Au milieu des années 1980, l’artiste franco-suédois André Saraiva entreprend de taguer les murs de Paris. En 1989, il invente la figure de Mr.A, un bonhomme à longues jambes au sourire complice, stylé, coiffé d’un haut de forme et plein de joie de vivre.
Cette figure, désormais emblématique, qui a dansé sur les murs durant des décennies, a marqué les premières années du street art, où les artistes ont commencé à utiliser des dessins plutôt que des lettres.
Comme Andy Warhol, André Saraiva comprend que le graffiti est la manifestation ultime du pop art, en raison de la variété de ses usages, ce qui le rend accessible à tous. Au cours des trente dernières années, Mr. André a tagué environ vingt Mr. A par nuit, qui ont constitué, sur les murs du monde entier, une armée de quelque 216 000 personnages.
« L’histoire du graffiti remonte à l’Égypte ancienne »
Dans le même temps, André Saraiva devient une figure qui compte dans le monde de l’art, de la mode, de la vie nocturne et de l’industrie du voyage, collaborant avec tout le monde, de Louis Vuitton et Jean-Paul Gaultier à Nike et Adidas, et rendant le graffiti digne d’entrer au panthéon des beaux-arts.
Sa consécration, largement méritée, est attendue depuis longtemps, comme l’affirme l’artiste et designer Virgil Abloh dans l’introduction d’André Saraiva: Graffiti Life. « L’histoire du graffiti remonte à l’Égypte ancienne, à la Grèce et à l’Empire romain. Il a toujours existé en tant que forme d’art marginale, sous la forme de simples mots écrits ou de peintures travaillées, et souvent exhibé à la vue du public sans autorisation », écrit Abloh.
« C’était, et c’est encore souvent, considéré comme un symbole des ‘problèmes’ urbains touchant de nombreuses villes, mais pour de nombreux marginaux, c’est une forme de communication visuelle à travers l’expression artistique. »
André Saraiva en un mot : Andrépolitan
Après les marqueurs et la peinture à l’aérosol, l’appareil photo est l’outil le plus important dans l’arsenal d’un graffeur. Les photographies, généralement réalisées immédiatement après l’achèvement de l’œuvre, préservent l’une des formes d’art les plus éphémères – et conflictuelles –, qui a ainsi longue vie après sa disparition.
Créer, s’affirmer et être vu, surenchérir sur l’agressivité des tagueurs précédents, pousse de nombreux artistes de rue à de nouvelles trouvailles, et stimule leur ingéniosité.
« À la fin des années 1980 et au début des années 1990, Paris était envahi par les graffitis, les murs étaient couverts de tags, de projections de peinture et de blagues », écrit André Saraiva à propos de ses débuts dans cet art.
« Les murs foisonnaient d’inscriptions, parfois on pouvait à peine lire les noms des auteurs. J’ai donc commencé à remplacer le mien, accompagné de quelques mots tagués… C’est comme cela qu’est né Mr. A. Trente ans plus tard, il est toujours mon complice. »
Immédiatement reconnaissable, Mr. A prend d’assaut Paris, déterminant le tournant entre le graffiti et un nouveau mouvement : le street art. Mais André Saraiva n’en abandonne pas pour autant le graffiti écrit, qu’il combine avec ses dessins afin que ses créations deviennent des lettres d’amour à la ville.
Conscient de cet amour que manifeste l’art de rue, André Saraiva continue à taguer les noms de ceux qui lui sont les plus proches et les plus chers, leur donnant la même aura pop qu’à Mr. A.
André Saraiva n’a pas manqué d’attirer l’attention. Glenn O’Brien, figure culturelle iconique, lui a consacré un poème, d’écrivain à écrivain. Il y rend hommage à l’art du spectacle, décrivant André comme « amusant, perplexe, perspicace, malin mais bien calibré, et un gentleman, malgré tout » – en un mot : Andrépolitan, un mot-valise aussi élégant et éloquent que le sourire géant et le visage futé de Mr. A.
André Saraiva: Graffiti Life est publié par Rizzoli New York, 85 $.