Cela fait plus de 100 jours que la guerre en Ukraine a commencé le 24 février. Selon les données du UNHCR, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés, plus de 5 millions d’Ukrainiens ont fui à travers l’Europe pour échapper aux combats. Et leur nombre ne cesse d’augmenter. Plus de 500 000 d’entre eux ont traversé la frontière en Slovaquie et près de 80 000 se sont enregistrés pour une protection temporaire dans le pays.
Banská Štiavnica, l’une des villes où les réfugiés sont arrivés, se trouve au centre de la Slovaquie. C’est une ancienne cité minière d’environ 10 000 habitants, dont les fortunes passées provenaient de l’argent et de l’or sortis des mines alentours. Les gisements, exploités depuis le IIIe siècle avant J.-C., sont mentionnés par des auteurs romains. Ces métaux précieux sont le résultat de l’effondrement d’un ancien volcan, qui a créé une caldeira à l’intérieur de laquelle se trouve la ville.
Au fil des siècles, Banská Štiavnica s’est développée, et présente aujourd’hui une combinaison d’architectures médiévale, baroque et renaissance, avec de belles places et des vestiges de son passé minier. Maintenant que les ressources sont épuisées, la population compte sur le tourisme et les loisirs pour maintenir l’activité économique.
Dans cette cité où il fait bon vivre, des Ukrainiens ont trouvé refuge. Et ses habitants ont accueilli à bras ouverts les nouveaux venus, environ 150 personnes jusqu’à présent. La ville s’efforce de les aider et de les intégrer à la vie de Banská Štiavnica.
Le photographe Ismail Ferdous, envoyé spécial de Blind, a passé du temps à Banská Štiavnica pour documenter le quotidien des Ukrainiens et de leurs hôtes qui s’efforcent de les aider dans leur nouvelle vie.
Le gouvernement de Banská Štiavnica a mis en place un programme d’intégration avec, à la tête du comité d’organisation, Martin Macharik, également membre du parlement de la ville.
Le processus d’intégration se fait grâce à une organisation non gouvernementale dirigée par Monsieur Macharik, entre autres personnalités. La municipalité alloue un petit pécule à chaque famille, 20 à 40 euros, ainsi que de la nourriture et des vêtements. L’ONG assiste également dans la recherche d’un logement et veille à la scolarisation des enfants. Une aide est apportée aux réfugiés pour changer leur devise ukrainienne en euros afin qu’ils puissent faire leurs courses.
« J’ai une double position : en tant que membre du parlement de la ville, je soutiens les activités de la municipalité, mais je suis surtout impliqué en tant que responsable de l’ONG, via laquelle se déroule la majeure partie du processus d’intégration. Nous avons ouvert un « foyer d’intégration » et nous organisons des activités : cours de slovaque et d’anglais, forums pour l’emploi, excursions dans la ville, animations pour les enfants et un club de couture pour les femmes âgées. »
C’est un travail de tous les jours qui tient monsieur Macharik et son équipe occupés sans relâche.
« Il y a tellement de tâches à accomplir que nous avons maintenant un responsable à plein temps pour ce foyer. Nous nous occupons du logement, de la scolarisation, et même des soins. Pas plus tard qu’hier, nous avons fait hospitaliser une femme à l’hôpital qui devait être opérée. Sans aide de l’État ni de la municipalité. Nous avons réglé les frais avec les fonds de notre ONG et les dons de nos soutiens. »
Si l’État finance l’hébergement des réfugiés et fournit 60 euros par personne et par mois en guise d’aide sociale, l’ONG gérée par la ville, fonctionne grâce à des bénévoles.
Dans cette cité touristique qu’est Banská Štiavnica, il existe de nombreux logements où les réfugiés peuvent séjourner en basse saison. Mais comme beaucoup de ces logements sont réservés pour les mois de juillet et d’août, certaines familles sont installées dans des dortoirs de lycée, vides pendant les vacances scolaires. Ils ont également eu la chance de trouver des propriétaires d’immeubles prêts à les accueillir dans des appartements vacants. Beaucoup de ces logements ne sont pas meublés, et l’ONG se charge alors d’y remédier.
« Nous avons aussi lancé une page et un groupe Facebook, où les réfugiés peuvent trouver toutes sortes d’informations utiles, telles des propositions de logement ou des offres d’emploi. Nous avons organisé un grand barbecue d’intégration pour les Ukrainiens, ainsi qu’un festival d’artisanat traditionnel où ils auront un stand afin de présenter leurs produits. De nombreuses familles font également plus que de l’accueil. Elles s’impliquent dans le soutien psychologique et financier. »
Entre 50 et 60 élèves fréquentent les écoles locales, et certains suivent également un enseignement en ligne. Le foyer d’intégration propose 4 cours de slovaque par semaine, et autant d’anglais, afin de faciliter l’adaptation des élèves à leur nouvel environnement.
Certains réfugiés aident leur compatriotes restés en Ukraine, étant eux-mêmes soutenus à Banská Štiavnica.
Anastasia, une professeur d’anglais, dirigeait avant la guerre une école à Kharkiv, avec sa mère Iryna. Elle donne aujourd’hui des cours d’anglais en ligne à ses élèves dispersés dans toute l’Ukraine et dont certains se cachent dans des abris. Elle avait environ 180 élèves, mais ils ne sont plus qu’une quarantaine aujourd’hui, soit environ un cinquième de ses effectifs. Elle n’a aucune idée de l’endroit où se trouvent ceux qui ont disparu, ni s’ils sont en sécurité.
« Je me demande ce que je dois faire, dit-elle. D’abord, bien sûr, je vais attendre quelques jours. Puis j’enverrai un message à leurs parents. Sans réponse de leur part au bout d’un, deux, ou trois jours, je ne sais pas comment je l’annoncerai aux autres élèves du groupe. »
Anastasia a reçu des nouvelles de certains absents. « Ils m’envoient des messages du type : ‘Désolé, nous connaissons actuellement une situation très difficile. Sans Internet. Nous sommes quelque part dans un village reculé. Tous les ponts ont été détruits autour de nous. Nous ne pouvons aller nulle part.’ »
Alors que la guerre continue de faire rage, les Ukrainiens qui ont réussi à gagner Banská Štiavnica tentent d’y prendre un nouveau départ, considérant la ville comme leur nouveau foyer, avec l’aide d’habitants qui font tout ce qui est en leur pouvoir. Ce soutien permet à certains réfugiés de retraverser la frontière afin d’aider à leur tour leurs compatriotes qui ne peuvent fuir le conflit.