Les trois foires Art-O-Rama, Paréidolie et Polyptyque font de Marseille un rendez-vous incontournable fin août pour nombre de collectionneurs en vacances dans la région ou qui font le déplacement spécialement. Ces trois manifestations sont des rendez-vous à taille humaine, facilitant les contacts entre les visiteurs, les galeries et les artistes. Voire d’un format intime pour Polyptyque, la petite dernière-née il y a 4 ans à l’initiative de Erick Gudimard, directeur du Centre Photographique Marseille (CPM). Mais, ici, petit rime avec exigence, le salon se partageant entre six galeries (dont un duo) invitées présentant chacune un artiste, et une exposition réunissant 11 photographes présélectionnés sur 54 candidatures du Prix Polyptyque, suite à un appel à candidature. Trois lauréats ont été désignés par un jury prestigieux* le 26 août.
La particularité de ce prix ? « Il s’adresse aux photographes vivant dans la Région Sud et n’ayant pas de galerie. Car l’enjeux est de favoriser les artistes travaillant ici, qui par conséquent sont moins en contact avec le marché afin de leur donner une visibilité́ nationale », explique Erick Gudimard. « C’est la 3e fois que je participe au jury et j’observe une montée en puissance d’année en année. De qualité, les dossiers de candidatures sont représentatifs d’une grande variété de pratiques. Cela permet de faire de belles découvertes. », confie Caroline Stein, responsable du mécénat de Neuflize OBC qui fête cette année ses 25 ans de soutien aux artistes et aux instituions dans le domaine des arts visuels. Pour cette édition 2022, les trois lauréats sont Julia Gat, Andrea Graziosi et Jeanne et Moreau.
Parmi eux, coup de cœur pour le travail de Lara Tabet et Randa Mirza (le duo Jeanne et Moreau) avec une installation réunissant des tirages, une impression sur tissu, un tirage en verre brisé installé au sol et un ancien album photo contenant leurs propres images que le spectateur est invité à consulter. Le tout raconte la vie du couple après la destruction de leur appartement lors de l’explosion du port de Beyrouth en août 2020. De son côté, avec sa série Animas, le photographe italien Andrea Graziosi présente une étonnante galerie de portraits de personnages masqués, mi-hommes/mi-animaux, des créatures ténébreuses et troublantes en liens avec les traditions ancestrales de la région de la Barbagia au centre de la Sardaigne. Un point de vue documentaire ou l’imaginaire a toute sa place.
En ce qui concerne la partie salon réunissant six galeries françaises et une allemande, comme le raconte Erick Gudimard, « la participation est gratuite en contrepartie du versement d’un petit pourcentage sur les ventes réalisées. Car c’est un échange de bons procédés : les galeries nous apportent leurs compétences et leurs conseils en nous accompagnant pour favoriser l’insertion des artistes du Prix ». Du côté des exposants, mention spéciale pour Céline Croze présentée par la galerie Sit Down (Paris). Dans son travail sur Caracas, elle retranscrit son errance nocturne dans la capitale vénézuélienne dans un style cinématographique tout en nuances de bruns. Cette série sera présentée cet automne au Festival du Regard, édition sur le thème de la nuit (du 14/10 au 27/11/2022 à Cergy-Pontoise).
Autre découverte à suivre de près, Guénaëlle de Carbonnières, présentée par les galeries Binome (Paris) et Françoise Besson (Lyon). A travers des œuvres issues de quatre séries récentes, l’artiste explore les thèmes du patrimoine et de l’archéologie mettant en œuvres différents processus mêlant numérique, argentique, gravure, dessin, etc. Que le résultat final soit des tirages –séries Submergées, Cités englouties ou Creuser l’image – ou des œuvres-objets dans lesquels les négatifs sont scellés dans de la résine – série Captures fossiles –, Guénaëlle de Carbonnières interroge notre rapport à l’histoire et à la mémoire, et rebat les cartes de la notion et du statut du document.
Il ne faut pas quitter Marseille sans avoir vu l’exposition de Thomas Mailaender au Centre Photographique. Là aussi, c’est un rendez-vous avec l’insolite et l’inattendu, deux notions qui font partie de l’ADN du Centre. Le lieu est rendu méconnaissable par les installations, avec notamment une serre géante, des cyanotypes réalisés à même les murs grâce à des lampes à bronzer achetées sur Leboncoin, tout comme les magazines d’où sont extraits les images. Électron libre, Thomas Mailaender s’amuse avec sérieux, expérimentant avec des matériaux recyclés, faisant appel aux étudiants des beaux-arts pour une partie de cette production dans l’esprit participatif propre à ce lieu… La visite s’achève dans l’équivalent d’un atelier d’artiste où, sur une grande table, sont présentés pèle mêle les éléments d’œuvres en devenir réalisées à partir de livres culte de l’histoire du médium. Une visite pleine de rebondissements !
4e édition de Polyptyque, du 27 août au 10 septembre 2022. 3, rue Henri Fiocca, 13001 Marseille.
Thomas Mailaender, Lumière passion du 27 mai au 24 septembre 2022, Centre Photographique Marseille (CPM). 74 rue de la Joliette, 13002 Marseille.
* Jury du prix Polyptyque: Pascal Beausse, responsable de la collection photographie du CNAP, Françoise Bornstein, directrice de la Galerie Sit Down (Paris), Florence Bourgeois, directrice de Paris Photo, Pascal Neveux, directeur du FRAC Picardie Hauts-de-France, président du CIPAC ; Alexander Sairally et Esther Schulte, directeur et directrice de la Galerie Drawing Room (Hambourg), Caroline Stein, responsable du mécénat et conservatrice de la collection de la banque Neuflize OBC.