Pendant plus de 10 ans, le photographe colombien Federico Rios Escobar a documenté le quotidien des guérilleros des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC) dans la jungle colombienne. « Vert, tout était vert – la rivière, la jungle, même le ciel », raconte-t-il. « Chaque voyage était un saut dans l’inconnu : contacts souterrains, messages chiffrés, lieux sans nom introuvables sur la carte, odyssées interminables en canoë, moto, mulet et à pied. Des journées entières d’errance à travers les montagnes et les rivières de Colombie. » L’histoire des FARC, c’est un demi-siècle de combat contre le gouvernement colombien. Une guerre qui a causé plus de 250 000 morts, 120 000 disparus et 6 millions de déplacés.
Créée en 1964, les FARC réunissent différents groupes de paysans guérilleros qui réclament des revendications sociales puis un renversement du gouvernement. Une guerre oppose l’armée de libération nationale (ELN) d’obédience communiste alliée aux FARC face à l’armée et les forces paramilitaires d’extrême-droite. Alors que débutent des négociations dans les années 1980, des leaders des FARC sont assassinés par des forces de l’ordre, des paramilitaires d’extrême droite et des trafiquants. La guerre se poursuit. Considérés alors comme un groupe terroriste par les États-Unis et l’Europe, les FARC financent leur mouvement après la chute du mur de Berlin par le trafic de drogue ou des enlèvements, notamment celui très médiatisé de la femme politique franco-colombienne Ingrid Betancourt.
Dans l’ouvrage Verde publié par les éditions Raya Editorial, Federico Rios Escobar présente de façon chronologique ses images passées dans la jungle. « J’ai perdu la trace du nombre de fois où j’ai accroché et décroché mon hamac. C’était ma maison dans la jungle pendant plusieurs années, qu’il fasse froid ou chaleur étouffante, qu’il pleuve ou qu’il fasse soleil. J’y suis restée malade et j’y ai trouvé refuge dans mes moments d’angoisse. Plus d’une nuit, j’ai regardé désespérément le ciel, effrayé. D’autres nuits, je m’endormais confiant dans l’espoir de la paix. » Le photographe a suivi les guérilleros dans leurs traversées, les moments de tension et de joie, il a photographié des familles, des amours naissants, des mères et leurs enfants. Il a documenté le quotidien de ces femmes (40% des combattants des FARC étaient notamment des femmes) et de ces hommes qui restent sur le qui-vive 24 heures sur 24. Il a notamment réalisé des portraits des quatre guérilleros historiques survivants de la création du mouvement.
En 2012, les FARC et le gouvernement colombien entament des pourparlers de paix officiels et signent en 2016 un accord historique de cessez-le-feu et des hostilités bilatéral et définitif. Federico Rios Escobar est dans la jungle à cette période. « La guerre en Colombie a été bien plus que le conflit armé entre les Farc et le gouvernement, mais l’accord visant à désarmer et à réintégrer plus de 13 000 guérillas dans la vie civile et à mettre fin à 52 ans de conflit a été une étape importante et ferme vers un pays en paix. » Alejandro Gavira, qui a été Ministre de la Santé et de la Protection sociale pendant les négociations, introduit la série Verde ainsi : « C’est un livre à propos de la Colombie, à propos de notre tragédie et notre espoir en un avenir différent. C’est un livre sur la guerre, sur les récentes tentatives de paix, sur le besoin (presque existentiel) de prendre soin et de comprendre notre biodiversité, et sur l’impératif de construire un avenir différent dans lequel les armes ne seront plus jamais un instrument d’inclusion. »
Malgré l’espoir qu’a insufflé cet accord de paix sur le pays, des années après, tant une partie des FARC que des paramilitaires n’ont pas encore totalement désarmé. À la dernière page du livre, le photographe inscrit en bas de pas ces quelques lignes comme pour marquer que le chemin vers la paix est encore long à creuser : « Au moment de l’impression de ce livre, 259 anciens combattants, plus de 1147 responsables sociaux et 80 responsables écologistes avaient été tués en Colombie au cours des 3 ans et demi qui ont suivi la signature de l’accord de paix, selon Indepaz. Dans la même période, près de 800 000 hectares de jungle ont été déboisés dans le pays selon Ideam. »
Federico Rios Escobar, Verde. Raya Editorial, $43.24, 324 pp.