Après Le Musée Niépce de Chalon-sur-Saône en 2014, la Biennale de Daegu (Corée) et L’Hôtel des Arts de Toulon en 2018, le Salon de la Photo à Paris en 2019 et l’Académie de France-Villa Médicis à Rome il y a quelques mois, cette exposition est la sixième présentation d’envergure consacrée à la collection Florence et Damien Bachelot.
Outre le fait qu’elle est consacrée aux portraits, elle se distingue par l’originalité de son parti pris car les tirages des Bachelot sont pour une partie du parcours présentés au sein des collections du musée Réattu, invitant à une traversée dans le temps, tous arts confondus. « L’idée est de faire dialoguer les tirages noir et blanc et couleur d’auteurs classiques et contemporains de notre collection avec les peintures et autres sculptures de l’institution arlésienne », explique Damien Bachelot.
Sous le double commissariat de Françoise Docquiert, universitaire spécialisée en esthétique de l’art contemporain et en photographie, et d’Andy Neyrotti, responsable du pôle conservation du musée Réattu, le cheminement propose une sélection de 120 œuvres d’une cinquantaine de photographes, choisis parmi les quelque 1 000 pièces accumulées par le couple depuis une vingtaine d’années.
Cet ensemble collecté avec passion n’est pas exclusivement dédiée au portrait mais « l’essence est l’humain; ce n’est pas un choix délibéré mais une constatation de nos choix au fil du temps », explique le couple à la co-commissaire dans le catalogue. De la même manière, la conscience de constituer une collection est née après-coup. Au fil du temps et des acquisitions, Florence et Damien Bachelot ont affiné leurs choix au gré de rencontres, parmi lesquelles celles avec Sam Stourdzé, ex-directeur des Rencontres d’Arles aujourd’hui à la direction de la Villa Médicis, et le galeriste new-yorkais Howard Greenberg se sont révélées essentielles.
Vite aguerris, ils choisissent de jeter leur dévolu sur des tirages rares, des vintage ou des originaux pour les pièces du XXe siècle – Brassaï, Edouard Boubat, etc. – et des éditions limitées pour les contemporains. Dans les années 2000, ils découvrent la street photography américaine, et acquièrent leurs premiers Saul Leiter, pionnier de la couleur dans les années 1950. Florence et Damien Bachelot en possèdent aujourd’hui une quarantaine de tirages cibachrome. Certains d’entre eux sont à découvrir dans l’exposition comme un très beau noir et blanc (Jean, 1948) ainsi que des Lewis Hine ou Dorothea Lange achetés à la même période.
Pour le couple, collectionner, c’est aussi soutenir les artistes contemporains et ainsi les galeristes. « Notre collection est comme une caisse de résonance de la scène actuelle française. Nos achats constituent une forme d’accompagnement et de soutien à la création contemporaine de notre pays », explique Damien Bachelot, citant Véronique Ellena, Laura Henno, Luc Delahaye, ou Thomas Boivin et Pierre-Elie de Pibrac tous les deux acquis plus récemment.
Ces derniers et d’autres ont naturellement été intégrés dans l’exposition du musée Réattu. Parmi les classiques, Damien Bachelot cite une dizaine de portraits de 1946 de Igor Stravinsky assis à son piano par Arnold Newman. Une série rare permettant de comprendre le déroulé de la séance souvent résumée à une seule image. Des icônes, il y en a beaucoup d’autres dans la présentation : de Mademoiselle Anita (1951) de Robert Doisneau au soldat américain de la guerre du Vietnam (1967) de Gilles Caron en passant par Lella (1948) d’Edouard Boubat ou encore le patriote au drapeau (1967) de Diane Arbus.
Le cheminement dans les collections du musée réserve bien des surprises. Certaines correspondances sont saisissantes, comme les images en noir et blanc issues de la série « D’Argile » de Laurence Leblanc en vis-à-vis d’un christ en bois d’un anonyme datant du 14e siècle. Ou encore le célèbre jeune garçon de Gondeville de Paul Strand (1951) placé judicieusement à côté d’un autoportrait de Jacques Réattu du XVIIIe siècle. Plus qu’un dialogue, les œuvres se nourrissent mutuellement.
Portraits. La collection Florence & Damien Bachelot au Musée Réattu, à Arles. Du 1er juillet au 1er octobre 2023.
Catalogue : Textes de Françoise Docquiert et Andy Neyrotti, français, anglais, 128 pages, éditions Maison CF, 42 euros.