Dès 1936 LIFE s’impose comme « le plus grand diaporama sur terre » selon son fondateur Henry Luce. Premier magazine à être véritablement axé sur la photographie, il offre une place de choix aux reportages des plus grands journalistes internationaux.
Primauté de l’image sur le texte
Rester fidèle à l’image, LIFE en a fait la promesse. Précurseur, le magazine propose une recette puissante : des photographies doublées de séquences narratives prenantes. Le récit s’accompagne invariablement d’images fortes et les photographies apparaissent en grand format. Symboliques ou représentatives, elles renforcent ou contredisent les points essentiels de l’article. Son style informel et instantané donne une impression de proximité et d’authenticité. Transcendant le photojournalisme, les photos de LIFE parlent du monde et surtout au monde.
Entre joie, regret, horreur ou tristesse, la société américaine découvre le pouvoir émotionnel des images. Pour Bill Shapiro, ancien rédacteur en chef du magazine, la photo intitulée Reaching Out de Larry Burrows témoigne de cet « esprit LIFE ». Datant de la guerre du Vietnam, on y voit un soldat blessé tendre la main à un camarade au sol. « On dirait presque une scène de la Bible, vu la façon dont elle est tournée. C’est si immédiat. Larry Burrows était si proche de l’action qu’il a dû prendre cette photo instantanément. Mais ce qu’il a capturé, c’est quelque chose qui restera dans votre cœur. Vous avez l’impression d’être dans la photo. C’est magnifiquement composé. »
Une ouverture au monde
LIFE s’impose comme la référence absolue du photojournalisme dans le monde. Durant presque un siècle, les reporters américains sillonnent les quatre coins de la planète et marquent des générations. Margaret Bourke-White, Alfred Eisenstaedt, Andreas Feininger, Gordon Parks, ou encore Nina Leen…nombreux sont ceux qui inspirent des vocations. La vente accorde d’ailleurs une place de choix aux images de Pierre Boulat, l’un des très rares photographes français à faire partie de l’équipe du magazine à New York.
L’utilisation des images par le magazine façonne l’idée moderne de la photographie aux Etats-Unis. Dans les boîtes aux lettres ou dans les kiosques à journaux, les Américains peuvent désormais voir les nouvelles, voir le monde, plutôt que de simplement le lire. Selon Bill Shapiro, cette prédominance de l’image a profondément changé la société : « Je crois qu’il est plus difficile de comprendre la souffrance de quelqu’un d’autre avant de la voir. Lorsque vous voyez des photos qui montrent, comme celles de Mary Ellen Mark, une famille sans abri vivant dans sa voiture, vous ressentez quelque chose. Lorsque vous voyez la photographie de Goebbels assis dans son fauteuil, par Alfred Eisenstaedt, vous percevez ce à quoi ressemble le mal. »
Le miroir d’une génération
Sur le papier et dans les mémoires, LIFE fige le temps qui passe. La façon dont ses images mythiques s’ancrent dans nos cerveaux est celle dont nous nous souvenons de l’histoire aujourd’hui. Avec plus de 10 millions d’images dans plus de 100 000 reportages, le magazine détient l’un des plus grands fonds photographique au monde et assure un rôle de mémoire visuelle de la société américaine du 20ème siècle.
Malgré son immense succès, la fin des années 1960 annonce aussi la fin de l’âge d’or de LIFE. La télévision se popularise, renforçant la proximité et l’immédiateté. Le magazine n’a plus l’exclusivité de la première perspective visuelle sur le monde, ce qui faisait anciennement sa réussite. N’offrant plus le meilleur moyen d’atteindre l’ensemble de la population, son lectorat décline. Comme l’affirme Bill Shapiro: « Ce qui a tué LIFE, c’est ce qui lui a donné vie. » Toutefois, l’essor du numérique n’enlève rien à l’héritage de LIFE. Annie Boulat, fondatrice de l’agence de presse Cosmos et épouse du photographe Pierre Boulat, défend la pérennité de la photographie : « L’image ne défile pas, elle est fixe, c’est beaucoup plus fort qu’un film. »
Entre art et histoire
Festival de Woodstock, Jeux Olympiques, conquête spatiale, Grande Guerre… Le magazine couvre tous les grands événements. Ce 22 septembre, collectionneurs et passionnés de l’autre côté de l’Atlantique pourront acquérir ces pièces mythiques de l’histoire du photojournalisme. La maison Cornette de Saint Cyr propose près de 200 lots de tirages extraits des archives du célèbre magazine. Aujourd’hui vendues aux enchères, les photos de LIFE ont acquis une valeur artistique. La plupart d’entre elles ont pourtant été prises pour capturer l’instant et n’avaient pas vocation à être exposées et encadrées. Le temps transforme les images en des témoignages vivants. Précieux vestiges du passé, les « Golden Years » de LIFE valent de l’or.
« The Golden Years of LIFE », Vente le 22 septembre 2022 à 18h30, Bonhams Cornette de Saint-Cyr, 6 avenue Hoche, 75008 Paris