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Émile Zola, papa poule

Sur une vingtaine de portraits exposés au musée d’Orsay, le romancier-photographe fait apparaître Denise, sa fille modèle.
Émile Zola Paris, 1840 – Paris, 1902. Portrait de Denise. Vers 1900 © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Alexis Brandt
Émile Zola Paris, 1840 – Paris, 1902. Portrait de Denise. Vers 1900 © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Alexis Brandt

Les dernières années de sa vie, Émile Zola (1840-1902) s’adonna à la photographie. Une passion tenace, « pleine de mystères et de déboires » qui l’amena à développer lui-même ses négatifs et à s’intéresser de près à la chimie. Il enregistra aussi bien la Tour Eiffel la nuit que son loulou Pinpin, les bords de la Tamise lors de son exil en Angleterre que ses copains en visite à Médan ; ou son cercle encore plus intime, son épouse Alexandrine et Jeanne Rozerot, avec laquelle l’écrivain eut deux enfants, Denise (née en 1889) et Jacques (né en 1891). 

Zola est fou de Jeanne et de ses enfants. Il la ravit, cheveux dénoués, soudain voluptueuse au grand jour ; il les photographie à l’heure du goûter et de leurs amusements en extérieur, poupées, parties de croquet, balançoire, bulles de savon, arrosage de la cage de la perruche du Sénégal, promenades à bicyclette… Ils se distraient en habits du dimanche qui n’en sont pas. Décor privilégié : la maison de Verneuil-sur-Seine et son jardin fleuri, non loin de celle de Médan, qu’il a louée pour sa « bien-aimée » et ses « deux mignons »

Émile Zola Paris, 1840 – Paris, 1902. Portrait de Jacques et Denise. Vers 1900 © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Alexis Brandt
Émile Zola Paris, 1840 – Paris, 1902. Portrait de Jacques et Denise. Vers 1900 © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Alexis Brandt

Avec 96 photographies de l’été 1897, Zola composera un album, Denise et Jacques, Histoire vraie, acquis en 2017 par le musée d’Orsay. Il est la pièce maîtresse d’une exposition titrée « Les années heureuses », en hommage au premier roman écrit par Denise Le Blond-Zola en 1920 (sous le pseudonyme de Denise Aubert). Marie Robert, conservatrice photographie et cinéma à Orsay, a choisi d’accrocher autour de ce recueil unique, qu’on ne peut malheureusement feuilleter, une vingtaine de portraits de Denise, tous pris en solo, à l’intérieur de la maison de Verneuil. « Elle pose, elle le regarde, elle se prête au jeu », souligne la conservatrice, qui n’a pas cherché à analyser ce tête-à-tête, à le rigidifier, mais à le révéler au public d’aujourd’hui. Ce qui est en soi un challenge.

Denise ne sourit pas. Silencieuse, songeuse, grave. Elle est très jeune – elle a treize ans à la mort de son père, le 29 septembre 1902. Elle est un modèle discipliné face à ce « père indulgent », notera-t-elle plus tard, ne soupçonnant pas qu’il est coincé entre deux vies, celle officielle avec Alexandrine, l’autre, clandestine, avec Jeanne, sa mère. Elle pose parfois les mains croisées ou l’une soutenant la tête, elle en profite pour observer ce père adoré, peut-être même pour l’étudier secrètement. 

Émile Zola Paris, 1840 – Paris, 1902. Portrait de famille Vers 1900 © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Alexis Brandt
Émile Zola Paris, 1840 – Paris, 1902. Portrait de famille Vers 1900 © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Alexis Brandt

Et Zola ? De son côté, il n’essaie pas de parader, aucun accessoire, aucun colifichet, Denise est comme dans une bulle, protégée. D’où ce sentiment de proximité qui apparaît, c’est une photographie sans ombre et sans fantôme (contrairement à Victor Hugo, plus mystique). Denise est dans sa réalité, pourrait-on dire, elle est nature. Elle est maintenant comme chez elle à Orsay, où Françoise Heilbrun l’avait déjà vaillamment honorée en 1989, peu après l’acquisition de ces portraits pour la collection photographique, qu’on aimerait voir plus souvent exposée, soit dit en passant, le dix-neuvième siècle est un labyrinthe troublant.

« Les années heureuses, Denise photographiée par son père Émile Zola », Musée d’Orsay, Paris, jusqu’au 1er juin 2022.

Le site du musée d’Orsay

Maison Zola, musée Dreyfus à Médan

Émile Zola en poche ici.

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