En 1968, le photographe Elliott Landy pénètre dans le théâtre Anderson, dans le Lower East Side à New York, et immortalise Janis Joplin, 25 ans, qui fait alors partie du groupe de musique psychédélique Big Brother and the Holding Company. Journaliste au service photo de Rat, un journal underground axé sur l’art et la politique, Landy, porteur d’une carte de presse et d’un appareil photo, se rend à la fin du spectacle dans les coulisses pour rencontrer le groupe. Sans qu’il le sache, cela marque le début de ce qui va devenir déterminant pour sa carrière, la première de ses nombreuses rencontres avec Joplin, qu’il photographie à l’orée de la célébrité. Dans son dernier livre, Photographs of Janis Joplin : On the Road & On Stage, Landy revisite les moments passés avec Joplin sur et hors des planches, en plus de 100 photographies inédites. Elles sont accompagnées de citations de Joplin elle-même (tirées d’entretiens avec l’écrivain David Dalton).
Au début du livre, plusieurs photos en couleur illustrent la vibration psychédélique caractéristique des années 1960 ; sur la couverture, un tourbillon de couleurs primaires sert d’arrière-plan à la silhouette de Joplin. La majorité des images sont en noir et blanc, mais ces moments colorés qui montrent Joplin baignant dans des lumières vives symbolisent les jours heureux « peace and love » des années 1960. Landy était également présent au tristement célèbre Festival de Woodstock en 1969, au cours duquel il a photographié la chanteuse sur scène, portant une veste de velours, et des lunettes rondes à verres orange, tandis qu’elle se sert du champagne.
Lorsqu’elle ne se produit pas, de nombreuses images prises en coulisses montrent une Joplin conviviale et souriante, enlaçant ses amis. Mais ce bonheur apparent n’est qu’une façade. « Je l’ai trouvée aimante, attentionnée et solitaire », écrit Landy dans l’introduction. « Elle semblait éprouver une certaine forme de douleur, même lorsqu’elle prenait du plaisir. »
Si ces moments intimes sont intéressants, ce sont les images de Janis Joplin en mouvement, perdue dans ses chansons, qui sont les plus frappantes. L’une des photos, sur la scène du Grand Ballroom de Detroit, la montre dansant, tel un tourbillon de mouvements, si floue qu’on ne la reconnaît qu’à sa chevelure folle. Puis, soudain, parfaitement immobile et serrant le micro à deux mains, elle regarle la foule avec tristesse. C’est ce genre de charisme et de pureté qui ont fait de la chanteuse une star. Chaque mot qu’elle chantait est vrai. « Je dois y croire ou je ne peux pas le chanter », peut-on lire sur une citation de Joplin face à une photo d’elle en train de pleurer sur scène.
Il est à la fois doux et amer de regarder ces images, sachant que Janis Joplin décèdera à peine deux ans après ces prises de vues. On peut imaginer la trajectoire qu’aurait prise sa carrière, tout le potentiel disparu avec elle. Mais pendant un bref instant, elle est là, devant nous, et Elliott Landy y était.
Photographs of Janis Joplin: On the Road & On Stage d’Elliott Landy est publié par Backbeat Books, 49,99 $.