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Bernard Plossu, soixante ans de tendres photographies

A l’occasion de la sortie d’un Photo Poche consacré à Bernard Plossu, la galerie Camera Obscura présente une exposition rétrospective qui retrace en soixante images la carrière de ce photographe du voyage, de la marche à pied, du hasard photographique, de l’imprévu et de l’entrevu.

Quand en 1965, à l’âge de vingt ans, Bernard Plossu arrive au Mexique, il n’a reçu aucune formation photographique. Il n’a entendu parler ni de Robert Frank ni d’Henri Cartier-Bresson, et il ne doit sa culture visuelle qu’à la fréquentation de bandes dessinées et de magazines de presse populaire tels que Paris Match et Jours de France. Il est alors loin de se douter qu’il s’apprête à entamer un voyage qui non seulement changera sa vie, mais aussi lui inspirera un manifeste photographique qui laissera une marque indélébile dans l’histoire de la photographie.

Nijar, Andalousie, 1992
Nijar, Andalousie, 1992 © Bernard Plossu
Santa Cruz, Tenerife, Canaries, 1991
Santa Cruz, Tenerife, Canaries, 1991 © Bernard Plossu
Marseille, 1975
Marseille, 1975 © Bernard Plossu
Cordages à Filicudi, Italie, 1988
Cordages à Filicudi, Italie, 1988 © Bernard Plossu

Son adolescence bercée par Miles Davis et Elvis Presley, Bernard Plossu sèche souvent les cours pour passer l’après-midi à la Cinémathèque de Paris, où il découvre les films de Mizoguchi, Dreyer, Buñuel, Bergman et Truffaut ; c’est là qu’il prend ses premières photos de sa petite amie Michèle, « encore plus belle que les actrices à l’écran ». Lorsqu’il échoue au baccalauréat, il prend la décision de quitter le confort familial bourgeois pour s’installer au Mexique chez ses grands-parents maternels, émigrés d’Indochine. Là, il entame des études de philosophie, qu’il abandonne quelques semaines plus tard pour embrasser la vie de bohème : il se lie d’amitié avec les beatniks et routards locaux, fume de l’herbe et sympathise avec l’opposition à la guerre du Viêtnam. Bill Coleman, activiste et membre des Étudiants pour une société démocratique, devient son mentor et son guide après que les deux jeunes hommes se sont rencontrés à l’université. Dans l’air du temps, entre la fin de la culture beat et l’essor du mouvement hippie, le duo prend la route et se lance dans une vie nomade, voyageant à pied, en auto-stop et en bus.

Au volant d’une vieille Pontiac déglinguée avec Coleman ou dans la Volkswagen décapotable de Crazy George, ils dorment de plage en plage et nouent en chemin de nouvelles amitiés – Laurie, Karina, Juan le poète portoricain, Roger et son ukulélé (toujours stone). Ils voyagent de San Miguel de Allende à San Cristóbal de Las Casas, en passant par Guanajuato et Oaxaca, et fêtent le Nouvel An sur la plage de Zipolite, à Puerto Ángel. Équipé d’un Kodak Retina, Bernard Plossu sillonne ainsi le Mexique pendant près d’un an et demi. Insouciant et ouvert à tout, suivant avec résolution son absence d’itinéraire à la manière des surréalistes, il photographie à l’intuition, capture les instants de grâce fugaces, « comme ça, sans raison particulière, pour vivre l’expérience, le moment présent »

Mexique, 1965
Mexique, 1965 © Bernard Plossu
Route d’Acapulco, Mexique, 1965
Route d’Acapulco, Mexique, 1965 © Bernard Plossu
Mexique, 1966
Mexique, 1966 © Bernard Plossu

C’est au cours de ce voyage initiatique qu’il découvre ses grands thèmes, les copains, la route, l’errance, la sensualité, la liberté, « cette connivence, cette familiarité idéale » qu’il est capable de nouer avec les gens qu’il croise et les lieux qu’il traverse. Il trouve de la poésie dans les situations les plus ordinaires, qu’il capture à la volée sans souci de cadrage, de mise au point ou de lumière : ses compagnons de voyage assoupis à l’arrière d’une voiture, une femme dans sa robe de mariée, les genoux de sa petite amie entraperçus sous une jupe alors qu’elle s’accroupit, des bras ballant à la fenêtre d’une voiture… Dès le début, il aime passionnément le Mexique, qui lui donne l’impression de vivre l’expérience de Sur la route sans lire Kerouac. En chemin, il se joint à une expédition ethnographique et passe trois mois à photographier les jungles sauvages du Chiapas, près de la frontière du Guatemala.

Les chroniques visuelles de Bernard Plossu relèvent d’une liberté photographique rare, d’un sens de l’émerveillement presque enfantin face à un lieu où tout semble possible. Dix ans plus tard, il publie un petit carnet de voyage d’une soixantaine d’images, Le Voyage mexicain, qui deviendra une bible pour toute une génération de photographes. « Beaucoup de jeunes me disent avoir voyagé avec ce livre en pochex, le considérant comme une référence, raconte-t-il, mais ce n’est pas un livre d’art sur le Mexique ; plutôt un livre sur le fait d’avoir vingt ans et d’aller n’importe où, de faire n’importe quoi. »

Fresson, Le fauteuil rouge, Madrid 1975
Fresson, Le fauteuil rouge, Madrid 1975 © Bernard Plossu
Fresson, Milan, Italie, 2008
Fresson, Milan, Italie, 2008 © Bernard Plossu
Fresson, Ciotat, Palais Lumiere, 2011
Fresson, Ciotat, Palais Lumiere, 2011 © Bernard Plossu

Extrait de l’introduction du Photo Poche consacré à Bernard Plossu. Pour lire la suite de ce magnifique texte, vous pouvez acquérir le livre publié par les éditions Actes Sud pour 14,50€ en cliquant ici.

L’exposition « Bernard Plossu, Rétrospective » est à voir à la galerie Camera Obscura, à Paris, du 7 juin au 27 juillet 2024.

Une autre exposition, « Bernard Plossu, Fresson », est également à voir au festival de La Gacilly, du 21 juin au 3 novembre 2024.

Autoportrait, Paris, 1963
Autoportrait, Paris, 1963 © Bernard Plossu

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