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Le doux monde polaire de Florian

Connu pour ses photographies du Grand Nord et de la faune polaire, Florian Ledoux se passionne pour les régions arctiques. Son travail photographique est l’occasion de s’engager pour la nature, le vivant et la planète, mais surtout de montrer la beauté des régions glacées.

« J’ai commencé la photographie assez tôt, lorsque j’avais une dizaine d’années environ », entame Florian Ledoux, photographe et droniste français spécialiste des régions polaires. « Je réalisais alors mes images dans le jardin et les forêts alentour, généralement en extérieur, dans la nature. La photographie était comme un moyen d’expression pour raconter ce que la nature provoque en moi. » Né en Septembre 1989, il réalise un premier voyage en Laponie avec ses parents, à 10 ans, qui l’initie aux régions polaires. Longtemps, sa pratique de la photographie reste amatrice. Cette période, de l’enfance à la fin de l’adolescence, est ce qu’il appelle « la graine » de son travail. 

« Mauvais à l’école » – il regardait dehors et n’espérait qu’une chose : pouvoir s’enfuir des salles de classe -, Florian Ledoux rejoint la Marine Nationale. Il a 18 ans. Là-bas, il répare des hélicoptères et effectue des sauvetages en mer. Bien qu’assez éloigné de la photographie, ce travail lui permet d’être en extérieur, au grand air, mais aussi d’acquérir de la rigueur dans son travail. 

Florian Ledoux arrive à concilier ce travail avec la photographie : d’abord en obtenant un contrat de photographe au sein de la Marine Nationale. Sa pratique de la photographie est alors plus sociale, tournée vers l’humain. Il réalise des reportages photographiques en lien avec les missions. Mais il profite aussi des « nombreux congés » et « temps libre » pour partir en voyage, dans les régions polaires, « idéal de mon enfance ». 

Il réalise, pendant ses années dans la marine, une expédition personnelle au Groenland, avec deux autres collègues. Il entre alors en contact avec les locaux, dans des régions où il n’y a « plus une trace de l’humanité ». Bien qu’il profite de cette période et de ce travail pour « apprendre et faire des erreurs », Florian Ledoux finit par mettre fin prématurément à son contrat militaire pour un voyage entre le Canada et le Groenland. C’est là que la « graine sort de terre ».

@ Florian Ledoux
Vue aérienne du regel de la mer dans le Storfjord sur la côte Est du Svalbard après qu’une tempête ait balayé et brisé la banquise. @ Florian Ledoux

Beauté glacée 

« Les régions polaires sont des musées d’art à ciel ouvert », s’enthousiasme-t-il. « La glace bouge, la neige fond ou bien il en tombe la nuit, les animaux passent. » La pureté, l’immensité et le silence de ses régions l’attirent énormément. Au même titre que les lumières arctiques – « le jour éternel en été », « la nuit infinie en hiver et les lever et coucher de soleil à n’en plus finir entre les deux » – et la glace, dont il admire formes et textures. « La mer sans glace résonne comme une mélodie sans musique », décrit le photographe. 

« Contrairement à la vie en ville, on est concentré sur ce que l’on fait, ce que l’on voit et ce qui se passe autour de nous »

La nature est au centre de son travail photographique. Il souhaite transmettre un message, celui de cette même nature, et la reconnecter à l’Homme via l’émotion. Une connexion qui vient de ce « sentiment, sauvage, d’un retour au plus simple ». « On est dans l’instant », explique-t-il. « Contrairement à la vie en ville, on est concentré sur ce que l’on fait, ce que l’on voit et ce qui se passe autour de nous. » Être dans l’instant lui permet aussi de mieux retransmettre, en histoires et en photographies, le monde polaire. 

@ Florian Ledoux
@ Florian Ledoux
@ Florian Ledoux
@ Florian Ledoux

Florian Ledoux apprécie le silence de ces zones reculées, loin des foules et de la société bruyante. Il avoue fuir « le bruit des véhicules, des climatisations, les gens qui parlent. Même dans les Alpes, au plus loin des villes, il y a toujours des avions qui nous survolent. Je n’ai pas l’impression d’être loin de tout. » À l’inverse, dans les régions polaires, « les seuls sons, sont ceux du vent, de la glace qui craque, des renards des neiges qui crient ». 

Il arrive que le vrombissement d’un drone s’élève, temporairement, dans l’air frais d’un matin nordique. Celui de Florian Ledoux, qui réalise une partie de son travail photographique via des moyens aériens. Cela lui permet de décentrer son regard, de proposer un autre point de vue sur les terres glacées du Nord et de poser un autre œil sur les formes et couleurs qui l’attirent dans la région. L’usage de la photographie aérienne lui permet aussi de sortir des habituels clichés d’Ours polaire et de les montrer comme on ne les a jamais vues : du ciel. L’artiste nous met ainsi dans la position d’un oiseau du Grand Nord, en mesure d’admirer les paysages et l’horizon à l’infini.

© Florian Ledoux

Face au Nord 

Aussi belles soient ces régions, Florian Ledoux doit s’adapter au froid et à la solitude. Au Svalbard, par exemple, les températures peuvent chuter jusqu’à -30 °C comme lors du record de mars 2020, enregistré à la station météorologique de Ny Alesund. Florian Ledoux précise que la station, située sur la côte Ouest, n’est jamais vraiment froide. « Ce sont des températures plutôt normales», s’amuse le photographe. « L’année dernière sur les glaciers on a même atteint un ressenti de -75 °C. » Au Groenland, les températures basses approchent souvent les -70 °C (-93° F). 

« Il faut savoir se reposer entre deux expéditions, pour être en forme sur place. Il nous arrive de rester 12, 24, voire 36 heures sans dormir, lors des expéditions »

Afin de pallier au mieux les températures, Florian Ledoux a quitté la France : il vit dorénavant à Tromsø, au Nord de la Norvège. Situé au-delà du cercle polaire, les températures de la ville s’approchent de celles des régions glacées qu’il photographie. « Les étés tournent autour de 15-20 degrés maximum », raconte-t-il, même si les températures « commencent à augmenter avec le réchauffement climatique ».

Outre l’adaptation au froid, rester aussi souvent en montagne permet « le maintien de la condition physique » ce qui évite notamment certaines blessures. Mais le plus important reste le repos. « Il faut savoir se reposer entre deux expéditions, pour être en forme sur place. Il nous arrive de rester 12, 24, voire 36 heures sans dormir, lors des expéditions. »

© Florian Ledoux
© Florian Ledoux

Vient ensuite la préparation technique et matérielle : avec le froid, impossible de brancher un appareil déchargé, de changer une pièce perdue ou de réparer un objet cassé. Il faut donc s’adapter, prendre en double, voir en triple, vérifier l’état des batteries et l’équipement embarqué… Mais pour le photographe, il faut surtout « penser à la suite ». « Que va-t-on photographier, où, quand et comment ? » Une préparation poussée permet d’éviter les mauvaises surprises. 

La solitude n’effraie pas Florian Ledoux. Il faut « un temps pour s’adapter, après la vie en sociétés » et face à ce sentiment, « un peu étrange ». Matthieu Tordeur, explorateur français lui aussi attiré par les régions polaires, parle de « cette solitude, la vraie. Celle qui ne vous lâche pas et vous met face à vos pires doutes et vos plus grandes inquiétudes. Mais celle aussi qui révèle à soi-même et permet de se découvrir quelque chose de nouveau, d’inconnu et qu’on ne soupçonnait pas. »

Vue aérienne de la mer qui gèle et forme des lignes de glace abstraites sur l’eau. La banquise a été balayée par des tempêtes qui ont brisés et chassé la glace au sud laissant le fjord plein d’eau libres sur la côte Est du Svalbard en hiver. © Florian Ledoux

Fragilité gelée 

Mais la beauté glacée des régions polaires est menacée : avec le réchauffement climatique et l’impact de l’humanité sur la nature, les glaciers et banquises fondent. « Il y a aussi la chasse et les polluants présents dans l’eau », souligne Florian Ledoux. « Entre 1963 et 2015, plus de cinquante mille ours ont été chassés. Leur population mondiale est estimée entre dix-neuf mille et vingt-cinq mille individus environ. » 

« L’impact du réchauffement climatique sur le monde est déjà visible. Au Svalbard, par exemple, la banquise côtière en hiver a diminué de 50 % en 30 ans ! Il n’est plus temps de se demander si le réchauffement climatique est bien là et s’il est de notre fait. Il est temps de s’adapter. » Mais pour le photographe, « tout n’est pas foutu pour les animaux ». Au Svalbard, les Ours sont protégés de la chasse depuis les années 1973, de même pour les Morses dans les années qui suivent. La chasse des rennes est soumise à des quotas qui permettent une limitation de l’impact sur l’espèce.

« Les animaux peuvent s’adapter, bien mieux que l’Homme. Pour cela, ils ont besoin d’être en bonne santé : cette adaptation passe par la mort d’individu, qui permet aux suivants de mieux s’en sortir. » La marge de manœuvre de l’Homme, ses capacités d’adaptation aux changements extrêmes sont, elles, très réduites. 

Front de glacier pris dans la banquise sur la côte Est du Svalbard en plein hiver lorsque le soleil revient. © Florian Ledoux Glacier front on the sea ice when the sun is returning in the high Arctic in March.
Vue aérienne de la mer qui gèle et forme des lignes de glace abstraites sur l’eau. La banquise a été balayée par des tempêtes qui ont brisés et chassé la glace au sud laissant le fjord plein d’eau libres sur la côte Est du Svalbard en hiver. © Florian Ledoux
© Florian Ledoux
© Florian Ledoux

« Au final, le changement climatique n’est pas le problème, mais simplement la conséquence de nos actes et actions, qui découlent d’une déconnection de la nature », souligne Florian Ledoux. Une pensée que le photographe traduit par sa volonté de ne pas impacter la vie des animaux qu’il photographie. Il est ainsi hors de question, pour lui, d’attirer les animaux avec des appâts, de forcer les comportements. À l’inverse, « si l’on trouve une carcasse assez fraîche, ils nous arrivent de nous poster à proximité, car on sait que cela va attirer d’autres animaux », explique l’aventurier. 

« On a aiguisé nos yeux et nos sentiments pour retransmettre la beauté de la nature. Nous ne sommes que des messagers »

Pour autant, si son respect pour la nature dicte ses actes sur le terrain, le photographe ne cherche pas particulièrement à effectuer un travail engagé, et ne transmet pas de message en faveur de la nature au moment de la prise de vue. Le discours engagé vient dans “l’après” et ne se retrouve pas uniquement dans son travail ; il y « contribue juste ». « On a aiguisé nos yeux et nos sentiments pour retransmettre la beauté de la nature. Nous ne sommes que des messagers », explique-t-il. Car, au final, le « vrai artiste, c’est la nature ». 

Retrouvez le travail de Florian Ledoux sur son site internet

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