À l’approche de l’ouverture de Paris 2024, l’Olympiade culturelle fait dialoguer sport et photographie sur des terrains inexplorés : les Hauts-de-France. Jusqu’au 31 décembre, le festival des Photaumnales propose une quarantaine d’expositions dans 20 lieux de Beauvais et du Beauvaisis. Diaphane, pôle photographique en Hauts-de-France et organisateur des Photaumnales, a mis en place une édition dédiée à la thématique du sport, intitulée « Hors jeux ». Pour ses 20 ans, le festival fait à la fois honneur aux photographes qui ont immortalisé les moments emblématiques des terrains de jeu, tout en explorant des démarches artistiques plus audacieuses.
Dans les coulisses de l’histoire du sport
Cette édition anniversaire est l’occasion de revivre les moments inoubliables de l’histoire du sport. Le photographe Didier Fèvre a travaillé pendant 25 ans au journal L’Équipe, couvrant l’actualité sportive de l’époque que ce soit les grandes enquêtes sur le dopage, la situation en Afrique du Sud juste avant la Coupe du Monde ou encore la chute du mur de Berlin. Dissertant sur chaque récit derrière ses images, il replonge dans l’émotion suscitée par les exploits sportifs mémorables dont il a pu être témoin. Comme cet instant fugace capturé aux JO d’Atlanta de 1996, où l’on voit la coureuse Marie-José Pérec implorer le ciel, après la finale du 4x100m. Après son doublé 200-400m, établissant un nouveau record olympique, celle qu’on surnomme « la gazelle » vient de réaliser l’une des plus belles performances de l’histoire de l’athlétisme tricolore. Son émotion est gravée à jamais par l’objectif de Didier Fèvre. Bien plus qu’une victoire ou une défaite, ses images reflètent la passion derrière chaque compétition.
Sur le bas-côté de la route, à La Neuville-en-Hez, on plonge dans la riche histoire du Tour de France : un événement qui réunit chaque année les amoureux de « la petite reine ». Fred Boucher, le directeur des Photaumnales a cherché et retrouvé avec émotion les épisodes marquants du Tour. On y voit les podiums, les inaugurations et les remises de médailles, avec la couleur locale propre à chaque région, mais également les chutes. Bernard Thévenet, encore sonné après la descente du col de l’Aubisque en 1972, ou encore Luis Ocaña, effondré dans la boue du col de Menté, le 12 juillet 1971, les images format carrées sont quasi bibliques. Sorties des archives du journal L’Équipe et de l’agence Presse Sports, elles rendent compte de la proximité des photographes avec les coureurs de l’époque.
Tribune libre
Témoignage historique ou sociologique, le sport se veut également militant. Si organiser un match de foot dans les pays occidentaux semble d’une simplicité enfantine, dans d’autres pays cette discipline reste très réglementée. C’est le cas de la Syrie où les matches sont surveillés, quand ils ne sont pas interdits. Les marques, les maillots d’équipes étrangères et les shorts sont proscrits : montrer ses genoux serait contraire à l’islam. Ces contraintes, les clubs de foot syriens les vivent au quotidien. Sur la pelouse ou dans les gradins, ils pratiquent ce sport sous le contrôle d’hommes armés.
En 2014, Raqqa est tombée entre les mains de l’État Islamique. Pendant trois ans, les habitants de cette ville ont vécu sous l’égide de ce groupe terroriste. En 2017, la ville a été libérée par les forces kurdes. Avec sa série « Coup d’envoi », Charles Thiéfaine raconte la préparation et le déroulement du premier match de football un an après la libération de la ville. À travers la violence de la guerre, ce match de foot apparaît comme un espace de liberté que se créent les joueurs pour s’échapper d’un contexte politique pesant. Plus que la reconstruction de la ville, Charles Thiéfaine capture la reconstruction individuelle des joueurs et des supporters.
Se jouer des règles
Mêlant lui aussi jeu et photographie, Erik Kessels remet au goût du jour des clichés destinés à disparaître. Ce photographe sans appareil photo travaille à partir de photographies d’archives de matchs de football en Angleterre, et se réapproprie les images pour les placer dans un contexte différent. Subtilisant la balle, il transforme le match en une chorégraphie de danse. La balle fait place au ballet. Les joueurs s’évertuant dans la boue deviennent alors de gracieux performeurs. Pour parfaire la scénographie, les tirages de Kessels sont installés sur un terrain de football. « Il n’y a pas de ballon sur les photos, donc il n’y en a pas non plus sur le terrain. Ça empêche les gens de le tirer dans les images. », plaisante le photographe.
Thomas Sauvin nous embarque également dans un ballet aérien, mais cette fois en marge de l’histoire. C’est dans le marché Panjiayuan, le marché aux antiquités de Pékin, qu’il fait une drôle de trouvaille : 300 tirages argentiques. Ces petits tirages contacts laissent voir des athlètes en train de performer différentes pratiques sportives : les poutres, les barres parallèles, le basket… Au dos de ces tirages, une date : elles ont toutes été capturées lors d’un après-midi de juin 1960, durant la période du Grand Bond en avant, cette politique économique lancée par Mao Zedong : « Plus haut, plus grand, plus vite », dans le sport comme en politique, la boucle est bouclée.
Photaumnales 2023 – Hors Jeux, du 16 septembre au 31 décembre 2023. Beauvais et ses environs.