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Young European Photographers, Episode 4: Jean-Vincent (France)

La série documentaire « Young European Photographers » explore ce qui anime la jeune création photographique du territoire européen. Dans ce 4ème épisode, en partenariat avec Paris Photo, Blind rencontre Jean-Vincent Simonet dont le travail est exposé dans le secteur Curiosa.


Le soir et le week-end, lorsque les salariés ont quitté l’imprimerie fondée par son arrière-grand-père, un doux silence enveloppe les machines à l’arrêt. On entend tout de même un peu la radio, et le bourdonnement d’un traceur. Entre ces murs de la zone industrielle de Bourgoin-Jallieu, en Isère, le photographe Jean-Vincent Simonet met au point sa dernière série. Au biais d’imprimantes qu’il côtoie depuis l’enfance, il affine sa méthode, cherche à dépasser les limites du médium. Comme une hybridation de la photographie à la peinture et à la sculpture. 

« J’ai commencé à utiliser la photographie comme matière primaire pour nourrir des expérimentations (…) qui mettent en parallèle l’utilisation de matières plastiques et des procédés d’impression jet d’encre. C’est une technique qui est basée uniquement sur les erreurs », explique l’artiste, diplômé de l’ECAL en 2014.

De fait, la tranche de plastique qu’il a glissée dans le traceur avec lequel il imprime ses images, n’est pas calibrée pour celui-ci. Le moniteur indique que les buses sont obstruées, l’encre bave sur le support, le rendu des photos est loin de celui qu’on voyait dans l’aperçu. Suite à la prise de vue, une étape que le photographe assume ne pas apprécier particulièrement, les anomalies d’impression constituent un second palier, plus intéressant, plus exploratoire.

© Jean-Vincent Simonet
© Jean-Vincent Simonet
© Jean-Vincent Simonet

« Au moment où j’ai commencé à me lancer dans ces expérimentations sans vraiment savoir quel allait être le résultat, c’était aussi pour me libérer de Photoshop », analyse celui qui intervient physiquement sur ses clichés pour les déformer en post-production. Après l’impression défectueuse, l’opération de sabotage continue : séchage au décapeur thermique, rinçage dans une cuve remplie d’eau noire ou au robinet « comme une espèce de pinceau pour venir vraiment choisir les zones sur lesquelles le rinçage sera le plus violent »…

La palette d’outils développée par l’artiste lui permet non seulement de s’affranchir des canons photographiques, mais aussi de s’émanciper de la reproductibilité de l’image en créant des œuvres uniques. « Il vient vraiment toucher cette frontière entre la peinture et la photographie, et questionner ce qu’elle signifie. Les œuvres que nous présentons à Paris Photo sont des pièces uniques et on peut voir dans certains cas qu’il intervient concrètement sur les photos avec ses empreintes de doigts (…) C’est le projet le plus personnel qu’il ait jamais fait », s’enthousiasme la curatrice Holly Roussel. Elle a invité Jean-Vincent Simonet à révéler son travail dans le secteur Curiosa, dédié à la photographie émergente, à Paris Photo.

© Jean-Vincent Simonet
© Jean-Vincent Simonet
© Jean-Vincent Simonet

La série heirloom, exposée par la galerie Sentiment (Zurich), matérialise des natures mortes capturées dans l’imprimerie. L’âme du lieu se manifeste dans les entrailles d’énormes imprimantes, les étiquettes du fromage du coin, le contenu d’une benne ou d’un tiroir laissé entrouvert. Une exploration au parfum d’archéologie, à l’heure où les écrans tendent à prendre la place du papier.

De retour dans son atelier parisien du 11ème arrondissement, le photographe manipule de grands livres d’images saturées. Il s’agit dans chaque ouvrage des mêmes clichés, mais imprimés et façonnés différemment. Chaque livre, là aussi, est donc une pièce unique. Une manière de remettre en question notre rapport à l’image, au trop plein d’images, et sa perception par l’intermédiaire des écrans. « Je pense qu’il y a plein d’artistes qui se tournent vers des choses hybrides, entre sculpture et photographie (…) c’est compliqué de mettre en place des nouvelles manières de voir les images, c’est pour ça que j’aime bien faire des livres. Les livres, c’est toujours un rapport assez frontal, direct, ‘charnel‘, c’est un bien grand mot, mais intime.»

© Jean-Vincent Simonet
© Jean-Vincent Simonet

Ce film Young European Photographers, Episode 4: Jean-Vincent (France) a été tourné en octobre 2022 à Bourgoin-Jallieu et Paris. Il est produit par Blind et Phantastica Pictures. Il a été réalisé par Charlotte Jean et Quentin Molinié, avec une musique de Thems.

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