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Black Archives, une histoire de famille

Dans le livre Black Archives, Renata Cherlise a rassemblé des photographies réalisées entre les années 1930 et 1990, qui rendent hommage à l’Amérique noire.

Le livre Black Archives, pensé par Renata Cherlise, est une danse attendrissante de réunions de famille, de jours de fête, de vacances, de virées en ville, de moments de prière et de soirées entre amis. Préservant un héritage, ces photographies amateur réalisées entre les années 1930 et 1990 créent un lien intime avec les générations à venir.

Renata Cherlise, la fondatrice de Black Archives, plateforme qui chronique l’histoire des Noirs américains, côtoie la photographie depuis son plus jeune âge. À Jacksonville (Floride), encore adolescente, elle feuillette attentivement les albums photo de sa famille. Son père, Edwin, est photographe amateur. Il documente leur vie avec son Nikon et combine les photographies avec des coupures de magazines et de journaux. Dans le même temps, la grand-mère de Renata prend des photos avec son Polaroid. Dans les marges blanches des albums, elle inscrit soigneusement les légendes des photos, puis les classe chronologiquement.

L’une des photographies préférées de Renata Cherlise est un Polaroid de ses parents, pris lors d’une soirée, en 1985. C’est cette image qui ouvre la troisième partie de son livre, intitulée « Exteriors: To Be Witnessed » (« Extérieurs : À découvrir »).

« En vieillissant, mon père nous demandait avec mes frères et sœurs, de l’aider dans ses préparatifs de dernière minute. Nous cirions ses chaussures, passions rapidement la tondeuse afin que ses cheveux soient bien coiffés. Ma mère créait un suspense en se préparant dans sa chambre. Que porterait-elle ? Comment se coifferait-elle ? Nous attendions avec impatience que la porte s’ouvre et qu’elle apparaisse, prête à affronter le monde. Et le monde lui rendait hommage – elle a, une fois, remporté le prix de ‘la personne la plus élégante du club’ », raconte avec tendresse Renata Cherlise.

Polaroïd des parents de l'auteur lors d'une soirée, 1985. Ten Speed Press/Penguin Random House
Polaroïd des parents de l’auteur lors d’une soirée, 1985. © Ten Speed Press/Penguin Random House

Ce qui nous lie

« A l’époque, je ne me rendais pas compte à quel point la photographie pouvait resserrer les liens entre les gens, tout en préservant le passé », explique la fondatrice de Black Archives. « Grâce à elle j’ai pu évoquer des souvenirs, retrouver des émotions, me rappeler combien je me sentais proche d’eux quand je les regardais s’habiller pour sortir. »

Renata Cherlise est une artiste visuelle complète, explorant les thèmes de l’identité, de la famille et de la culture. Son travail est un mélange de photographie amateur et professionnelle, les deux contribuant également, à ses yeux, à la préservation de la culture et de l’histoire.

« Je suis souvent étonnée de voir à quel point nos histoires sont universelles », souligne-t-elle. « Même si chaque image est extrêmement spécifique, elle transcende le temps et l’espace. Chacun peut s’y reconnaître. Je ressens cela en regardant des photos d’archive, en voyant des visages de personnes que je ne connais pas, mais qui me semblent familiers de par leur expression, leurs gestes, leur pose, leur tenue ou leur coiffure. »

Baltimore, MD, 1970s. © Ten Speed Press/Penguin Random House
Baltimore, MD, années 1970. © Ten Speed Press/Penguin Random House
Samuel Johnson tenant ses petits-enfants Shanice, George et Shernelle. © Ten Speed Press/Penguin Random House
Samuel Johnson tenant ses petits-enfants Shanice, George et Shernelle. © Ten Speed Press/Penguin Random House
David et Stephen Hunter posent près d'un téléviseur, vers 1960-1970. Ten Speed Press/Penguin Random House
David et Stephen Hunter posent près d’un téléviseur, vers 1960-1970. © Ten Speed Press/Penguin Random House
Mère et fils, Toronto, Canada, 1978. © Ten Speed Press/Penguin Random House
Mère et fils, Toronto, Canada, 1978. © Ten Speed Press/Penguin Random House
La maison de la famille Odom. Ten Speed Press/Penguin Random House
La maison de la famille Odom. © Ten Speed Press/Penguin Random House

En 2011, Renata Cherlise commence à poster des photographies sur Tumbler, sous le nom de «@lostinurbanism». En 2015, elle ouvre un compte Instagram, choisissant le pseudonyme de «@blackarchives.co». Au fil des ans, elle va régulièrement poster son travail, qu’il s’agisse d’images amateurs ou réalisées dans un cadre professionnel. Pour réaliser son livre, l’artiste est revenue à la source de son inspiration : l’album de famille.

Souvenirs partagés

« En utilisant notre compte Instagram, j’ai remarqué que notre communauté voulait partager ses histoires, non seulement avec moi, mais aussi avec les autres visiteurs de notre plateforme. J’ai souvent communiqué directement avec des gens qui voulaient connaître la meilleure manière de raconter l’histoire de leur famille. J’ai donc lancé un appel à candidatures, afin que les gens contribuent au livre par leurs images », explique Renata Cherlise.

« Regardant ces photographies, on est frappé par ce qui en émane : l’amour, le respect, la compassion, la considération et l’attention aux autres »

Elle classe alors les photographies reçues par thèmes. D’autres photographies proviennent d’institutions auxquelles des familles ont fait don de leurs albums dans le cadre de projets de recherche, d’étude, ou pour constituer des archives documentant la communauté noire.

« A travers ce livre, je partager des histoires racontées par les Noirs qui les ont vécues. La beauté de la photographie amateur, c’est qu’elle est faite par des personnes qui entretiennent des liens personnels, intimes avec leurs sujets. Regardant ces photographies, on est frappé par ce qui en émane : l’amour, le respect, la compassion, la considération et l’attention aux autres. »

New York, NY 1960s. © Ten Speed Press/Penguin Random House
New York, NY années 1960. © Ten Speed Press/Penguin Random House
Benny Woods. © Ten Speed Press/Penguin Random House
Benny Woods. © Ten Speed Press/Penguin Random House
A la plage, années 1930. © Ten Speed Press/Penguin Random House
A la plage, années 1930. © Ten Speed Press/Penguin Random House
Vietnam, 1970s. © Ten Speed Press/Penguin Random House
Vietnam, années 1970. © Ten Speed Press/Penguin Random House

Le propos de l’ouvrage Black Archives n’est pas de rassembler des photos de famille, mais plutôt de rendre un hommage plein d’affection aux Noirs américains, témoigner de leur vie, et transmettre ce témoignage aux générations futures.

« En regardant les images de Black Archives, j’espère que les gens reconnaîtront la valeur inestimable de leurs propres photographies de famille, et comprendront qu’elles sont des photos artistiques en même temps que des souvenirs personnels », soutient l’initiatrice du projet. « Les photographies d’amateurs n’ont pas besoin d’être accrochées dans des galeries ou des musées, vendues aux enchères ou imprimées dans des livres d’art pour mériter la même considération qu’une œuvre d’art. La plus grande perte pour un peuple, c’est la disparition des histoires personnelles qui se transmettent de génération en génération. Avec la publication de ce livre, j’espère que les albums de photos de famille retrouveront la place qu’ils méritent, en tant que représentants d’un héritage. Avec les progrès de la technologie, beaucoup de gens n’ont pas conservé d’images matérielles», déplore-t-elle. « J’espère que ce livre incitera les gens à constituer leurs propres archives en imprimant leurs images. Il y a quelque chose de magique dans le fait de tenir dans ses mains la photo d’un être cher, surtout quand il ne reste rien d’autre. »


Black Archives est publié par Ten Speed Press, une filiale de Penguin Random House. L’ouvrage est disponible sur leur site Web.

Harlem, NY, années 1980. © Ten Speed Press/Penguin Random House
Harlem, NY, années 1980. © Ten Speed Press/Penguin Random House

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