Larry Clark naît en 1943 à Tulsa, dans l’Oklahoma, où il plonge dans la photographie dès son plus jeune âge. Sa mère, photographe de bébés, l’initie au métier alors qu’il n’a que 13 ans. Mais l’innocence ne dure pas.
En 1962, à 16 ans, Larry Clark et ses amis commencent à consommer du Valo, un inhalateur nasal vendu en pharmacie et contenant une forte dose d’amphétamine. Il quitte l’Oklahoma pour étudier la photographie, puis sert deux ans dans l’armée américaine durant la guerre au Vietnam. Il revient ensuite à Tulsa.
« Je me suis drogué avec mes amis chaque jour pendant trois ans avant de quitter la ville, mais j’y suis retourné au fil des années », écrit-il dans Tulsa, son ouvrage publié en 1971 et acclamé par la critique. « Une fois que l’aiguille entre, elle ne ressort jamais. »
De retour chez lui à l’âge de 20 ans, Clark passe des amphétamines à l’héroïne.
Les photographies brutes, granuleuses et en noir et blanc qu’il réalise alors révèlent une facette de l’Amérique que peu soupçonnent à l’époque. Ces jeunes gens portent les vêtements et les coiffures de leur époque, et pourraient être n’importe qui: des voisins, les clients du supermarché ou les spectateurs du cinéma d’à côté.
Mais ils sont toxicomanes. Et ce sont les amis de Larry Clark. On y voit des seringues, en nombre, lorsque ces jeunes gens s’injectent la drogue eux-mêmes ou qu’ils l’injectent aux autres. Des scènes intimes, presque clandestines, mais possédant une étrange beauté. Un regard intrusif sur l’addiction, que peu ont l’occasion de voir de si près.
« J’ai toujours été fasciné par les petits groupes de marginaux dont personne ne parle. J’ai photographié mes amis sur une période de 10 ans, dans ce monde caché qu’aucun autre photographe n’aurait pu documenter, à moins d’en faire partie lui-même », explique Larry Clark. « On nous voit de l’adolescence à la vingtaine, on voit tout ce qui change, et comment nous changeons. Il n’est pas question de drogues à cette époque, tout doit être tarte aux pommes et barrières blanches. Quand j’ai commencé ces images, je me suis demandé : “Pourquoi ne pourrait-on pas tout montrer ?” »
Aucun texte n’accompagne les images dans Return. Les photographies se suffisent à elles-mêmes, livrées au spectateur. Elles n’ont pas besoin d’explication : elles dévoilent une jeunesse prise au piège d’un cercle vicieux, où l’addiction prend le pas sur tout le reste.
Et, d’une certaine manière, ces images résonnent avec l’épidémie d’opioïdes qui ravage l’Amérique aujourd’hui. Les drogués se ressemblent, qu’importe l’époque et la classe sociale. Ils pourraient être n’importe qui.
Ces jeunes femmes et hommes ne correspondent pas à l’image stéréotypée du toxicomane. Ils sont des visages familiers, des anonymes que l’on croise chaque jour sans rien soupçonner. Mais la dépendance est là. Les aiguilles continuent de s’enfoncer dans la chair. Et les vies, elles, en sont irrémédiablement bouleversées.
Return de Larry Clark est publié par Stanley/Barker et est disponible au prix de 75€.