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L’activiste Bev Grant revisite le passé radical de l’Amérique

Un ouvrage vient de paraître, qui retrace l’aventure de la gauche révolutionnaire de la fin des années 1960 au début des années 70.

« En 1967, lorsque j’ai participé à un atelier organisé par Students for a Democratic Society à l’Université de Princeton, je n’avais aucune idée de l’impact que cela aurait sur le reste de ma vie », écrit la photographe américaine Bev Grant dans le livre Bev Grant: Photography 1968-1972 (Osmos), qui vient de paraître.

Marche anti-impérialisme, Lower East Side, 18 mai 1968. © Bev Grant
Marche anti-impérialisme, Lower East Side, 18 mai 1968. © Bev Grant

« Le thème de l’atelier était la libération des femmes. C’était un éveil, l’occasion d’une prise de conscience qui m’a fourni un cadre pour comprendre ma vie, et m’a mise sur une voie que je continue à suivre. »

En tant que membre de Newsreel, un collectif cinématographique basé à New York, Bev Grant se trouve en première ligne de la gauche radicale américaine au tournant des années 1970, travaillant aux côtés du Young Lords Party, du Black Panther Party et de la Poor People’s Campaign, ainsi que du Mouvement de libération des femmes. 

Les mouvements des années 1960 bouleversent les paysages politiques, culturels et sociaux des États-Unis, s’efforçant de fournir à tous les Américains des droits constitutionnels et de les protéger. Par voie de conséquence, ces mouvements provoquent des guerres culturelles, dessinant un clivage que l’on ressent aujourd’hui, à l’heure où les libertés acquises sont bafouées.

La manifestation du concours de Miss America, Atlantic City, 7 septembre 1968. © Bev Grant
La manifestation du concours de Miss America, Atlantic City, 7 septembre 1968. © Bev Grant
Denise Oliver, membre des jeunes lords, décembre 1969. © Bev Grant
Denise Oliver, membre des jeunes lords, décembre 1969. © Bev Grant
© Bev Grant
© Bev Grant

Le travail de Bev Grant, qui témoigne de l’origine de ces luttes, donne à voir l’efficacité d’une gauche organisée en vue du changement.

« [Les mouvements des années soixante] ont transformé la relation entre les Blancs et les personnes de couleur, en particulier les Noirs. Ils ont utilisé la notion de genre pour analyser le mécanisme de l’oppression des femmes et contester l’hétéronormativité. Ils ont aussi encouragé à critiquer la guerre du Vietnam et la politique étrangère américaine, au plus fort de la guerre froide », note Johanna Fernández dans l’ouvrage. « Un tel bouleversement des mentalités n’a été possible que par les actions et échanges d’idées de milliers de petits collectifs très engagés, interagissant les uns avec les autres dans tout le pays. »

Le W.I.T.C.H. à Wall Street, 30 octobre 1968. © Bev Grant
Le W.I.T.C.H. à Wall Street, 30 octobre 1968. © Bev Grant
Les G.I. contre la guerre au Vietnam, Central Park, 27 avril 1968. © Bev Grant
Les G.I. contre la guerre au Vietnam, Central Park, 27 avril 1968. © Bev Grant

Des origines modestes

Bev Grant n’a rien de ce qu’il faut pour devenir une fille accomplie de la classe moyenne des années 1950. Alors que sa mère est enceinte, son père, Herman Miller, purge une peine de prison pour avoir enfreint la loi sur le rationnement en vigueur durant la Seconde Guerre mondiale, et vendu des cravates au marché noir. Miller est libéré quand sa fille a six mois, et la famille garde difficilement la tête hors de l’eau.

En 1960, Bev s’inscrit au Portland State College grâce à une bourse d’études, mais abandonne son cursus au milieu de l’année. On la pousse à épouser son petit ami, un musicien de jazz, et le couple déménage à New York. Deux ans plus tard, Bev quitte son mari pour un autre homme, qui lui offre un appareil photo peu de temps avant leur séparation. En 1967, elle se lie avec une voisine activiste qui l’invite à assister à une conférence donnée par les Students for a Democratic Society. « J’ai été époustouflée », écrit-elle.

© Bev Grant
© Bev Grant
Les "Motherfuckers" occupent le Fillmore East, octobre 1968. © Bev Grant
Les “Motherfuckers” occupent le Fillmore East, octobre 1968. © Bev Grant
Centre Rockefeller, New York, mars 1968. © Bev Grant
Centre Rockefeller, New York, mars 1968. © Bev Grant

À cette époque où la presse écrite domine encore les médias, la photographie joue un rôle central dans la publicité et la politisation d’une cause. Non seulement ce médium permet d’enregistrer, mais il suscite aussi l’empathie ; en créant une aura aux activistes et ce qu’ils entreprennent, l’image aide à diffuser leur message et à obtenir des fonds pour leur venir en aide, sachant qu’ils risquent leur vie et leur gagne-pain en défendant la cause commune.

Armée de son appareil photo, Bev Grant documente leurs expériences d’une manière holistique, qui fait ressortir le rôle des femmes, des doyens et des enfants dans les actions solidaires et contestataires.

La manifestation du concours de Miss America, Atlantic City, 7 septembre 1968. © Bev Grant
La manifestation du concours de Miss America, Atlantic City, 7 septembre 1968. © Bev Grant

Grâce à la photographie, Bev Grant se rapproche des collectifs et s’engage à leurs côtés dans la lutte pour le changement – tout en prenant confiance en elle et en son travail.

« Prendre des photos donne un sentiment de pouvoir ; enregistrer une image, cadrer, déclencher, viser, tout cela est de la pure action et permet d’avoir une prise sur les choses », confie-t-elle à Johanna Fernández. « Mon travail photographique est devenu plus utile, une sorte d’arme de combat. » 

La Brigade Jeannette Rankin, Washington D.C., 15 janvier 1968 © Bev Grant
La Brigade Jeannette Rankin, Washington D.C., 15 janvier 1968 © Bev Grant

Bev Grant: Photography 1968–1972 est publié par Osmos Books, 50,00 $

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