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Immersion dans la photographie émergente à Paris Photo

C’est sur le Champ-de-Mars, face à la Tour Eiffel, que Le Grand Palais Éphémère accueille cette semaine la plus grande foire d’art internationale dédiée à la photographie, du 10 au 13 novembre 2022. Le secteur Curiosa, dédié aux artistes émergents, présente une large sélection de projets contemporains et internationaux.

Depuis un quart de siècle, Paris Photo s’impose comme le rendez-vous incontournable du marché de la photographie. Galeries, éditeurs et artistes y sont exposés. La scène photographique émergente dispose notamment d’un espace dédié : le secteur Curiosa. Inauguré en 2015, le secteur offre aux jeunes galeries l’opportunité de participer à une foire d’art de premier plan, et présente aux collectionneurs de nouveaux talents. La commissaire Holly Roussel, conservatrice à l’UCCA Centre for Contemporary Art, Pékin, présente une sélection de 16 galeries représentant 17 artistes originaires de 12 pays différents. 

Mettant en lumière les explorations photographiques et artistiques au-delà des genres traditionnels, Curiosa invite les visiteurs à découvrir les nouvelles tendances photographiques contemporaines. Trois thèmes, organisés en « capsules », se dégagent de la sélection. La première capsule s’intéresse aux pratiques actuelles de la photographie de paysage, la seconde aux nouvelles formes d’auto-portraits et la dernière porte sur les approches expérimentales et conceptuelles de la construction d’images. 

Stops (II), Marsha P. Johnson State Park, Brooklyn, 2020. © Tommy Kha / Vasli Souza.
Stops (II), Marsha P. Johnson State Park, Brooklyn, 2020. © Tommy Kha / Vasli Souza.
Untitled (opium flower with pink fabric), 2019. © Pao Houa Her, Courtesy Bockley Gallery.
Untitled (opium flower with pink fabric), 2019. © Pao Houa Her, Courtesy Bockley Gallery.

Regards croisés sur le monde

Certains artistes exposeront en France pour la première fois. C’est notamment le cas de Pao Houa Her, artiste visuelle  originaire du Laos dont les œuvres sont principalement centrées sur l’histoire du peuple hmong et son histoire coloniale complexe. Dans « The Imaginative Landscape », elle présente ce qu’elle imagine être le Laos idéal de sa grand-mère. S’inspirant de son histoire familiale, elle fusionne paysage, photographie et histoire pour attirer l’attention sur les séquelles de la diaspora hmong. 

Tout comme elle, la togolaise Silvia Rosi aborde son histoire personnelle ainsi que le difficile sujet des identités croisées. À travers des autoportraits colorés, elle met en scène les thèmes de la famille et de l’héritage. L’artiste n’hésite pas à intégrer des symboles dans ses œuvres :  les livres font allusion à l’éducation de son père, tandis que les tomates symbolisent son statut de travailleur agricole migrant à son arrivée en Italie. 

Self portrait as my father, 2019. © Silvia Rosi - Commissioned through Jerwood/Photoworks 2020.
Self portrait as my father, 2019. © Silvia Rosi – Commissioned through Jerwood/Photoworks 2020.

Explorations techniques

Constamment en recherche de nouvelles formes pour exprimer leur curiosité, chacun des artistes émergents repousse les limites de la photographie. Jaya Pelupessy explore des processus hybrides pour construire ses images. Dans sa dernière série, « Manufactured Manual », il utilise la sérigraphie comme une toile pour exposer directement des couches multicolores. Jouant avec les frontières physiques de l’image, l’artiste utilise à la fois des images trouvées dans des manuels de photographie et des outils numériques tels que photoshop. 

Son approche de la photographie fait écho au travail de Jean-Vincent Simonet Le photographe, qu’Holly Roussel qualifie de « praticien expérimental », décline constamment les limites de l’impression numérique, en introduisant de nouvelles techniques, telles que des films, des encres spéciales, des résines et des procédés uniques de lavage ou de séchage. Ses travaux dépassent presque le champ de la photographie pour se rapprocher de celui de la peinture.

Collage #14 - Manufactured Manual, 2022. © Jaya Pelupessy | Galerie Caroline O'Breen.
Collage #14 – Manufactured Manual, 2022. © Jaya Pelupessy | Galerie Caroline O’Breen.
Spiderweb (heirloom), 2022. © Courtesy of Jean-Vincent Simonet and Sentiment.
Spiderweb (heirloom), 2022. © Courtesy of Jean-Vincent Simonet and Sentiment.

Les œuvres de Sabrina Ratté font également état de ce brouillage des genres. Par ses images expérimentales, elle invente des paysages situés quelque part entre le monde physique et le monde virtuel. Ses compositions futuristes présentent un univers utopique combinant animation 3D, photographie, synthèse vidéo et manipulation numérique. Pour Holly Roussel, « Les œuvres de Rattés nous obligent à contempler notre relation avec le virtuel, la manière dont nous l’affectons et dont il nous modifie à son tour. »

Cette préoccupation pour l’environnement se retrouve aussi dans le travail de Matthieu Gafsou. Explorant la profondeur et le potentiel d’expression de la photographie de paysages, il matérialise la prise de conscience de la dégradation de la planète. À travers sa série « Vivants », Gafsou interroge notre rapport au monde et notre place dans le vivant. Son approche, à la fois formellement consciente et émotionnellement sensible, mêle dimension intime et questions d’ordre mondial. 

Radiance III, 2018. © Courtesy of the artist and Galerie Charlot.
Radiance III, 2018. © Courtesy of Sabrina Ratté and Galerie Charlot.
Radiance VI, 2018. © Courtesy of the artist and Galerie Charlot.
Radiance VI, 2018. © Courtesy of Sabrina Ratté and Galerie Charlot.
Pétrole III, 2022. © Matthieu Gafsou & Galerie C.
Pétrole III, 2022. © Matthieu Gafsou & Galerie C.

Enfin, la mise en scène de soi occupe une place de choix dans la sélection. Dans ses autoportraits sensuels et mystérieux, l’artiste britannique Juno Calypso donne à voir le corps féminin à travers une approche mi-autobiographique, mi-fantastique. Son esthétique rétro presque artificielle se rapproche de l’univers de Tommy Kha. Homosexuel et américain d’origine asiatique dans le Sud des États-Unis, il questionne le genre à travers l’autoportrait et l’album de famille. Jouant avec la manipulation numérique de l’image, il modifie sa propre apparence, la modelant en masques, en découpages, en tatouages, en puzzles et en impressions 3D. L’image semble entièrement construite, ce qui selon Holly Roussell « refuse au spectateur le confort d’un regard compréhensible et singulier, et contrecarre une lecture unilatérale de l’identité, de la race ou du genre »

Constellations (XVIII), Whitehaven, Memphis, 2019. © Tommy Kha / Vasli Souza.
Constellations (XVIII), Whitehaven, Memphis, 2019. © Tommy Kha / Vasli Souza.
Constellations VIII, Prop Planet, Miami, 2017. © Tommy Kha / Vasli Souza
Constellations VIII, Prop Planet, Miami, 2017. © Tommy Kha / Vasli Souza

Dans un monde débordant d’images et d’informations, ces 17 artistes occupent une position unique en tant que témoins de notre société. Invitant à voir le monde différemment, le secteur Curiosa reflète la diversité des expériences humaines, dissimulées ou non, d’une manière innovante et inspirante.

Untitled, 2022. © Juno Calypso. TJ Boulting
Untitled, 2022. © Juno Calypso. TJ Boulting

Paris Photo : du 11 au 13 novembre 2022, Grand Palais Éphémère, Champ-de-Mars, Place Joffre, 75007 Paris.

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