Dans des boîtes contenant des centaines de grands tirages colorés, retraités juifs, architecture art déco, élégance balnéaire et fantaisie émergent en image. Depuis 2006, la Andy Sweet Photo Legacy, organisation caritative créée par la famille du photographe, a restauré numériquement une grande partie de son travail à partir de ses archives. De celles-ci, découle l’exposition « Andy Sweet – Miami Beach 70’s », conçue par Valérie Kersz, commissaire d’exposition, et Ed Christin, archiviste pour la Andy Sweet Photo Legacy
Le projet Miami Beach
Miami Beach : les stars de cinéma, les hôtels de luxe et la jet-set. Pourtant, avant d’être une Riviera américaine flashy, le Miami Beach de la fin des années 1970 était connu comme « le Shtetl », le petit village juif au bord de la mer.
« À l’époque, cette communauté juive représentait près de 80 % des habitants de Miami Beach. Ces retraités juifs, principalemeny ashkénazes ont fui après l’Holocauste, quittant l’Europe pour les Etats-Unis » explique Valérie Kersz. Les petits appartements, le faible coût de la vie, le climat ensoleillé et la vie culturelle effervescente en font le foyer d’une population majoritairement juive âgée de plus de 70 ans. Chaque soir de week-end le long d’Ocean Drive, South Beach accueille une centaine de fêtes juives.
Jeune photographe vivant et travaillant à Miami Beach à la fin des années 1970, Andy Sweet s’intéresse aux « anciens » de cette communauté juive. Avec son meilleur ami, Gary Monroe, ils entreprennent le projet Miami Beach : pendant près de 10 ans, les deux photographes documentent la vie quotidienne de la ville balnéaire. Leur travail retrace ce chapitre unique de l’histoire de South Beach, qui sera bientôt effacé par les turbulences des années 1980.
Afflux de drogues, augmentation spectaculaire de la criminalité…Miami Beach devient un cadre naturel pour la violence sanglante du film Scarface de Brian De Palma, ou de la série policière à succès Miami Vice. Ironie du sort, le principal témoin de cet ancien monde est poignardé à mort dans son appartement. Andy Sweet meurt le 16 octobre 1982 alors qu’il n’a que 29 ans.
Un héritage visuel unique
« Ce qu’il faut voir à travers cette série, c’est que le monde change, les villes bougent. » souligne Valérie Kersz. Témoignage de l’histoire, le travail d’Andy Sweet est aussi un regard innocent, presque touchant, sur la vie de l’époque. Ses photographies retracent une période particulièrement dense et joyeuse du Miami Beach de la fin des années 70. Année après année, Andy Sweet tente de saisir les dernières impressions d’une communauté en déclin et celle d’un monde bientôt disparu.
« Beaucoup de photographes photographient pour la mémoire. Andy étant juif lui-même, ses images matérialisent le souvenir de sa communauté. Il fait revivre ces gens. D’ailleurs ils ne sont pas du tout réticents à se faire photographier ! C’est comme si on leur donnait une deuxième jeunesse. » ajoute Valérie Kersz.
Figure familière à South Beach, le jeune Andy se lie d’amitié avec ses sujets. Il s’immerge totalement dans cette génération vieillissante mais dynamique, comme en témoignent les réveillons du Nouvel An dans les fêtes d’hôtel où les convives exhibent tenues pittoresques et chapeaux pointus.
La dolce vita de South Beach
Andy Sweet expérimente toutes les possibilités créatives de la pellicule couleur. La lumière et les couleurs chaudes ajoutent un peu de jeunesse aux visages rongés par le temps. L’immédiateté des images accompagne la vivacité des teintes. Ces teintes, ce sont celles des ballons, des parasols et des tenues de bains. L’esprit enjoué de Sweet transperce les images, et le charme du Technicolor redonne son éclat à une communauté souvent jugée morne et peu digne d’intérêt.
L’esthétique rafraîchissante de Sweet rend hommage à la photographie de rue, pure et pleine. Sa principale inspiration est d’ailleurs Diane Arbus. Comme elle, il s’applique à photographier des individus ordinaires faisant des choses ordinaires. Son objectif est tourné vers les visages des gens. Bronzés, fatigués, trop maquillés, ils en deviennent presque touchants. Qu’ils prennent un bain de soleil sur le perron d’un hôtel ou qu’ils dansent amoureusement sur la plage, ces vieux et beaux visages sont toujours souriants.
La douceur de vivre et la formidable bizarrerie de l’endroit transparaissent à travers les immeubles tape-à-l’œil, l’eau turquoise et les cocotiers. Loin de la folie des soirées branchées et des paillettes, Sweet pose un regard très humain sur une réalité révolue. Ce court-métrage réalisé par la Fondation Andy Sweet donne d’ailleurs un aperçu de sa courte et brillante carrière. Aujourd’hui, grâce aux efforts de la Fondation, d’Edward Christin et de Valérie Kersz, son travail est redécouvert et présenté devant un nouveau public francophone.
ANDY SWEET, “Miami Beach 70’s”. L’Atelier/Galerie Taylor, 7 rue Taylor 75010 Paris, du mardi au samedi, de 14h30 à 19h. Exposition présentée jusqu’au 17 novembre 2022.