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Louis Faurer, le guetteur de New York

Sous le titre « Le guetteur mélancolique », la galerie Les Douches présente une vingtaine de tirages de Louis Faurer autour de son travail réalisé entre les années 1937 et 1950, principalement dans les rues de New York. La quintessence de son œuvre.

Sensible, singulier, les adjectifs ne manquent pas pour qualifier ce qui fait la spécificité du regard de Louis Faurer. Né en 1916 à Philadelphie, il demeure moins connu en France que Helen Levitt, Robert Frank ou William Klein qui ont eux aussi œuvré dans la rue. La vingtaine de tirages présentés à la galerie Les Douches permet de prendre la mesure de ce talent qui a lui aussi contribué à donner ses lettres de noblesse à la street photography, qui au fil des décennies s’est imposée comme un genre à part entière.

La rencontre de Louis Faurer avec New York – où il s’installe en 1947 – est décisive, aussi bien sur le plan émotionnel que photographique. « Les années 1946 à 1951 furent importantes. J’ai photographié presque chaque jour, et la lumière hypnotique du crépuscule me conduisait dans Times Square. Mon mode de vie était de photographier le soir dans le quartier et de développer et tirer mes photos dans la chambre noire de Robert Frank. Il s’exclamait : Whatta town, Whatta town !’ »*, raconte-t-il.

Louis Faurer, Autoportrait, 42nd Street and 3rd Avenue El Station Looking Toward Tudor City, New York, 1947. © Propriété de Louis Faurer, avec l’aimable courtoisie de la galerie Howard Greenberg et celle de la galerie les Douches, Paris
Autoportrait entre la 42ème rue et la 3ème avenue El Station regardant vers Tudor City, New York, 1947. © Propriété de Louis Faurer, avec l’aimable courtoisie de la galerie Howard Greenberg et celle de la galerie les Douches, Paris

C’est en effet à New York que Louis Faurer se lie d’amitié avec le Suisse qui vient lui aussi d’arriver dans la ville. Ce dernier n’est pas encore le photographe reconnu qu’on montre en exemple aujourd’hui : il ne prendra la route qu’en 1955 et son livre fondateur, Les Américains, ne verra le jour qu’en 1958. Les deux hommes se lient d’amitié et doivent assurément échanger autour de leur pratique, marginale à l’époque, loin du reportage, et laissant une grande place à la subjectivité, jouant sur les flous, flirtant souvent avec l’abstraction. 

C’est à New York que Louis Faurer va réaliser ses œuvres majeures, un corpus qu’il considère lui-même comme un travail personnel, s’étant affranchi de la contrainte de la commande. Il choisit en effet de préserver sa liberté de création en gagnant sa vie dans la mode. Recruté par Lilian Bassman, alors directrice artistique de Junior Bazaar, il travaillera par la suite pour les prestigieux Flair, Harper’s Bazaar, Glamour ou encore Mademoiselle. « J’ai goûté et accepté les propositions des années 1950 et 1960. Life, Cowles Publications, Hearst et Conde Nast m’ont permis de poursuivre mon travail personnel ».

Louis Faurer, décapotable à Broadway, New York, NY, 1949-50. © Propriété de Louis Faurer, avec l'aimable courtoisie de la galerie Deborah Bell, et celle de la galerie les Douches, Paris
Décapotable à Broadway, New York, 1949-50. © Propriété de Louis Faurer, avec l’aimable courtoisie de la galerie Deborah Bell, et celle de la galerie les Douches, Paris

Fasciné par New York, Louis Faurer propose une vision fantasmagorique de la ville, jouant sur les ombres et les reflets, enchevêtrant les architectures dans des compositions complexes où il est bien souvent difficile de distinguer le réel de l’illusion. Un style audacieux dont l’objectif n’est pas de retranscrire fidèlement le réel mais de saisir des sensations et des ambiances. Également un point de vue éloigné de celui des humanistes qui marquent la production photographique de l’autre côté de l’Atlantique dans ces mêmes années. 

Car si comme ses contemporains européens son lieu de prédilection est la rue, contrairement à eux, Louis Faurer n’est pas à l’affût de l’anecdote ou de l’image haute en couleur. Et si comme eux l’humain est au cœur de son travail, lui, capte les foules arpentant le bitume, les sourires d’un groupe d’amis réunis dans une décapotable sur Broadway, les silhouettes en ombre chinoise de manœuvres inscrivant les lettres d’un cinéma… Des arrêts sur image du cours de l’existence, des moments de vie échappant à notre attention au présent. A sa manière, Louis Faurer nous rappelle la valeur de la photographie, sa capacité à arrêter le temps et à figer la vie.

Louis Faurer, Park Avenue Garage, New York, 1950. © Propriété de Louis Faurer, avec l’aimable courtoisie de la galerie Deborah Bell et celle de la galerie les Douches, Paris
Park Avenue Garage, New York, 1950. © Propriété de Louis Faurer, avec l’aimable courtoisie de la galerie Deborah Bell et celle de la galerie les Douches, Paris
Louis Faurer, El on Third Avenue, New York CIty, 1942. © Propriété de Louis Faurer, avec l'aimable courtoisie de la galerie Deborah Bell, et celle de la galerie les Douches, Paris
El sur la 3ème avenue, New York, 1942. © Propriété de Louis Faurer, avec l’aimable courtoisie de la galerie Deborah Bell, et celle de la galerie les Douches, Paris

Ses images montrent une Amérique qui n’existe plus aujourd’hui, lui confèrent une valeur documentaire indéniable. Pour autant, elles ne sont pas empreintes de nostalgie car elles saisissent des instants de vie universels et intemporels. Et même parfois des moments de grâce, comme cet échange de regard plein d’émotion entre un homme et une femme. Son travail est plutôt mélancolique pour reprendre le titre de l’exposition. La magie des images de Faurer doit beaucoup à son noir et blanc charbonneux et à sa maîtrise de la composition. Mais aussi au fait qu’il photographie à la tombée de la nuit.

Louis Faurer, Ideal Cinema, Philadelphia, Pa., 1937. © Estate of Louis Faurer, avec l'aimable courtoisie de la galerie Howard Greenberg et celle de la galerie les Douches, Paris
Ideal Cinema, Philadelphie, 1937. © Propriété de Louis Faurer, avec l’aimable courtoisie de la galerie Howard Greenberg et celle de la galerie les Douches, Paris

« Louis Faurer : Le guetteur mélancolique », jusqu’au 29 octobre 2022. Parallèlement, Les Douches la Galerie présente une exposition de Frank Horvat, intitulée « L’imprévisible ».

* Texte extrait du catalogue publié à l’occasion de l’exposition à la Fondation Henri Cartier-Bresson, « Louis Faurer », éditions Steidl, 2016.

Louis Faurer, Sourds-muets, New York, NY, 1950. © Propriété de Louis Faurer, avec l’aimable courtoisie de la galerie Howard Greenberg, et celle de la galerie des Douches, Paris
Sourds-muets, New York, 1950. © Propriété de Louis Faurer, avec l’aimable courtoisie de la galerie Howard Greenberg, et celle de la galerie des Douches, Paris

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