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Manuel Álvarez Bravo, photographe et tireur d’exception 

Une exposition rend hommage au maître de la photographie mexicaine.
Manuel Álvarez Bravo
Manuel Álvarez Bravo. El ensueño, 1931. © Manuel Álvarez Bravo, avec l’aimable autorisation de l’artiste et de la Galerie des photographes.

« Je pense que la philosophie d’un artiste visuel se développe beaucoup plus librement que celle d’un écrivain ou d’un penseur. Elle n’est pas aussi disciplinée. Le photographe travaille à la fois avec ses yeux et son esprit », expliquait Manuel Álvarez Bravo (1902-2002), le maître mexicain de la photographie.

Ce qui passe souvent inaperçu, c’est la main de l’artiste qui se révèle dans la chambre noire. L’exposition « Manuel Álvarez Bravo : Everyday Theatre » rassemble des tirages rares qui révèlent les exquises nuances de son travail. 

Le photographe, en grande partie autodidacte, privilégiait le tirage au platine, technique à laquelle Tina Modotti l’a initié en 1928, se délectant de la précision tonale de ce procédé complexe. En raison de la difficulté à se procurer les matériaux nécessaires, Álvarez Bravo n’a pas été en mesure d’employer cette technique pendant la majeure partie de sa carrière. Ce n’est que dans les années 1970 qu’il pourra s’y remettre, et y restera attaché jusqu’à la fin de sa vie.

Manuel Álvarez Bravo
Manuel Álvarez Bravo. Ensayo de danza, années 1920. © Manuel Álvarez Bravo, avec l’aimable autorisation de l’artiste et de la galerie des photographes.

Un moment révolutionnaire

Manuel Álvarez Bravo commence à tirer ses œuvres au début de sa carrière, à la toute fin de la Révolution mexicaine, période connue sous le nom de Renaissance mexicaine. « Lorsque tout jeune j’ai pris un appareil photo, je suis tombé en admiration face à cette incroyable invention. Cette technologie offrait un moyen d’expression jusqu’alors insoupçonnable », confesse-t-il au New York Times en 2001, alors âgé de 99 ans.  

Inspiré par le travail d’Eugène Atget, qui documenta le Paris en mutation du début des années 1900, Álvarez Bravo se sert de la photographie pour explorer et découvrir le paysage en constante évolution de sa ville natale, Mexico. Très vite, il cherche l’inspiration dans la tradition. « Avant la Conquête, l’art était celui du peuple, et l’art populaire n’a jamais cessé d’exister au Mexique », écrit Álvarez Bravo.

Manuel Álvarez Bravo
Manuel Álvarez Bravo. Frida Kahlo con globo, 1938. © Manuel Álvarez Bravo, avec l’aimable autorisation de l’artiste et de la galerie des photographes.

En 1929, il commence à enseigner la photographie à l’Escuela Central de Artes Plasticas, dont Diego Rivera est le directeur, puis au magazine Mexican Folkways, où il rencontre les peintres David Alfaro Siqueiros et Jose Clement Orozco. Ces artistes, ainsi que Rivera et Frida Kahlo, propulsent le muralisme mexicain au premier plan de l’art moderne. Álvarez Bravo devient un acteur important de l’art, de la culture et de l’identité mexicains sur la scène internationale. S’il prend soin d’éviter l’approche politique de ses contemporains, il embrasse néanmoins les influences indigènes de son pays natal, ce qui est en soi un acte politique.

« L’art au Mexique n’est pas préhispanique, c’est un art du présent », déclare t-il au New York Times en 1993. N’étant plus redevables de l’iconographie coloniale espagnole, Álvarez Bravo et ses contemporains sont libres d’explorer et de mélanger des aspects des archétypes indigènes, des thèmes sociaux, des expérimentations surréalistes et le formalisme moderniste pour accoucher d’un langage visuel tout à fait inédit.

Beauté, poésie et mystère

« Photographiez ce que vous voyez, pas ce que vous pensez. La philosophie d’un photographe devrait être de ne pas en avoir », dit alors Manuel Álvarez Bravo à ses étudiants. Álvarez Bravo a exploré tous les procédés photographiques et les techniques graphiques, faisant fi des frontières imposées par les tenants de la compartimentation du processus artistique.

Manuel Álvarez Bravo
Manuel Álvarez Bravo. El umbral, c.1933. © Manuel Álvarez Bravo, courtesy of the artist and the photographers’ Gallery.

Álvarez Bravo en fera une philosophie de l’existence. « Le maestro, comme on l’appelle, travaille aussi aujourd’hui, même s’il n’est pas toujours possible de dire où s’arrête le travail et où commencent le reste », a écrit Tim Golden après une visite au studio du photographe en 1993. « A l’instar de ses images, M. Alvarez Bravo semble inviter et résister à l’interprétation en même temps. » 

Peut-être parce que l’artiste considérait que son travail était « plus lié à l’art et à la vie mexicaine qu’aux traditions photographiques ». Une position qui résiste par nature à la cooptation. Ses images énigmatiques, riches en symboles et en métaphores, témoignent de l’amour de l’artiste pour la beauté, la poésie et le mystère de son Mexique natal.  « Quand quelque chose vous pousse à faire une image, toute votre vie participe du processus », expliquait Álvarez Bravo. « Tout est influence. Et c’est très bien comme ça. »

« Manuel Álvarez Bravo : Everyday Theatre » est présenté à la Photographers’ Gallery, à Londres, jusqu’au 22 mai 2022.

Manuel Álvarez Bravo
Manuel Álvarez Bravo. Espejo negro, 1947. © Manuel Álvarez Bravo, avec l’aimable autorisation de l’artiste et de la galerie des photographes.

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