Avec la publication des livres Friendly Access : Close Encounters of the Musical Kind et de 1/60e X 100, Bob Shaw revisite ses archives pour explorer les multiples thèmes couverts dans les années 1970 et 1980. Alors que Friendly Access nous entraîne dans un voyage en profondeur à travers la scène musicale texane, 1/60e X 100 offre un tour d’horizon sur sa pratique photographique.
Dans l’Amérique des années 1960, Bob Shaw décide de se lancer dans l’automobile et de devenir en même temps photographe. Il s’inscrit au Pratt Institute de Brooklyn et s’immerge rapidement dans la pratique photographique. « J’appréciais Ansel Adams mais je voulais ressembler davantage à Robert Frank », confie-t-il.
Alors que le classicisme cède la place au modernisme, un esprit de liberté se répand. À la fin des années 1960, les beatniks et les hippies règnent sur l’avant-garde new-yorkaise, et des écrivains comme Ken Kesey et Allen Ginsberg inspirent Shaw. C’est l’époque où l’on brise les règles et où l’on écrit les siennes, redéfinissant non seulement la narration mais aussi la manière dont celle-ci est racontée.
Après avoir obtenu son diplôme, Shaw, comme beaucoup d’étudiants en art, découvre une dure réalité. « Je n’avais aucune idée de la façon dont je pouvais subvenir à mes besoins. Je ne savais pas si j’étais censé être à New York, pour tenter de devenir l’assistant d’un photographe comme on me l’avait conseillé. »
Heureusement, les enjeux – et le coût de la vie – sont bien moindres à cette époque et Shaw décide de descendre à Fort Worth, au Texas, pour rendre visite à son camarade de classe Bill Jenkins pendant l’été 1971. Il y rencontre Jim Meeker (1935-2021), critique d’art pour le Fort-Worth Star Telegram. Shaw explique comment Meeker a bâti sa fortune grâce à l’économie du pétrole. Argent qu’il a utilisé au profit de son amour pour les arts. « Jim s’apprêtait à financer un film documentaire, mais il n’y avait pas de photographe. Il m’a alors demandé de venir, de traîner avec l’équipe et de commencer à prendre des photos. »
« Des lieux de vie opulents avec des gens habillés de façon excentrique »
La maison de Fort Worth du critique d’art et collectionneur Jim Meeker est alors l’épicentre de la scène musicale country. C’est là que Bob Shaw rencontre les musiciens Willie Nelson, Kris Kristofferson et Rita Coolidge, au moment même où la musique country devient une partie importante de la culture pop, apportant l’esprit du Sud dans les hit-parades. Kristofferson, qui deviendra la vedette du film à succès de 1976 Une étoile est née, aux côtés de la star Barbara Streisand, garde les pieds sur terre. « Il m’a aidé à vider mes bagages de la voiture lorsque j’ai déménagé à Fort Worth », salue Shaw.
En entrant dans l’univers de Meeker, Shaw est soudainement propulsé dans un monde qu’il n’avait jamais vu auparavant. « Il y avait cette étrange forme de culture : des fêtes à thème le week-end dans les manoirs de différentes personnes, comme la fête d’Acapulco ou la fête parisienne, dans des lieux de vie opulents avec des gens habillés de façon excentrique. »
Shaw se retrouve rapidement au milieu d’une scène improbable, documentant des fêtes privées et des vernissages au Kimball Art Museum de Fort Worth, là où le film documentaire est projeté. Il s’installe finalement à Dallas en 1974 et adopte le Texas comme un nouveau foyer.
« Je me suis fondu dans la scène artistique, et c’est devenu un fantasme. Nous prenions l’avion pour Houston pour assister à l’ouverture d’un musée avant de contacter quelques magazines. Je suis devenu ami avec le directeur artistique du magazine Horizon et j’ai commencé à travailler ici et là. C’était une époque particulière. J’ai pu voir ce qui se passait derrière le rideau, et l’accès était vraiment magique. Je l’assimile au salon parisien de l’écrivaine Gertrude Stein. Ici, Stein était un homme du pétrole texan nommé Jim Meeker. »
Scènes surréalistes du paysage américain
« Les photographies de Bob sont là pour rester et l’Amérique ne perdra jamais ses saveurs », salue l’artiste Ed Ruscha au début du livre. Où qu’il aille, Shaw voit le côté excentrique et lyrique de la vie, capturant les moments fugaces de la magie qui se cache dans le quotidien. Artistes, musiciens et gens ordinaires se mêlent et se confondent dans des scènes surréalistes du paysage américain.
Des femmes texanes aux bouffants flottants confèrent à leur vie quotidienne un sens du glamour sans effort, tandis qu’Andy Warhol devient un paparazzi, prenant en portrait les visiteurs du musée. Les bluesmen, les cow-boys et les employés de casino ont tout vu, tandis que la mère de l’artiste sourit largement sous un sèche-cheveux au salon de beauté. À travers l’objectif de Shaw, nous découvrons que la beauté et la joie se révèlent à ceux qui ont bon cœur et voient la bonté et l’humour partout où ils regardent.
Un amour fraternel
« C’était presque comme si vous alliez en colonie de vacances et que vous ne saviez pas qui payait la facture, mais que vous passiez un bon moment », explique Bob Shaw à propos de ces années grisantes passées dans le cercle intime de Jim Meeker. « Je me sentais très libre de photographier dans ces situations, comme au New Bluebird Nightclub à Fort Worth, un vieux bar à blues où tout le monde allait le vendredi et le samedi soir. Il y régnait un amour fraternel ».
Shaw devient plus proche de la scène musicale après qu’un camarade de classe de Pratt, devenu manager pour The Band, le présente au légendaire promoteur de concerts Bill Graham. Entre 1971 et 1978, Shaw amasse alors une extraordinaire collection de photographies de la scène musicale, qu’il documente dans Friendly Access : Close Encounters of the Musical Kind.
Bénéficiant d’un accès total, Shaw photographie des icônes du rock comme Bob Dylan, les Rolling Stones, Led Zeppelin, Jefferson Starship, Joni Mitchell et Tina Turner au sommet de leur carrière. « C’était rare de pouvoir accéder à toutes ces idoles de mon enfance. Tous ceux que j’ai photographiés étaient merveilleux, et cela vaut autant pour Andy Warhol que Jasper Johns. Je me pinçais sous la table pour m’assurer que j’étais vraiment là. »
Friendly Access : Close Encounters of the Musical Kind, 40 $, et 1/60e X 100, 125 $, sont publiés par Firefly Studio Press, et regroupés pour 150 $. Demandes de renseignements à [email protected].