En observant le travail de Niki Boon, on a le sentiment d’un chat sauvage prêt à bondir. La photographe vit avec sa famille en Nouvelle Zélande, coupée du monde, dans une ferme de quatre hectares où elle a toute liberté de réaliser de magnifiques images de ses enfants.
Utilisant l’appareil photo le plus simple qui soit, Niki nous guide dans son monde idyllique à travers des images classiques en noir et blanc, prises par temps nuageux ou entre chien et loup. La saleté, la sueur et la nature environnante sont essentiels dans ces images. Sans les contraintes sociales de l’école, ces enfants des bois vivent pleinement une vie unique, tandis que Maman s’éclipse à l’arrière-plan, le visage caché par son appareil, avec la volonté de laisser faire les choses.
Comme le dit le photographe américain George Lange, « Niki prend des photos qui sont à la fois parfaitement lisibles et totalement mystérieuses. C’est surréaliste et tout à fait honnête. Ses images rappellent un peu Eugene Meatyard et Eugene Richards, mais elles ont leur propre esprit ». Devant ces images de l’enfance, on éprouve un sentiment profond de temps suspendu, comme si l’on avait accès à un secret bien gardé.
Et c’est peut-être ainsi que la photographie peut dépasser ses limites et toucher notre subconscient. Mais lorsqu’on écoute ses podcasts ou que l’on lit ses interviews, on est convaincu que cette femme – une enfant de la nature, avide de voyager – a autre chose en tête que nous faire retrouver, grâce à la simple mécanique d’une caméra, notre propre enfance oubliée. Le quotidien des enfants de Boon est fait, à parts égales, d’émerveillement et de découverte : créant des univers à partir d’un simple tuyau d’arrosage, chaussés uniquement d’une paire de bottes, c’est l’enfance par excellence qu’ils représentent.
Avec leurs bras, leurs jambes, les enfants de Boon dessinent un univers alternatif, un lieu hors du temps où le froid, le vent et la pluie ne font qu’ajouter au sentiment qu’a le spectateur de flotter dans un rêve. On peut facilement imaginer Niki se libérant de ses responsabilités de mère, le bruit de la porte moustiquaire claquant derrière elle tandis qu’elle s’apprête à suivre ses enfants pour les photographier dans le feu de l’action. Lorsqu’on l’interroge sur le pourquoi du noir et blanc, Boon répond : « J’ai choisi d’utiliser le noir et blanc car je pense qu’il décrit au mieux leur histoire. Je crois vraiment qu’il y a une magie dans les images en noir et blanc, quelque chose qu’il m’est impossible d’expliquer. J’aime la magie, la mystique de l’ombre et de la lumière. »
Le thème et l’esprit de ces images sont similaires à ceux de Sally Mann (une autre chroniqueuse des fugitives enfances vécues au sein de la nature), mais la comparaison s’arrête là, en ce que Nikki Boon ne se soucie pas de mise en scène et d’élégance comme le fait, d’une certaine manière, Sally Mann. Le choix de moments où ses enfants reflètent, avec précision, ce dont la plupart des enfants ne font que rêver, contribue subtilement mais efficacement à la puissance et à l’honnêteté qui se dégage du travail de Boon. Au fil des images, le spectateur se sent presque participer à cette vie de famille unique, dans un univers autre.
Ayant grandi elle-même dans une vaste ferme, Boon a transmis la magie de cette expérience à ses quatre bambins, qui reflètent sa propre vision d’une enfance édénique. Peut-être qu’un appareil photo, mis entre les mains d’une psychothérapeute sensible, désireuse de laisser les choses suivre leur cours, est le meilleur outil pour rendre hommage à l’enfance.
Comme le dit la photographe australienne Zoe Gemelli, « Niki Boon est le Jack Kerouac de la photographie. Son art est palpable, rude, évocateur, vulnérable. Il y a des genoux éraflés, des fleurs piétinées, des personnages souffrants, tout l’éventail de l’humanité. C’est une esthétique aventureuse et cinématographique, avec des noirs profonds qui vous emportent, des contrastes à couper le souffle. C’est une histoire d’amour pleine d’ecchymoses, c’est l’intimité de moments belliqueux envahis par une tendresse troublante. C’est un mélange enthousiaste de panache et de saleté, qui dégoûte et émerveille à la fois. »
Découvrez le reste du travail de Niki Boon sur son site.