bobines de films, équivalentes à 100h de projection. Ce projet relie donc l’intention patrimoniale avec les nouveaux enjeux liés à l’organisation de la connaissance. Mais il se développe surtout autour de trois nouveautés. Tout d’abord, l’ambition d’une documentation universelle ne repose pas ici seulement sur le rassemblement d’images hétéroclites, aux origines variées, mais sur une production structurée qui a pour but d’assurer un rôle prédéterminé. Ensuite, elle innove du point de vue technique, imposant un nouveau rapport à la réalité avec la couleur, mais aussi avec le mouvement que restitue le film. Enfin, l’autochrome a l’avantage d’être réalisé sur plaques transparentes, permettant de projeter les images lors de conférences, associant encore une fois le texte et l’image et conduisant cette dernière au statut de support d’information légitime. Il participe ainsi au développement des conférences avec projections, moments publics de transmission du savoir, dans lesquels la photographie gagne une place importante en tant que support de connaissance, donc en tant que document.

Pleine Lune, 1871 © Lewis Morris Rutherfurd

Dans le domaine des sciences en général, la photographie a là aussi été d’un grand secours tout en suscitant d’importants débats, notamment en ce qui concerne son « objectivité » supposée. Dans des sciences comme l’astronomie, la bactériologie, la botanique, la physiologie ou encore l’anthropologie, la photographie va occuper un double rôle en tant que document : elle est à la fois un outil et une archive pour la connaissance. Au XIXe siècle, les sciences se modernisent et deviennent positivistes : elles cherchent à devenir plus sûr en privilégiant l’expérience, en cherchant à observer des phénomènes mesurables permettant d’établir des lois. La photographie, qui permet de figer des instants trop fugaces, de voir plus loin, plus près, mais aussi de rendre visible l’invisible, est très plébiscitée dans ces développements. Il suffit de se pencher sur de rapides exemples probant pour envisager la diversité de ces applications : en astronomie, les impressionnantes photographies de la Lune de Lewis Rutherfurd (1816-1892) permettent de mieux connaître sa surface ; en botanique, Anna Atkins (1791-1871) réalise de magnifiques albums de spécimen grâce au procédé du cyanotype ; en physiologie, Étienne-Jules Marey (1830-1904), grâce à sa « chronophotographie », parvient à détailler les mouvements du corps humain et animal.

Sans titre (Sprinter), Après 1893 © Étienne-Jules Marey

LIRE LA 2E PARTIE ICI.

Par Guillaume Blanc

Guillaume Blanc est doctorant en histoire de la photographie à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, enseignant aussi à l’Université catholique de l’Ouest (Angers) et à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée. Ses travaux récents incluent des publications pour les revues Transbordeur et Image & Narrative.

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