Éric Houdoyer photographie la rue, et plus particulièrement celle de Paris. Ses clichés, pris sur le vif, transforment des scènes quotidiennes en compositions artistiques où l’anonymat des sujets prédomine. Une main surgit de l’ombre, là une silhouette furtive, ici une figure dissimulée sous un chapeau : autant de fragments de vie qu’il immortalise, laissant au spectateur le soin de reconstituer l’histoire derrière l’image. « J’ai commencé à photographier il y a plus de 10 ans après avoir travaillé plusieurs années en tant que médecin à l’Opéra National de Paris », raconte Éric Houdoyer. « La photographie est pour moi un moyen d’entrer dans une bulle, de m’évader de mon quotidien. Le métier de médecin m’a permis de vivre des moments passionnants au service du club de rugby du Stade Français où j’ai découvert des êtres hors normes, à l’opéra de Paris où sans doute j’ai été imprégné des lumières des scénographie, puis ensuite au musée du Louvre que j’ai sillonné jusqu’au dernier recoin. »
La lumière naturelle joue un rôle central dans son travail, qu’il utilise comme un projecteur pour mettre en valeur des formes et des gestes. Les ombres sont profondes, les contrastes marqués, c’est un univers dépourvu de visages, où chaque détail est révélé par une composition rigoureuse. Cette approche confère à ses images une dimension abstraite, oscillant donc entre réalité et imagination, elles peuvent ainsi rappeler celles d’Edward Hopper ou les clichés emblématiques de Saul Leiter, même si lui refuse toute influence. « La lumière est souvent celle du petit matin. L’être humain, lui, est souvent un simple élément de mes photographies, une présence humaine qui ne peut être qu’un élément du décor urbain comme il l’est vis à vis de la nature. Une sorte de métaphore autour de l’empreinte humaine dans notre monde. »
Le photographe s’attache ainsi à trouver de l’abstraction dans la réalité, sans artifice ni retouche excessive, si ce n’est un jeu sur les contrastes. Ces images, subtiles et raffinées, à partir de scènes anodines, révèlent la beauté cachée du quotidien, ou en tout cas la sienne. Elle fige des moments éphémères, des pauses dans le tumulte urbain, une poésie visuelle qui interpelle et invite à la contemplation. « C’est un ensemble souvent graphique mais toujours dans l’instant. »
Éric Houdoyer, qui explique ressentir une vive émotion à chaque image, aime, comme un peintre, utiliser une palette de couleurs intenses, allant des tons chauds de braise aux nuances vives et acidulées. Une richesse chromatique, associée à des noirs profonds, entre lumière et obscurité, qui produit une certaine harmonie visuelle. « Je ne consacre à la photographie que deux heures maximum par semaine, lorsque cette lumière est présente, mais c’est une immersion totale avec des moments forts », explique t-il. « Au fil des années, j’ai étendu ce processus à la Provence, dans d’autres paysages. Chaque lieu peut m’inspirer avec la même démarche. Ce qui m’importe, c’est l’association entre l’être humain et son environnement urbain, et faire ressurgir l’émotion de la présence humaine dans un décor construit par lui. Au fond, mes images rappellent que la maîtrise de l’environnement urbain est relative, fragile, et que la réflexion s’applique à la présence humaine dans l’écosystème naturel. »
Éric Houdoyer est représenté par la galerie Gadcollection, qui expose régulièrement ses photographies.