Nous sommes en Lituanie. Autour de Matt Wilson, la forêt, déserte. Quelques maisons abandonnées sont les seuls vestiges. Impossible que quelqu’un habite ici. Pourtant, lorsque le photographe se risque à toquer à la porte d’une vieille cabane, une vieille femme, tout sourire, lui ouvre. CLAC. Immédiatement, Matt Wilson capture cette rencontre improbable. Son Leica ne le quitte jamais. Maniable, discret et rapide, le petit boîtier fige cet instant pour l’éternité.
Le goût de l’aventure
Né à Tonbridge, au Royaume-Uni, Matt Wilson à vécu presque toute sa vie à New York. N’ayant pas les moyens de financer une école d’art, il quitte l’école à 16 ans et s’envole pour les États-Unis en 1988. Il y découvre la photo de manière autodidacte.
Assistant dans un labo, il ne compte pas ses heures. De la photographie de mode à la publicité, il enchaîne les boulots jusqu’à ce que Christine Ollier, alors directrice de la galerie Les Filles du Calvaire, lui propose d’exporter son travail en France. En 2009, il présente ainsi sa série « This place called home » à Paris Photo, puis partout dans le monde.
C’est d’abord sa passion pour le voyage qui anime Matt Wilson. La photographie vient ensuite. Entre les États-Unis, en Ukraine ou encore en Lituanie, il construit son propre carnet de voyage en images.
Toutes dérivent d’anecdotes, comme ce fermier d’un petit village du fin fond de l’Arizona qu’il a accompagné plusieurs mois, logeant alors dans un motel dont il était l’unique client. Illustration parfaite d’une atmosphère de récession économique tout droit sortie des Raisins de la colère de Steinbeck.
La solitude est d’ailleurs un moteur pour lui : elle l’aide à produire. Toujours ouvert à l’aventure, Matt Wilson ne voyage pas pour photographier, mais pour apprendre.
La passion de l’argentique
Sur les murs du Leica Store s’exposent les images extraites de ses séries « This place called home », « Hinterland » ou encore « Carnets ». La dimension des tirages varie, forçant le spectateur à s’approcher pour entrer dans l’intimité de l’image et en scruter les détails.
Comme peintes, les photographies de Matt Wilson nous immergent dans une douce atmosphère hors du temps. « Ce tirage a nécessité près de 36 couches pour apparaître telle que vous la voyez », assure le photographe en désignant un paysage digne d’un tableau de Bruegel.
Ce résultat est obtenu par un long travail de laboratoire et des procédés très précis de développement photographique.
Car Matt Wilson produit lui-même ses tirages. Depuis des années, il travaille avec un des premiers labo photo de New York. « Il a été créé en 1971 et c’est maintenant le dernier », raconte-t-il. Son ambition ? Reproduire le tirage Fresson, l’un des plus fins sur le marché mais également l’un des plus chers. Lorsqu’on l’interroge à ce sujet, le photographe laisse planer le mystère. « J’ai mis près de 10 ans à maîtriser ces techniques, ça ne s’apprend pas comme ça. »
Jusqu’à aujourd’hui, Matt Wilson n’a cessé d’expérimenter. C’est en testant et en manipulant les tirages que de heureux hasards prennent vie. Il n’hésite pas à utiliser des pellicules hors d’usage pour obtenir des ovnis photographiques. En témoigne une photo d’un paysage d’Utah où la falaise, initialement de couleur ocre, apparaît blanche immaculée, comme si elle était recouverte de neige.
Que ce soit par le travail de la couleur ou par celui de la matière, Matt Wilson stimule l’imaginaire et force à élargir nos esprits en modifiant la réalité. Pour lui, la photo n’est qu’un matériau : c’est son développement qui achève le processus artistique.
Du 19 janvier au 31 mars 2023, Matt Wilson expose ses travaux au Leica Store du Faubourg Saint-Honoré, à Paris.