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À Vendôme, un festival solidaire

La 18e édition des Promenades Photographiques s’intéresse cette année à la terre, ses paysages, ses curiosités et menaces, dans une région au patrimoine historique exceptionnel et en mutation.

Vendôme est un joyau médiéval à 42 minutes de Paris en TGV. De la sous-préfecture du Loir et Cher, située à quelques kilomètres du Parc National du Perche, on retient souvent l’entrée de sa cité, son architecture splendide, traversée par la rivière du Loir qui s’y divise et la sillonne en plusieurs plus petits cours d’eau, ou encore la célèbre forêt de Vendôme qui la borde. A l’heure de l’exil à la campagne et du télétravail, la région ne déroge pas à la tendance: hausse des prix immobiliers, arrivée de parisiens en manque de verdure, boom touristique et restaurants pleins le weekend.

Preuve que la ville a du succès, l’année dernière la mairie a vendu son nom à LVMH pour 10 000 euros, permettant au groupe de luxe le droit d’utiliser la « marque » Vendôme pour de futurs bijoux. Louis-Vuitton a également acquis plusieurs bâtiments à Vendôme, avec comme projets l’implantation de deux maroquineries et la rénovation d’un ancien couvent classé. Malgré la création d’emplois, le montant des ventes et des cessions de droits par la mairie font encore débat. Surtout, à Vendôme, on attribue ces opérations à du pur storytelling, puisque la marque est née dans le faubourg des chiffonniers de Paris, à Asnières (Hauts-de-Seine), en 1854.

Ces bouleversements, qui sont aussi forcément politiques, touchent aujourd’hui la photographie, qui doit sa présence à Vendôme au Festival des Promenades Photographiques et à sa directrice artistique Odile Andrieu depuis 18 années. Le budget de l’événement est de 230 000 euros. Un chiffre assez pâle face aux plus de 7 millions traditionnellement alloués à l’organisation des Rencontres d’Arles, la référence mondiale en la matière, et surtout surprenant au vu des possibilités et de la faible présence de la culture au niveau local. Cette année, la baisse logistique du soutien municipal et une mise à disposition des lieux plus courte ont provoqué une modification du weekend d’ouverture des promenades, réduit de 4 à 3 jours, et poussé les organisateurs à révolutionner l’événement pour l’édition 2023.

Territoires multiples © Becka Martin
Territoires multiples © Becka Martin
Territoires multiples © Becka Martin
Territoires multiples © Becka Martin

La solidarité est donc de mise cette année pour les amoureux du festival vendômois. « Ce n’est pas mon festival », dit Odile Andrieu, « c’est le nôtre. Ce qu’on arrive à faire, c’est parce que chaque personne a de l’importance à la place à laquelle elle est. » Aux « Promenades », on parle en l’occurrence de 3 salariés à l’année, 50 bénévoles, et 20 postes ponctuels. « C’est aussi ça la philosophie du festival: travailler sur le réemploi et la préservation des choses. »

Bien sûr, rien ne serait possible sans les photographes eux-mêmes. Pour cette 18e édition, on note une programmation résolument tournée vers la paysage, naturel urbain, statique, sillonné, brut, habité, nu, disparu, déconstruit… et la présence de plusieurs têtes d’affiche. Comme l’Allemand Hans Silvester, connu pour son engagement écologique et qui expose d’étonnants portraits d’épouvantails. « Je suis arrivé en 1960 en Provence, à côté de Cavaillon », explique le photographe. « Et à ce moment-là, il y avait plein d’épouvantails partout, dans les vignes ou dans les champs de melons. J’ai rapidement compris qu’ils n’existaient pas seulement pour faire peur aux oiseaux. C’était vraiment des créations, de l’art populaire. C’est quand même un grand moment de bonheur de créer ces pantins. J’ai commencé à les photographier et c’est devenu une collection de photos, que j’ai continuée au cours de mes voyages: en Espagne, en Pologne, au Japon. Même en Ethiopie, où ils sont mieux finis, ils ont des expressions plus travaillées parce qu’ils doivent faire peur aussi aux singes. Et pour les singes, la silhouette ne suffit pas. »

Les épouvantails © Hans Silvester
Les épouvantails © Hans Silvester
Les épouvantails © Hans Silvester
Les épouvantails © Hans Silvester
Les Chants de l’Asphodèle © Mathias Benguigui & Agathe Kalfas
Les Chants de l’Asphodèle © Mathias Benguigui & Agathe Kalfas
Les Chants de l’Asphodèle © Mathias Benguigui & Agathe Kalfas
Les Chants de l’Asphodèle © Mathias Benguigui & Agathe Kalfas

Il y a aussi les photojournalistes Mathias Benguigui et William Daniels, dont les travaux exposés portent respectivement sur l’île grecque de Lesbos, ses problématiques contemporaines et son histoire – une série sensible faisant dialoguer traces du passé, mythologie et mémoire collective de la migration – et sur la ligne ferroviaire Baïkal-Amour Magistrale (BAM), qui traverse l’Extrême-Orient russe sur plus de 4 000 kilomètres. Ou encore Christine Spengler, l’une des premières femmes photojournalistes du 20e siècle, qui montre des photographies surréalistes en couleur qu’elle a réalisées à chaque retour de reportage « pour exorciser la douleur des guerres ». A découvrir: une réinterprétation de Frida Kahlo, La Callas, Greta Garbo, Marguerite Duras, sa préférée.

Baïkal-Amour © William Daniels
Baïkal-Amour © William Daniels
Baïkal-Amour © William Daniels
Baïkal-Amour © William Daniels

La photographe alsacienne, élevée à Madrid, à la personnalité cocasse et attendrissante, présente également ses images de conflits au Musée de la libération, à Paris, dans une exposition sur les femmes photographes de guerre. Au détour d’une exposition du festival, elle en discute émerveillée avec la photographe Sandra Reinflet. « Tu as vu ma photo de Phnom Penh? Celle qui fait l’affiche de l’exposition? Il y en a partout dans Paris. La gardienne de chez moi m’a dit qu’il y avait même un mur où ils en ont mis 10 à la suite. »

Dès l’âge de 7 ans, son oncle Louis, grand afficionado, l’emmène régulièrement à la corrida, tandis que sa tante Marcelle l’initie à la peinture en lui faisant découvrir les chefs d’œuvres du Prado. L’enfant est aussitôt fascinée par Goya, qui deviendra son maître lorsqu’elle découvrira à l’âge de 24 ans sa vocation de correspondante de guerre au Tchad.

Mon paysage intérieur © Christine Spengler
Mon paysage intérieur © Christine Spengler
Mon paysage intérieur © Christine Spengler

Dans la série exposée à Vendôme, sur des murs rouges évoquant les arènes, Christine Spengler passe du rouge de la photographie, du rouge du sang, du rouge de la guerre au rouge ex-voto. « Comme si la couleur avait changé de camp », dit le journaliste Laurent Laborie. « Le rouge, c’est ma couleur évidemment », répond la photographe. « La guerre, j’en ai rêvé pendant des nuits et des nuits. À chaque retour de reportage. Sous la porte de la maison, alors que j’étais avec mon compagnon, je croyais encore voir les fumées du bombardement de Phnom Penh. » Le lien entre ses images de guerre et ses portraits de personnalités appréciées, c’est aussi les expressions des sujets photographiés. «  C’est vrai que j’adore les regards. Dans toutes mes photos, les gens me regardent droit dans les yeux. Un regard frontal. J’adore, parce que les Arabes disent toujours que les yeux sont les fenêtres de l’âme. Le regard est très important. Je n’ai jamais volé une photo de ma vie. »

Parmi les séries qui parlent aussi de ceux qui vivent sur une Terre en souffrance, qui plus est dans l’actualité environnementale de ces dernières années, figure en bonne place le travail du photographe Maxime Riché sur les feux de forêts en Californie, intitulé « Paradise », du nom d’une ville de l’État. Un sujet bien ficelé: entre portraits et paysages classiques, et prises de vues en infrarouge, dans des images qui rappellent celles du photojournaliste Richard Mosse au Congo. A la différence que le rose ou le rouge de Riché ne sont pas des gimmicks, mais là pour suggérer la présence du feu dans le paysage américain. La série est présentée sous forme de film, photos et son, à Vendôme, et est à paraître prochainement dans la presse.

Paradise © Maxime Riché
Paradise © Maxime Riché

Au rayon des découvertes, les photos des étudiants en résidence, présentées dans une exposition de groupe intitulée sobrement « Campus ». A la fabrique du docteur Fanton, un endroit atypique, comme on les aime, où le métal sculpté côtoie les tirages de qualité, et où règne une atmosphère créative. Parmi ces jeunes regards, celui de Delphine Lefebvre, qui a photographié avec tendresse les enfants qui ne partent pas en vacances. A la place, ils se retrouvent au centre culturel du quartier des Rottes, là où les attendent des éducateurs dévoués, des sorties et des activités. Une série qui suggère que, à la plage, à la montagne, ou dans les champs, l’été a pour tout le monde une saveur particulière.

Festival Promenades Photographiques. Jusqu’au 27 août 2022. À Vendôme, France.

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