Quel bruit fait l’hymen quand il se rompt ? Potentiellement celui qui résonne dans l’univers d’une femme, avec parfois des conséquences redoutables. Dans If a hymen breaks and no one hear it (Quand un hymen se rompt et que personne ne l’entend), l’artiste plasticienne Reem Falaknaz, basée aux Émirats arabes unis et à Oman, embarque le spectateur dans le parcours d’une femme à la recherche d’une reconstruction d’hymen dans le monde arabe. La présentation de publicités, de salles d’opération, d’ébauches de budget et de conversations avec des médecins et des charlatans nous met face à une question centrale qui n’est jamais posée, simplement parce qu’elle passe outre toute religion : pourquoi la virginité est-elle considérée comme une valeur, au lieu de quelque chose qui arrive simplement, ou non, à un certain moment de la vie d’une femme ?
Si le travail de Reem Falaknaz se concentre sur une chirurgie dont le marché existe pour faire face à un dangereux stigmate, les images de Lara Chahine sont centrées sur une pression plus subtile mais tout aussi puissante. Elles traitent de la quête de perfection esthétique des femmes libanaises, induite par l’image irréaliste de la beauté féminine à laquelle sont soumises les femmes de tout âge, au Liban ou ailleurs.
Sa série Bless Your Beauty (Que votre beauté soit bénie) souligne la façon dont le corps féminin, qu’il soit couvert ou non, est toujours public, jugé et chargé de symboles. Les images, produites au cours d’une période qui englobe la révolution d’Octobre, la pandémie de Covid-19 et l’explosion dans le port de Beyrouth, sont tantôt introspectives, tantôt provocantes. Elles évoquent la vérité selon laquelle le fait de naître femme a un coût supplémentaire, quoi qu’il arrive d’autre dans l’histoire et en politique. La pleine conscience de ce fardeau, imposé de l’extérieur, va de pair avec l’énergie et le désir de faire pression en faveur d’une sensualité naturelle, explicite et décomplexée.
L’exposition, qui présente plus de 40 œuvres d’art, dont des photographies, des supports numériques et des installations vidéo, aborde les questions qui préoccupent le féminisme arabe en utilisant un vocabulaire visuel léger et ludique. Comme le souligne la commissaire Rana Ghanem, elle met le public au défi avec « des œuvres à la fois humoristiques et critiques, offrant au final un spectacle divertissant et mordant, plein d’esprit, émotionnel et intelligent ».
Si l’exposition se déroule dans la société hiérarchisée et en pleine mutation de Dubaï, où elle attire naturellement un public libéral, difficile à ignorer pour les autres, les questions qu’elle soulève sont loin d’être résolues dans de nombreux pays occidentaux. Ici, une résistance ouverte à certaines formes de liberté des femmes est remplacée par un compromis inquiétant et hypocrite qui ignore plus facilement la réalité des souhaits de changement.
L’exposition “Swallow This. Arab Women And Body Politics“ (Avale ça ! Les femmes arabes et la politique du corps) est présentée à Gulf Photo Plus jusqu’au 15 avril..