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Les visages de nacre de Man Ray

Blind retrace le parcours du photographe dans le milieu de la mode au cœur des années 1920, avec une jolie galerie de muses et modèles.

Il est des atmosphères qui nourrissent un travail et le perfectionnent, qui lui permettent d’être dans l’expérimentation tout en le confortant. Tel est sans doute le rôle que le monde de la mode a joué sur le jeune créateur qu’est Man Ray dans les années de l’après Première Guerre mondiale. L’artiste – de son vrai nom Emmanuel Radnitzky – va se forger rapidement une réputation dans ce milieu peuplé d’esthètes et de grandes fortunes. 

Une rampe de lancement tout autant qu’un matelas confortable face à la misère qui frappe alors fréquemment les artistes. « Le monde de la mode lui a permis de mettre en place son dispositif opératoire », estime Claude Miglietti, commissaire de l’exposition, qui insiste sur la place laissée au surréalisme à cette époque. 


Elsa Schiaparelli, vers 1934, Tirage original © Man Ray

Sans titre, vers 1935. Tirage original retouché © Man Ray

Lee Miller

C’est en juillet 1921 que le jeune homme quitte New York et vient s’installer à Paris. Sur les conseils du couturier Paul Poiret, il se met à travailler pour différentes revues de mode comme VogueVanity Fair et même le magazine américain Harper’s Bazaar. Il réalise principalement des portraits de modèles célèbres à ce moment-là, tels Peggy Guggenheim ou Kiki de Montparnasse. Cette dernière sera un temps son amante. 

« Man Ray aimait les femmes et aimait s’entourer de proches dans son travail », détaille Claude Miglietti qui indique que la photographe Lee Miller, qui aura été le modèle et la muse de Man Ray, l’aidait à tirer ses photographies. « Il y avait à ce moment-là une porosité entre l’art, la mode et les personnes qui travaillaient avec lui », explique la commissaire de l’exposition. 


Buste coupé pour Harper’s Bazaar, 1936. Tirage original © Man Ray

Douceur

Pour réaliser ce qu’on pourrait nommer des « visages de nacre » en référence au titre d’une photographie qu’il a réalisée et intitulée de cette façon, le photographe qu’est Man Ray laisse une distance importante entre le modèle et lui lors des prises de vue. Ce « vide » entre le sujet photographié et lui permet de diminuer la présence autoritaire de l’appareil photo et de laisser davantage le caractère du sujet s’exprimer. 

« Regardez ses négatifs », lance Claude Miglietti, « ils montrent bien la distance qu’il a avec le sujet et comment il a recadré ses photographies ». De fait, bien qu’il photographiait de loin, Man Ray aimait ensuite recadrer ses clichés et ainsi agrandir à l’envi le visage d’un modèle. « Avec ce procédé, plus il agrandit, plus la netteté de l’image s’évapore », explique la commissaire. D’où la douceur qui règne dans l’image de ces femmes, comme si elles étaient caressées par l’objectif, enveloppées par un léger voile qui dissipe la crudité de la chair. 


Photographie de mode, surimpression vers 1935 © Man Ray

Elsa Schiaparelli, vers 1933. Tirage original © Man Ray

Bijoux 

En plus de cette approche singulière, Man Ray a réussi, même dans le milieu de la mode, à expérimenter le médium sous toutes ses coutures. Solarisation, inversion négative, découpage, superposition…  Il s’est servi de différentes commandes pour pousser l’image dans ses retranchements, tenter des formes et des couleurs innovantes. À ce titre, le visiteur pourra s’étonner et s’amuser d’une technique de recadrage qu’aimait utiliser l’artiste et qui est présentée dans l’exposition : plier un tirage jusqu’à trouver le bon cadre – sorte de jeu facétieux qui oblige à manipuler de ses mains une photographie. 

L’exposition se penche aussi sur les autres domaines explorés par Man Ray, comme la réalisation de bijoux – de très belles boucles d’oreilles sont présentées – ou l’invention d’objets surréalistes. Il y a ce fer à repasser que l’artiste a recouvert, sur la tranche, de clous. Pour la répétition d’un film, il proposera à une danseuse ayant déchiré sa robe de la repasser avec ce fer, faisant naître ainsi une robe en lambeaux. La subversion surréaliste au service d’un imaginaire lié au monde de la mode. Man Ray, en quelques mots… 


Marie-Laure de Noailles costumée, 1928 © Man Ray

Photographie de mode, vers 1935. Tirage original © Man Ray

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