Dans les contrées fantaisistes de David LaChapelle, les célébrités sont des saints et des martyrs. Kim Kardashian est une Madone en pleurs, Michael Jackson un ange aux ailes de plumes blanches. Elles existent sur un plan astral, sous des cieux étoilés ou des nuages roses, tandis que LaChapelle détourne la réalité dans l’exposition, qui porte un titre approprié et envahit de fond en comble le musée Fotografiska à New York.
Dans sa plus grande exposition à ce jour, David LaChapelle présente une série d’images qui couvre l’ensemble de sa carrière, truffée d’iconographies religieuses et de références à l’histoire de l’art, comme sa Kardashian-Madonna, ou sa Lepore-Monroe (cette dernière étant l’amie et la muse de LaChapelle, Amanda Lepore, photographiée dans le même style qu’Andy Warhol a encadré Marilyn Monroe dans Shot Sage Blue Marilyn).
Plus de 150 œuvres sont exposées sur les six étages du musée, les plus anciennes remontant au milieu des années 1980.
Andy Warhol : une âme sœur pour David LaChapelle
Le dernier portrait d’Andy Warhol avant sa mort prématurée est particulièrement remarquable. LaChapelle, qui avait commencé à travailler chez Interview Magazine quand il était adolescent, a trouvé en Warhol, qui était catholique, une âme sœur.
Dans le portrait en noir et blanc – l’absence de couleur étant atypique pour LaChapelle – Warhol rayonne pratiquement, ses célèbres cheveux blancs captant la lumière alors qu’il est assis, flanqué de deux Bibles placées stratégiquement de chaque côté de sa tête.
Ni David LaChapelle ni Warhol ne savaient que cette photo deviendrait l’épitaphe de Warhol, et pourtant l’air inhabituellement sombre semble en être le présage.
Une explosion de couleurs
Le reste de l’exposition de David LaChapelle est une explosion de couleurs. Des avions jouets s’entrechoquent dans une bouffée de fumée rose dans un ciel marbré bleu et orange ; le top model soudanais Alek Wek se tient dans une robe rose shocking devant des maisons de banlieue mornes ; Angelina Jolie dans un lit de tulipes.
LaChapelle-land, comme il a intitulé l’un de ses premiers livres, est fait de couleurs vives et joyeuses, et de scènes surréalistes. Pour obtenir l’effet le plus percutant, LaChapelle a commencé par peindre à la main ses négatifs et les assembler ; aujourd’hui, avec la panoplie d’outils numériques disponibles, il ne dépend plus de la manipulation physique analogique.
Mais quel que soit le support utilisé, il a toujours repoussé les limites pour créer des scènes fantastiques et des chocs de couleurs.
Bien sûr, « Make Believe » est saturé de la carte de visite de David LaChapelle : le portrait de célébrités. Une pièce de 2,5 mètres de haut et de 3,5 mètres de large rassemble près de 15 photographies d’icônes de la culture pop des années 1990 à aujourd’hui, dont Lady Gaga, Tupac Shakur, Madonna, Travis Scott, Dua Lipa, Eminem et bien d’autres.
Mais malgré l’accent mis par la culture sur le culte des célébrités, et le rôle que LaChapelle y joue, il maintient que ses croyances religieuses l’ont empêché de tomber dans le puits sombre de la chasse à la célébrité : « Ma profession m’a conduit à travailler dans la culture populaire et les thèmes séculiers », déclare t-il dans un communiqué.
« Au fil du temps, j’ai commencé à remarquer que ma foi en Dieu me permettait de rester ancré dans mes luttes personnelles, tandis que le monde de la culture populaire se détournait de la religion et se concentrait davantage sur la célébrité, la richesse et l’individualisme… Je ressens la responsabilité d’apporter la lumière dans le monde et de créer des images qui peuvent élever et servir l’humanité. Qu’elles soient laïques ou religieuses, mes images font partie de la même expérience et de la même perspective évolutive. »
« David LaChapelle : Make Believe », Fotografiska New York, du 9 septembre 2022 au 9 janvier 2023.