L’Italie a toujours fasciné les artistes et elle les fascine encore. Comme tant d’autres photographes européens dans les années soixante, Bruno Barbey a grimpé dans sa coccinelle et mis le cap sur la Botte. Il avait la vingtaine, il n’était pas encore le photographe reconnu de l’agence Magnum. On rêvait de l’Italie en noir et blanc, de Pasolini, de Visconti. Fellini était au sommet de son art, son film « La Dolce Vita » avait remporté la Palme d’or à Cannes en 1960.
Son Leica M2 à la main, Bruno Barbey arrive dans un pays divisé en deux. On dit même qu’il existe deux pays en un. Au Nord, une Italie reconstruite, bourgeoise, où « on va au cinéma, au concert, au bar, les jeunes gens bien mis font la queue sagement. Même au stade, on fête un but en veste et cravate » écrit Giosuè Calaciura dans son introduction au livre Les Italiens de Bruno Barbey publié aux éditions Delpire & co.
« Dans le Sud poursuit-il, même si la guerre s’est terminée deux ans plus tôt, la reconstruction a tardé. Elle tarde encore. Les enfants jouent sur des jeeps du débarquement laissées par les Américains, et à la marelle en traçant les chiffres avec une pierre sur le sol des cours d’immeubles. »
Le contraste entre ces deux Italies est flagrante et Bruno Barbey sait la capturer. Dans ses images noires et blanches, le photographe saisit les regards, les attitudes, les émotions des Italiens. « Il est rare de pouvoir saisir les Italiens dans la réalité de leur condition. L’hypocrisie, manie et vice national, a toujours dominé : les Italiens préfèrent se dévoiler tel qu’ils ne sont pas » affirme Giosuè Calaciura, qui assure que les photos de Bruno Barbey « sont un document de vérité. »
Le photographe s’est plongé pleinement dans le pays. Au Nord, il est un homme du Nord. Au Sud, un homme du Sud.
Des portraits de femmes et d’hommes sur leur trente-et-un, pris à Milan ou à Rome, qui posent pour le photographe, parfois adossés à de belles voitures succèdent à des images plus rurales où des enfants grimacent dans les rues siciliennes ou napolitaines. Puis il y a Gênes, ville à part et son quartier des prostituées.
Les regards sont souvent fermés dans le Sud, malicieux dans le Nord mais Bruno Barbey sait aussi saisir les nuances comme dans cette photographie prise sur un manège en Sicile où l’on voit un couple sourire généreusement au photographe. Mais c’est peut-être le miracle de l’amour, comme cette histoire réussie entre Bruno Barbey et l’Italie.
Les Italiens de Bruno Barbey publié par les éditions Delpire & co, 184 pages, 42€