Plus d’une route mène de l’Afrique au Bronx. Pour l’artiste Awol Erizku, ce voyage traverse le temps et l’espace. En un acte spirituel, son livre Mystic Parallax joue avec la culture visuelle.
Utilisant une palette de couleurs si vivante que l’on peut presque y goûter, Erizku compose des tableaux fascinants, à la fois futuristes et mythiques, créant un nouveau style qu’il a baptisé Afro-Esotericism. Que ce soit un portrait ou une nature morte, chaque image est empreinte de toute la majesté panafricaine et d’un surréalisme céleste, les deux fonctionnant en parfaite synergie.
Comme Marcel Duchamp et l’artiste afro-américain David Hammons, Erizku puise profondément dans la culture, à la fois érudite et populaire, et la réinterprète pour la faire entièrement sienne. À travers la photographie, le film, la vidéo, la peinture et l’installation, Erizku transforme le ready-made en une scintillante phantasmagorie, à la fois lisible et mystérieuse.
Sur la couverture de Mystic Parallax se détache le buste de Nefertiti, son profil élégant magnifié par l’effet boule à facettes. Le buste apparaît sous d’autres formes et dans d’autres contextes tout au long du livre, chaque instance révélant quelque chose de nouveau.
L’énigme du sphinx
Originaire d’Éthiopie, Awol Erizku a grandi dans le Bronx avant d’étudier à la Cooper Union de New York et d’obtenir son diplôme à la Yale School of Art en 2014. Depuis 10 ans, il s’impose comme un artiste d’une force singulière, créant des images emblématiques devenues la voix d’une génération dans le monde entier.
Son portrait de 2009, Girl with a Bamboo Earring, réimagine la célèbre peinture de Vermeer, La Jeune fille à la perle, pour en faire une jeune fille noire lumineuse, d’une beauté tendre et d’une innocence contrebalancées par un regard perçant qui ne vous quitte pas des yeux. Plutôt que d’utiliser simplement la référence comme une critique de l’histoire de l’art et des systèmes de pouvoir qu’elle cautionne, Erizku va encore plus loin : il engage une conversation avec le public en dehors des limites étroites de l’art occidental.
Ainsi libérée, l’œuvre d’Erizku transcende l’héritage de la culture artistique occidentale. Loin de se tenir à l’écart, son travail vient à notre rencontre là où nous sommes, nous invitant dans un royaume mystique. Comme la figure du sphinx, il ne cesse d’intriguer et de ravir.
Ce qui sous-tend l’œuvre d’Erizku est à la fois ambigu, familier et un peu hors d’atteinte, sous la patine de multiples histoires qui coexistent. « S’il y a une vision dans l’art d’Erizku, elle est panafricaine, englobant tout, des symboles de l’Afrique à ceux qui fusionnent avec la culture populaire américaine », écrit le poète et dramaturge Ishmael Reed dans Mystic Parallax.
Mystic Parallax, éd. Aperture, 75$