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Dustin Pittman, glamour et décadence

Une exposition des travaux de Dustin Pittman revisite ses archives de figures clés qui ont transformé le paysage visuel de la fin du 20e siècle.

Dustin Pittman, qui a grandi dans la splendide verdure des montagnes Adirondack de l’Etat de New York, se souvient du jour où Hollywood a débarqué en ville. Une jeune ingénue nommée Liza Minnelli avait été choisie pour son premier grand rôle, celui d’une étudiante excentrique nommée « Pookie », qui tombe amoureuse, puis s’effondre moralement lorsque son petit ami la trouve « too much ».

À la recherche d’un authentique décor néo-anglais pour le film de 1969 racontant le passage à l’âge adulte, The Sterile Cuckoo, les acteurs et l’équipe ont envahi le Hamilton College à Clinton, dans l’Etat de New York – un hasard qui allait transformer la vie de Pittman à jamais.

« C’était comme si le cirque Ringling Bros. and Barnum & Bailey débarquait à Manhattan, puis installait ses grands chapiteaux », raconte Pittman. « C’était un spectacle extraordinaire. J’ai obtenu un emploi dans la production, et j’ai eu le sentiment singulier que l’aventure n’aurait pas de limites. »

The Stilettos, Club 82, 1973-1974. Debbie Harry, Elda Gentile, Rosie Ross, Chris Stein, Billy O'Conner © Dustin Pittman
The Stilettos, Club 82, 1973-1974. Debbie Harry, Elda Gentile, Rosie Ross, Chris Stein, Billy O’Conner © Dustin Pittman

À la fois curieux et plein de charme, Pittman se lie aisément d’amitié avec Minnelli et son mari d’alors, Peter Allen, qui encourage le jeune photographe à emménager à New York. C’est ce que fait Pittman en 1968 ; il s’inscrit à la School of Visual Arts et loue un appartement sur la 14th Street, entre les avenues C et D, pour la modique somme de 12,50 $ par mois, charges comprises.

« New York à la fin des années 1960 et au début des années 1970 était une ville bien différente de ce qu’elle est aujourd’hui »

L’inscription de Pittman à la School of Visual Arts, où il va étudier la photographie et le cinéma, coïncide avec cette brève période d’effervescence que connait New-York entre le « Summer of Love » de 1967, et l’épidémie de sida en 1981. La ville est l’arène par excellence du jeu, du sexe, de la drogue et du rock’n’roll – et Pittman, armé de son appareil photo, se trouve au cœur de ce tourbillon.

Halston, Larger Than Life, 1979-1980 © Dustin Pittman
Halston, Larger Than Life, 1979-1980 © Dustin Pittman

« C’était merveilleux », se souvient-il. « New York à la fin des années 1960 et au début des années 1970 était une ville bien différente de ce qu’elle est aujourd’hui. Les gens étaient moins sur la défensive et toutes les portes semblaient ouvertes. On avait le luxe de pouvoir se consacrer à son art. »

Qu’il s’agisse de fréquenter la dernière génération de superstars de la Factory telles que Candy Darling, Jackie Curtis et Holly Woodlawn, ou de photographier la toute première Gay Pride, en 1970, Pittman devient rapidement un insider incontournable, dont le travail contribuera à définir la splendeur décadente de la scène musicale, de la mode, de l’art et de la vie nocturne new-yorkaises.

En 50 ans, Pittman réalise un ensemble d’images alliant élégance et profondeur, une véritable capsule temporelle de l’histoire du XXe siècle. L’exposition sur Dustin Pittman illustre la démarche extraordinaire du photographe, en relatant le parcours de personnages qui ont contribué à changer le monde.

Yves Saint Laurent, 1979-1980 © Dustin Pittman
Yves Saint Laurent, 1979-1980 © Dustin Pittman
Andy Warhol's Back Factory, 33 Union Square West, 1970 © Dustin Pittman
Andy Warhol’s Back Factory, 33 Union Square West, 1970 © Dustin Pittman

Être glamour

Lorsque Dustin Pittman débarque à New York, la ville est un paradis bohème où les artistes, les musiciens, les cinéastes, les designers et les écrivains jouissent de la liberté d’expérimenter et de créer sans l’inquiétude inutile de se forger une carrière et de payer le loyer. Il trouve un emploi à la librairie de la 8th Street, à Greenwich Village, où il peut côtoyer des peintres, des photographes et des poètes tels qu’Allen Ginsberg, William S. Burroughs, Diane Arbus et Robert Frank.

Le dimanche, Pittman et ses amis vont prendre un café à la terrasse située près de la fontaine Bethesda dans Central Park. « Tout le monde déambulait autour de la fontaine, arborant ses tenues ; c’était presque comme sur Kings Road », relate-t-il. « Tous étaient habillés au top, et ils avaient tous leur propre style. L’essentiel n’était pas ce qu’on portait, mais la manière dont on le portait. »

À la fin des années 1960, l’industrie de la mode connait sa propre révolution, avec l’introduction de lignes de prêt-à-porter. Pittman, qui a travaillé comme mannequin, commence sa carrière de photographe indépendant en voyageant dans le monde entier, missionné par Vogue, le New York Times et le Women’s Wear Daily.

Naomi Campbell, 1993 © Dustin Pittman
Naomi Campbell, 1993 © Dustin Pittman

Mais la vie glamour laisse un goût d’inachevé. « Je faisais des séances photo à Paris, Londres, au Japon, dans les Caraïbes, et je gagnais beaucoup d’argent, mais je ne faisais pas ce que j’aimais », avoue-t-il. « Je voulais seulement photographier ce qui me passionnait ; pour moi, c’est ça, la réussite. »

Au lieu de suivre les tendances, Pittman recherche des innovateurs dont les créations subvertissent le statu quo, explorant de nouveaux concepts et des manières de représenter ce qui ne l’a pas encore été. Adoptant une approche cinéma-vérité, Pittman puise son inspiration dans les possibilités illimitées de la vie elle-même

Qu’il photographie la star du film culte Divine sur la piste de danse du Studio 54, le mannequin somalien novateur Iman dans un lieu retiré, ou la star du cinéma muet des années 1920, Gloria Swanson, dans sa résidence privée, Pittman s’inspire de ceux qui ont su se forger leur propre vision. 

« Suivre son chemin »

Au cours des années 1970, la scène nocturne de New York connaît un bouleversement sismique, avec la révolte de la nouvelle génération contre un rock’n’roll de plus en plus corporatiste. Tandis que les grands groupes des années 1960 donnent des concerts à guichet fermés dans le monde entier, des artistes plus bruts tels que Iggy Pop, David Bowie et Lou Reed se produisent sur des scènes locales telles que le Max’s Kansas City, le CBGB et le Mudd Club.

« J’allais rendre visite à Danny Field [le manager d’Iggy Pop], on fumait un joint, puis on allait au Max’s. Danny n’avait qu’une seule règle : si un photographe s’approchait trop près d’Iggy, il cassait son appareil. »

« En ce temps-là, il n’y avait pas de dieux ni de demi-dieux. Nous ne nous préoccupions pas de la célébrité telle qu’on la conçoit aujourd’hui. Nous respections la créativité de chacun, c’est de cela que naissait l’amitié », se souvient Pittman. « J’allais rendre visite à Danny Field [le manager d’Iggy Pop], on fumait un joint, puis on allait au Max’s. Danny n’avait qu’une seule règle : si un photographe s’approchait trop près d’Iggy, il cassait son appareil. Mais j’étais une exception, donc j’ai des images prises sous l’entrejambe d’Iggy avec un objectif grand-angle. On ne peut pas être plus près que ça ! »

Lou Reed, Alien, 1974 © Dustin Pittman
Lou Reed, Alien, 1974 © Dustin Pittman
David Johansen NY Dolls, 1973-1974 © Dustin Pittman
David Johansen NY Dolls, 1973-1974 © Dustin Pittman
Brooke Shields, Ian Schrader and Calvin Klein, Studio 54 DJ Booth © Dustin Pittman
Brooke Shields, Ian Schrader and Calvin Klein, Studio 54 DJ Booth © Dustin Pittman

Pour chaque photographie de cette époque, Pittman a une histoire fabuleuse à raconter, née du respect mutuel, de la confiance et de l’esprit collaboratif. « Ils avaient tous leur personnalité unique et leur sens du style, et c’est ce que j’aimais », se souvient-il.

En évoquant les icônes qu’il a photographiées, Pittman réfléchit à ce qui les caractérise le mieux. « La survie », dit-il. « Je respecte vraiment les survivants. Si on vous met K.O — ce qui arrive toujours —, vous devez vous relever, vous en remettre et continuer. Ce n’est pas un monde facile. Pour moi, le secret de la survie est de rester fidèle à son âme. De suivre son chemin et de rester fidèle à son idéal. »

L’exposition de Dustin Pittman est à l’affiche jusqu’au 20 décembre 2023, au Roxy Hotel de New York.

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