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Circulation(s), laboratoire de tendances

Réunissant 30 artistes de 15 pays, dont l’Arménie à l’honneur de cette 12e édition, la programmation du festival Circulation(s) offre une nouvelle fois un panorama des pratiques contemporaines.
Karen KACHATUROV
© Karen KACHATUROV

En 12 ans, le festival Circulation(s) s’est imposé comme un rendez-vous photographique incontournable. Non seulement parce qu’il présente un panorama de l’émergence européenne avec des scénographies décapantes mais aussi du fait de son mode d’organisation. Créé par le collectif Fétart aujourd’hui composé de dix commissaires indépendants, le festival est aussi original par son mode de sélection, passant par un appel à candidature à échelle européenne entendue dans son sens géographique. Ainsi, cette 12e édition réunit 30 artistes de 15 pays – dont Allemagne, Italie, Pologne, Finlande, Espagne, Turquie, etc. Une grande partie d’entre eux a été sélectionnée par un jury de professionnels, les autres ont été repérés par l’équipe de Fétart. 

Autant dire que Circulation(s) est l’occasion de faire des découvertes, notamment parce qu’il présente des photographes venant de pays rarement mis en lumière, à commencer par l’Arménie à l’honneur cette année et représentée par quatre artistes. D’un point de vue formel, fidèle à sa réputation, le festival offre un panorama des pratiques actuelles du médium et confirme sa diversité. S’étalant sur plus de 2000 m2 d’exposition, nombre de travaux mêlent images fixes et animées, installations mais aussi accrochages traditionnels. 

Elisabeth Gomes Barradas
Covers Karen Bodard © Elisabeth Gomes Barradas
Elisabeth Gomes Barradas
Covers Morgan Jallu © Elisabeth Gomes Barradas

Comment les jeunes photographes européens perçoivent-ils le monde d’aujourd’hui ? Comme chaque année, Circulation(s) se fait le reflet des tensions et des préoccupations de notre époque : les questions environnementales et animales, les identités ethniques ou de genre, le monde du travail, la guerre, la discrimination et le social sont les principaux thèmes abordés de cette édition. Un constat s’impose : sur les trente projets présentés, beaucoup trouvent leur ancrage dans le réel et ont souvent comme point de départ une enquête. Visite guidée à travers deux tendances fortes repérées dans cette 12e édition : la réappropriation et le docu-fiction.

Alors que le monde vient d’être confiné, Travel Without Moving de Federico Ciamei prend une teinte particulière. Proposant le récit d’un voyage imaginaire élaboré de toute pièces à partir d’archives, ce projet ayant recours à la réappropriation de documents dit notre capacité à voyager par procuration tout en interrogeant la légitimité des récits des explorateurs qui jalonnent notre histoire. 

Karen KACHATUROV
4 © Karen KACHATUROV

Chez l’Espagnol Rubén Bermúdez, la réappropriation prend une autre forme. Pour sa série « Et toi, pourquoi es-tu Noir ? », il a intégré dans son corpus des détails d’images culte ou d’icônes – comme le poing levé de Tommie Smith aux JO de 1968 –, développant un propos politique et identitaire. Chez la Française Alexandra Dautel qui a enquêté sur un Kibboutz atypique créé en 1989 dans le désert du sud de l’Israël, les images d’archives associées à ses propres images permettent de mettre en résonance différentes temporalités.

De son côté, Louise Ernandez (France) emprunte les codes du roman-photo pour raconter un drame passionnel intitulé Obsessio, une installation mêlant des tirages noir et blanc contrastés et une vidéo. Quant à Elisabeth Gomes Barradas, française d’origine capverdienne, elle recrée l’univers des clips de R’n’B – de Beyoncé à Ashanti – qui la fascinaient quand elle était enfant. Elle a étudié les poses de ses « idoles » pour les faire rejouer à ses modèles, proches ou inconnus recrutés sur les réseaux sociaux, afin d’élaborer portraits et pochettes de disque où paillettes, couleurs et lumières vives nous projettent dans les années 2000.

Louise Ernandez
Crimen © Louise Ernandez

Quant au monde du travail, et plus globalement les sujets à portée sociale, ils sont souvent traités sous la forme de docu-fiction. Ainsi, pour son projet AMZN, le Polonais Tytus Szabelski s’est fait embaucher dans un des centres de distribution d’Amazon pour comprendre et « éprouver » les méthodes de travail du géant du commerce en ligne régulièrement dénoncées. Finalement, Tytus Szabelski ne donne pas à voir un témoignage direct mais une reconstitution de ce qu’il a observé de l’intérieur, usant de mises en scène, de vues extérieures montrant les entrepôts défigurant le paysage, etc. 

À la fin de la visite de cette édition 2022, on constate que si le réel est au cœur de bien des travaux, c’est pourtant par le détour de la fiction que les artistes nous donnent à voir le monde d’aujourd’hui.

Centquatre, 12e festival Circulation(s), Jeune photographie européenne, du 2 avril au 29 mai 2022.

Catalogue réalisé par le collectif Fetart – 22€.

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