C’est avec une anecdote que Christoph Wiesner introduit la 56e édition des Rencontres d’Arles : dans son combat contre « l’idéologie de genre », Donald Trump a imposé une purge des archives de l’administration américaine. Parmi les pertes ? Une photographie du bombardier d’Hiroshima, supprimée en raison de son titre, « Enola Gay », mal interprété par l’intelligence artificielle.
« La photographie oscille, mais, par chance, elle est multiple, rémanente, elle reviendra toujours », affirme, en réponse, le directeur du festival. « Dans cette nouvelle édition des Rencontres, l’image est traitée sous sa forme polyphonique. L’ailleurs est présent dans une dynamique d’échanges culturels, de témoignages et de transformations sociales. L’engagement est au cœur de toute la programmation, à l’heure où notre monde est touché par la montée des nationalismes, l’essor du nihilisme et les crises environnementales », poursuit-il.
Un parti pris également souligné par l’affiche, signée Tony Albert, David Charles Collins et Kieran Lawson, montrant un membre de la communauté aborigène australienne Warakurna, fièrement grimé en superhéros – un symbole poignant de résilience. Regroupant plus de 5000 œuvres, cette 56e édition se revendique donc inclusive. Elle fait la part belle aux auteurs émergents comme aux grands noms de la photographie, met à l’honneur de nombreux artistes internationaux, notamment australiens et brésiliens, et laisse aux femmes une place de choix.
Alors qu’en 2024, un nombre record de 160 000 visiteurs venaient découvrir les expositions arlésiennes, le festival entend, cette année, leur permettre d’appréhender l’image comme un véritable outil de résistance.
Interroger l’histoire
Véritable fil d’Ariane, la notion d’engagement se lie donc à de nombreuses thématiques présentées. Parmi les accrochages collectifs de l’édition 2025, se trouve « On Country », faisant dialoguer divers photographes autochtones australiens autour de leur définition de « pays » : un lien spirituel les unifiant à la terre, loin de toute vision dominante occidentale.
« Futurs Ancestraux » célèbre, quant à elle, la scène contemporaine brésilienne dans une scénographie dynamique mêlant photo, vidéo, collage et intelligence artificielle pour mieux « interroger le passé et la violence historique, questionner la construction des stéréotypes et contester l’histoire officielle du territoire », commente Christoph Wiesner.

Dans « Double », Carol Newhouse et Carmen Winant « explorent et réinventent le “soi” lesbien et féministe dans les années 1970 aux États-Unis », dit le directeur, tandis que Lila Neutre propose, dans « Danser sur les cendres (Faire feu) » une lecture du twerk et du voguing (ces styles de danses populaires au sein des communautés noires et latines américaines queer et précarisées, ndlr) comme une lutte festive, esthétique et politique. Avec « Elles obliquent, Elles obstinent, Elles tempêtent », Agnès Geoffray interroge, ensuite, « notre rapport à la norme et à la morale », à travers les parcours de jeunes filles qualifiées de déviantes et enfermées dans des « écoles de préservation » françaises, à partir de la fin du 19e siècle. « Elle y dresse des portraits personnels de celles qui prennent la fuite, celles qui font face, et celles qui résistent », poursuit Christoph Wiesner.
À Palerme, Letizia Battaglia réalise, à partir de 1970 et durant plus d’une décennie, de nombreux reportages sur les crimes de la mafia sicilienne. Une immersion violente qui la marque profondément, puisqu’elle affirmera : « Mes images sont remplies de sang. Survivante de l’Holocauste, Claudia Andujar, enfin, s’établit au Brésil en 1955, où elle découvre le peuple indigène Yanomami d’Amazonie – une communauté qu’elle ne cessera de défendre à travers son œuvre. « À la place des autres » s’impose comme la première rétrospective internationale de l’artiste dédiée à cette période.


En parallèle de cette « résistance par l’image », la 56e édition des Rencontres célèbre aussi, comme chaque année, des artistes de renom – Annie Ernaux, Nan Goldin et Yves Saint Laurent – ainsi que des photographes émergents aux carrières bien remplies : Todd Hido, Kourtney Roy ou encore Diana Markosian. Une programmation enthousiasmante, enrichie, dans le cadre d’Arles Associé, par celle de Luma – David Armstrong, Peter Fischli, No Tzu Nyen, Koo Jeong A et Bas Smets – et par l’exposition collective « Sortilèges », qui investira la Fondation Manuel Rivera-Ortiz.
Les Rencontres d’Arles se tiendront du 7 juillet au 5 octobre 2025, à Arles. Plus d’informations et programme complet sur le site internet du festival.
