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Charlotte Abramow : « L’influence de Magritte plane dans l’air »

L’artiste photographe bruxelloise Charlotte Abramow présente au Hangar de Bruxelles sa première exposition monographique en Belgique. Habitée par le surréalisme, elle y décline les thématiques qui lui sont chères, autour de l’acceptation du corps et des carcans sociétaux.

Comment vos photos ont-elles évolué autour de la thématique du corps ? 

Au début, j’avais remarqué que les femmes étaient tout le temps hyper sexualisées. Donc j’avais aussi envie de tourner un peu en dérision, les seins, les fesses, ce parfois à quoi on est réduit. Trouver de l’absurde dans tout ça, de l’humour aussi, d’avoir plus de recul par rapport à ça, d’être moins dans un rapport conflictuel à son propre corps ou dans un jugement.

Quel est le fil rouge de cette exposition au Hangar de Bruxelles ? 

L’exposition nous montre ces parties du corps, souvent liées au complexe et à l’intimité. Elle nous éclaire aussi sur comment le féminisme, la société et tous les sujets dont on parle de plus en plus, nous font réaliser que le corps s’inscrit dans un système où demeurent des préjugés systémiques. C’est important de montrer aussi mon ancrage belge et l’influence du surréalisme dans mon travail. 

Charlotte Abramow - Equilibre Instable et Jaune, 2014, Paris. © Charlotte Abramow
Charlotte Abramow – Equilibre Instable et Jaune, 2014, Paris. © Charlotte Abramow
Charlotte Abramow - 40Mins of Anaïs V, 2021, Paris. © Charlotte Abramow
Charlotte Abramow – 40Mins of Anaïs V, 2021, Paris. © Charlotte Abramow

D’où vient d’ailleurs cet attrait pour le surréalisme ?

J’avais un super professeur de latin au lycée qui avait décidé que la Première serait consacrée aux rêves et la Terminale à l’amour. C’était les deux thématiques qui traversaient toute l’année. On a donc évoqué le rêve, comme avec Freud par exemple, et je crois que ça a dû être une petite graine plantée. Et puis évidemment, l’influence de Magritte plane dans l’air.

Ces corps peints sur certaines photos présentes dans l’exposition ont-ils une signification particulière ? 

C’est une expérimentation visuelle autour du corps, de la contorsion et au final, de comment, encore une fois, alors que cette femme est toute nue, la peinture et le pigment viennent l’habiller. Elle se sent quand même habillée. Et puis montre un corps incandescent, un corps vivant. Et comment, finalement, encore une fois, ce qu’on considère comme peu esthétique, comme les bourrelets, prennent une autre ampleur et deviennent beaux. C’est intéressant de voir le corps aussi comme une matière, avec laquelle on peut jouer, s’étonner, se surprendre. 

Charlotte Abramow - Nuages, 2015, Paris. © Charlotte Abramow
Charlotte Abramow – Nuages, 2015, Paris. © Charlotte Abramow

Vous n’hésitez pas non plus à mettre en avant tous les corps… 

C’était durant mes études à l’école des Gobelins. Nous devions photographier un lieu, l’hôtel Potocki, un hôtel particulier de Paris, très luxueux, avec des dorures, des lustres partout et un caractère insolite. Au début, j’avais pensé à une girafe qui mangerait les lustres. Puis je me suis rendu compte que je n’avais pas de girafe et que j’étais nul en retouche. Donc je me suis amusée à faire poser une vieille dame toute nue au milieu de cet endroit si bourgeois. Claudette était hyper joyeuse, légère, pleine de joie. Et elle s’en foutait d’être à poil. Au bout de cinq minutes, j’ai oublié qu’elle était nue. Ces portraits contrastent avec le poids qu’il peut y avoir sur les épaules des femmes qui vieillissent, sur le fait que l’on doit toujours cacher tout signe de vieillissement. 

Vous avez aussi repris en 2018 Les Passantes de Georges Brassens… 

C’est une mosaïque qui représente des vulves de manière métaphorique. C’est l’introduction du clip des Passantes. Une carte blanche qui m’a été donnée par Universal Music et Havas Group. Ils voulaient permettre aux jeunes générations de découvrir des classiques de la chanson française qui étaient peut-être un peu en train de dormir dans le tiroir. On est dans une société très visuelle où tout se consomme aussi par l’image et donc par YouTube et par cette envie d’apporter de la modernité. J’ai décidé de faire mon interprétation de ce poème qui a été écrit en 1911 et mis en musique par Georges Brassens en 1972. Je me suis fixé sur la diction de Brassens pour découper mes images, un peu comme un poème visuel. 

Charlotte Abramow - Absurde Censure, 2018, Paris. © Charlotte Abramow
Charlotte Abramow – Absurde Censure, 2018, Paris. © Charlotte Abramow

Le clip est sorti le 8 mars 2018, pour la journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Au bout de 4 heures, le clip a été censuré sur YouTube aux moins de 18 ans pour « contenus offensants ». Juste parce qu’il n’incluait pas de femmes qui ne sont pas que mince, jeunes, blanches. Il a été censuré à cause d’épluchures de carotte, d’un chewing gum, d’une fille qui peint de la peinture rouge sur un pantalon blanc. Il y a eu un signalement massif de la part des abonnés de la chaîne officielle de Georges Brassens, qui sont majoritairement des hommes de plus de 50 ans et qui n’ont pas trop aimé cette représentation.

Parlez-nous de la série « This is not consent »…

Novembre 2018. En Irlande, une affaire judiciaire. Une jeune femme de 17 ans est violée par un homme de 27 ans. L’avocate de cet homme, au tribunal, va décider de présenter le string que portait la victime le jour même comme élément de preuve de provocation sexuelle de la part de la jeune femme. Le violeur a été acquitté. Il y a eu un énorme mouvement de protestation en Irlande mais aussi partout dans le monde. Les femmes faisaient des photos de leurs sous-vêtements avec le hashtag « this is not consent ». C’est triste, mais il faut encore rappeler qu’un sous-vêtement n’est pas un appel au sexe.

Charlotte Abramow - This Is Not Consent, 2018, Paris. © Charlotte Abramow
Charlotte Abramow – This Is Not Consent, 2018, Paris. © Charlotte Abramow

Quelle place tient la Belgique dans votre travail ? 

Il y a ce projet que j’ai fait durant 7 ans, sorti en 2018, qui parle de mon père qui était assez âgé et malade, avec des séquelles neurologiques du cancer. C’est un livre qui raconte comment, avec la photographie, on arrive à regarder la maladie et tous ces sujets un peu tabous, un peu tristes autrement. Il y a forcément un ancrage belge. Aussi dans mes images qui essayent d’être poétique à travers le surréalisme, avec les objets du quotidien, les choses cocasses ou drôles. 

Charlotte Abramow - Find Your Clitoris II, 2017, Paris. © Charlotte Abramow
Charlotte Abramow – Find Your Clitoris II, 2017, Paris. © Charlotte Abramow
Charlotte Abramow - Les Enveloppes - Guimauve, 2016, Paris. © Charlotte Abramow
Charlotte Abramow – Les Enveloppes – Guimauve, 2016, Paris. © Charlotte Abramow

« Charlotte Abramow, Volle Petrol ». A voir au Hangar de Bruxelles jusqu’au 17 décembre 2022.

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