Ils sont là, blottis au cœur de la Galerie le Château d’eau, à Toulouse : les oiseaux. Ils ont été immortalisés par douze grands noms de la photographie internationale : Albarran Cabrera, Byung-Hun Min, Graciela Iturbide, Leila Jeffreys, Rinko Kawauchi, Michael Kenna, Christophe Maout, Yoshinori Mizutani, Paolo Pellegrin, Bernard Plossu, Pentti Sammallahti ou Terri Weifenbach. Certains majestueux en plein vol, d’autres silhouettes discrètes qu’il faut chercher ou d’autres encore, portraiturés comme des stars en studio. La diversité des plumages répond à celle des écritures photographiques. Mais tous ont en commun de faire partie d’une collection de livres : celle lancée en 2018 par Xavier Barral. L’éditeur n’était pourtant pas coutumier de ce type de collection, mais les créatures du ciel le fascinaient et, en grand connaisseur de la photo, il avait constaté que ces animaux nichaient régulièrement dans les clichés des photographes. Depuis son décès, en 2019, l’Atelier EXB a perpétué son travail et « Des oiseaux » compte maintenant une douzaine de titres. La maison d’édition et l’institution toulousaine ont imaginé ensemble l’exposition éponyme.
L’événement offre à chacun des photographes présentés comme une petite exposition personnelle. Aux visiteurs de suivre le parcours et de picorer les séries qu’ils préfèrent. « C’était un défi d’installer douze photographes sur des cimaises de tailles différentes, se rappelle Christian Caujolle, co-commissaire de l’exposition et conseiller artistique de la Galerie le Château d’eau. Nous avons choisi le principe suivant : créer un espace pour chacun marqué par le nom de l’artiste écrit en vertical.» Un exemplaire du livre de la collection qui leur est consacré trône aux côtés des tirages des artistes. « Il y a deux types de photographes rassemblés : ceux qui n’ont jamais fait de projet sur le thème des oiseaux, mais où ces animaux ont une présence importante dans leur œuvre, et ceux qui ont conçu des séries sur ce thème, explique Christian Caujolle. Par exemple : Rinko Kawauchi a souhaité être dans la collection et a imaginé un projet exprès… qu’elle n’a pas pu faire à cause du confinement. Elle a donc porté son attention sur les hirondelles de son garage. » La série qui en résulte est tout en douceur, dans les tons pastel. Les couleurs semblent éclore comme les oisillons dont les becs pointent hors du nid. Christophe Maout, dont le livre est l’opus le plus fraîchement sorti des presses, a également produit sa série lors du confinement en capturant oiseaux en vol grâce à un dispositif improvisé : l’association d’une paire de jumelles avec un appareil photo. Bleu strié de blanc, rouge griffé de noir, camaïeu de lignes grises : de loin, ces disques de couleur cernés de noir dans leurs cadres carrés prennent des airs de lointaines planètes flottant dans l’espace. Ce sont en réalité des cieux parisiens où évoluent les ombres graciles de nos amis à plumes.
Chez Pentti Sammallahti, point de couleur, mais un noir et blanc aux accents humanistes et des clichés glanés dans l’ensemble de son œuvre. Des « images de poésie » souligne Christian Caujolle. Une poésie contemplative où l’on imagine le maître finlandais silencieux et seul dans une nature qui l’émerveille, attentif aux mouvements des animaux, seuls personnages des images présentées ici. Et parfois, la magie est au rendez-vous comme avec ce face à face incongru entre un chien, assis, et un oiseau posé dans son ombre. Magie, c’est aussi l’impression que laissent les petits tirages délicats réalisés par Albarran Cabrera. C’est grâce à l’iridescence délicate que confère à leurs vues la combinaison de feuilles d’or et de papier très fin sur laquelle le duo tire ses images. Là non plus il ne s’agit pas d’une série spécifique consacrée aux oiseaux mais plutôt d’un voyage dans leur œuvre aux reflets asiatiques. C’est aussi une exploration thématique de l’œuvre de Bernard Plossu qui est proposée. Avec Sammallahtti, il a inauguré la collection Des oiseaux. Au sous-sol de la bâtisse de briques rouges, une nuée de cadres du photographe accueille le visiteur en bas des escaliers. Parmi les clichés, une petite hirondelle aux ailes déployées derrière une vitre, comme si elle faisait admirer au photographe la délicatesse de ses ailes bicolores.
Les amateurs d’ornithologie apprécieront à coup sûr les portraits réalisés par Leila Jeffreys et présentés dans le deuxième bâtiment de l’institution toulousaine. Tels cette chouette au regard rond ou ce cacatoès à l’aigrette anthracite qui se détachent, seuls, sur un fond neutre. Pour obtenir de telles images, on imagine les oiseaux amenés par leurs propriétaires dans le studio de l’Australienne. Pour obtenir de telles images, on imagine les oiseaux amenés par leurs propriétaires dans le studio de l’Australienne, mais le processus est un peu plus complexe. « Leila Jeffreys travaille avec un studio mobile », raconte Christian Caujolle. « Elle l’installe dans des havres pour oiseaux comme des centres de soin et de sauvetage ou dans des zoos avec de bons programmes de conservation. » Un procédé qui force le respect et dont la connaissance, à n’en pas douter, peindra sur le visage de certains visiteurs la même expression surprise que cette petite chouette blanc et brun.
À la fin de l’été, habitués des migrations ou non, tous ces oiseaux s’envoleront vers d’autres horizons. Ils laisseront la Ville rose pour Bruxelles où ils établiront leurs quartiers au Hangar. Ils y seront rejoints par de nouveaux congénères, ceux photographiés par Roger Ballen spécialement pour rejoindre la collection Des oiseaux.
« Des oiseaux », exposition collective, à la Galerie le Château d’eau, 1, place Laganne, Toulouse, jusqu’au 21 août.
Retrouvez la collection Des oiseaux sur le site de l’Atelier EXB. Dernier volume paru : Christophe Maout, version en anglais et en français, avec un texte de Guilhem Lesaffre, ornithologue, 35 €.