On a peu d’informations sur les images de Jacques Boyer prises en Corse au début du XXe siècle. On sait qu’il n’a pas effectué qu’un seul voyage, il y est retourné, même plusieurs fois. Photographe « publiciste scientifique » comme il se présentait lui-même, Jacques Boyer est connu pour avoir photographié abondamment Paris, la vie quotidienne et les petits métiers pendant plus de quarante ans, du début du XXe siècle aux années 1950. C’est ce même intérêt que l’on retrouve dans ses images corses dont l’Agence Roger-Viollet détient les droits, ainsi que le fonds Jacques Boyer (plus de 35.000 négatifs et 6.000 épreuves d’époque).
Quand Jacques Boyer arrive en Corse en 1911, « le bilan général de la Corse est au total très déséquilibré : le passif y est bien supérieur à l’actif raconte l’historien Robert Colonna d’Istria dans son Histoire de la Corse publié aux éditions Tallandier. À l’actif, il y a les progrès de l’éducation (en 1914, le nombre de bacheliers, par rapport à la population totale, est un des plus élevés de France), il y a un chemin de fer qui, tant bien que mal, a fini par relier Ajaccio à Bastia (…) Au passif, il y a le déclin des activités économiques, l’émigration massive, la dépravation de la vie sociale tout entière dominée par une classe politique sans scrupule et sans projet, le paludisme. »
Président du Conseil, Georges Clemenceau dresse un constat sans appel de l’état de l’île en 1908 : « Il n’y a ni industrie, ni commerce, ni agriculture… Ni la Bretagne, ni les Hautes-Alpes, ni peut-être aucun pays d’Europe ne peuvent donner une idée de la misère et du dénuement actuels de la Corse. » C’est dans ce contexte que Jacques Boyer se retrouve en Corse. Il traverse l’île, il passe à Ajaccio, il longe la côte. Il photographie les bergers, les pêcheurs de langoustes, les paysans et les paysannes, la boucherie en plein air ou encore la Procession du Vendredi saint.
À côté des portraits des gens, il immortalise cette terre qui fait encore rêver près de cent ans plus tard. On retrouve les rochers, les falaises, l’olivier. Vice-roi du royaume anglo-corse entre 1794 et 1796, Sir Gilbert Elliot aurait dit que la Corse « est une énigme dont personne n’est sûr de posséder la clef », cette énigme, Jacques Boyer l’a photographiée. Au vu de ses voyages répétés, le photographe, non plus, n’en a pas trouvé la clef mais ses images en noir et blanc de l’île de beauté, sont un bien précieux pour aider ceux qui tentent encore d’en résoudre le mystère.
Pour aller plus loin :
Histoire de la Corse, des origines à nos jours de Robert Colonna d’Istria, publié par les éditions Tallandier, 10€.