Tout a commencé à Toulon, dans le Sud-est de la France, au bord de la Méditerranée où a grandi le photographe Ben Thouard. « Mon père avait un voilier et on passait nos week-ends et nos vacances en mer sur le voilier. C’est là que j’ai forgé cette relation, cet amour pour l’océan, l’océan au sens large du terme. » Il découvre d’abord le surf, puis à l’adolescence, le windsurf et la photographie. « Mon père avait un vieil appareil photo à la maison, j’ai été intrigué, j’ai acheté quelques films et je suis allé shooter mes potes surfer, j’ai capturé des images de vagues, je prenais aussi l’appareil sur le bateau. »
Ben Thouard sait qu’il deviendra photographe, il monte à Paris suivre des cours dans une école de photographie mais il ne sent pas à sa place dans la capitale, « la vie à Paris a été compliquée pour moi car j’avais toujours vécu au bord de la mer et je passais tout mon temps dans l’eau. » Il abandonne son cursus au milieu et part pour Hawaï où il commence à prendre des photos de surf et de voilier. Il fait le tour du monde jusqu’à arriver à Tahiti et y poser ses valises. Ça fait maintenant 14 ans qu’il y habite. Tahiti a été pour lui « un vrai coup de cœur, un vrai coup de foudre et à tous les niveaux, en tant que surfer mais aussi en tant que photographe. » Les lumières, la faune et la flore, l’eau chaude et claire l’ont conquis.
« J’étais d’abord photographe de surf, j’ai travaillé pour les magazines, pour les marques avec un aspect plutôt photojournaliste ou photo commercial et petit à petit, j’ai voulu créer quelque chose de plus personnel, plus artistique. » En 2018, Ben Thouard sort Surface, sa première monographie qu’il autoédite. 180 photographies qui racontent « son histoire et expriment sa vision personnelle de l’océan. » Une fois publié, il veut se lancer dans un autre projet qui donnera quatre ans plus tard Turbulences édité cette fois-ci par un éditeur : les éditions Mons. Focalisé sur la vague de Teahupo’o, Ben Thouard a souhaité avec ce livre « approfondir le côté artistique de l’image, et la recherche photographique du côté sous-marin de Teahupo’o ».
Ben Thouard a la chance d’habiter tout près de Teahupo’o, cette vague mythique pour les surfeurs. « C’est une vague unique à cause de la forme du récif qu’il y a sous l’eau, c’est ce qui lui donne sa particularité, la houle vient du Pacifique Sud et se heurte à ce récif qui a une forme parfaite et qui permet à la vague de dérouler de façon très creuse, d’offrir ce tube très régulier. » Le tube, c’est la figure reine en surf, c’est tout ce qu’un surfeur recherche. À Teahupo’o, le tube est splendide. « C’est une des vagues les plus puissantes au monde mais aussi l’une des plus esthétiques, toutes les conditions sont au rendez-vous pour donner une vague parfaite. »
Une séance de shooting pour Ben Thouard dépend (tout comme les surfeurs) des conditions météo. « C’est vraiment la météo qui guide nos vies. On étudie la météo, on cherche à savoir quand il y aura de la houle et de bonnes conditions, c’est-à-dire pas de vent ou un vent bien orienté qui ne gâche pas la vague. » Quand les conditions sont réunies, Ben Thouard se rend au lever du soleil sur le spot choisi, il regarde pendant cinq à dix minutes les vagues pour se rendre compte de la taille et de la situation. Il prépare ensuite son matériel en fonction. « Si c’est petit, favoriser le grand angle et aller au cœur de l’action. Si c’est plus gros, on a tendance à prendre un téléobjectif et rester un peu en retrait de la vague par sécurité. » La séance dure entre une heure et quatre heures. Il répète la même chose à la tombée du jour.
L’ouvrage Turbulences, c’est 75 photographies sélectionnées prises de « l’élément eau » parmi plus de 300.000. « Je suis aussi retourné chercher dans mon disque dur des images prises lors de mes dix dernières années à Tahiti. » Après une première sélection de 500 images, Ben Thouard a travaillé avec le photographe, graphiste et éditeur Alexis Berg pour parfaire son tri en ayant pour ligne directrice « le blanc et le bleu ». Il s’est également replongé dans l’eau pour photographier quelques images à ajouter. « Le but était de pousser plus loin le travail du photographe et de réaliser un livre-objet. Je voulais faire passer toutes les émotions que je peux ressentir en étant dans l’eau mais à des gens qui ne sont pas forcément sensibilisés au milieu marin. »
Turbulences de Ben Thouard est publié par les Éditions Mons, 128 pages, 55€.