En 2004, Michele McNally rejoint le Times comme directrice de la photographie, devenant ainsi la première directrice photo de l’histoire du journal à figurer dans l’ours. « Au cours de sa première année au journal…. elle nous a mis au défi d’examiner toutes les possibilités offertes par la photographie, d’être moins conventionnels dans nos choix et notre utilisation des images, d’ouvrir nos yeux et notre esprit », écrit Bill Keller, alors rédacteur en chef, dans une note annonçant la promotion de McNally au poste de directeur adjoint de la rédaction en 2005.
« Elle fut une personnalité qui a fait évoluer le photojournalisme », déclare Dean Baquet, actuel rédacteur en chef du Times. « Elle est arrivée dans des salles de rédaction où la photographie avait été reléguée au second plan pendant trop longtemps, et l’a propulsée sur le devant de la scène. »
Pendant les 14 années au cours desquelles McNally a œuvré à ce poste, le journal américain a remporté 6 prix Pulitzer pour la photographie, ainsi que des prix George M. Polk, des distinctions de l’Overseas Press Club, des Emmys et d’autres récompenses dans le domaine de la photographie. Rien qu’en 2014, le Times a raflé les prix Pulitzer, le prix de la Photographie d’actualité ayant été décerné à Tyler Hicks pour sa couverture d’une attaque terroriste meurtrière dans un centre commercial de Nairobi, et le prix de la Photographie de Reportage à John Haner pour son travail documentant le processus de rétablissement d’un survivant de l’attentat du marathon de Boston.
« Pour moi, c’est le symbole de ce que nous faisons globalement au journal : le meilleur du reportage à l’étranger et le meilleur de notre entreprise », déclarait M. McNally dans le Lens Blog du Times. « C’est la reconnaissance que notre photojournalisme est à la hauteur de la qualité des reportages du New York Times, qui sont les meilleurs du monde. »
Une puissance décisive
Dès ses débuts, Michele McNally s’engage à élever le photojournalisme au même niveau que celui des écrivains et des journalistes du New York Times. Elle comprend que les images peuvent à la fois attirer les lecteurs et raconter des histoires, ce qui fera d’elle un élément central du journal et de son site internet qui est alors en plein essor. Dans un article du Times de 2006, répondant aux questions des lecteurs, McNally reconnait les possibilités offertes par les médias numériques au moment même où ils prennent de l’ampleur. « Il y a chaque jour de superbes photographies que nous ne pouvons tout simplement pas intégrer dans le journal, alors que la place sur le Web est pratiquement illimitée », explique-t-elle.
Sachant que les meilleures photographies d’actualité fonctionnent à plusieurs niveaux, McNally cherche aussi à mettre en avant des images qui ont une résonance historique, sociologique, émotionnelle et esthétique. Elle reconnait ainsi que si une image peut en dire plus qu’un long article, un journalisme crédible exige davantage. « Je crois que les mots et les images combinés ensemble sont beaucoup plus frappants que pris indépendamment. Selon moi, les meilleurs reportages sont ceux où un journaliste et un photographe travaillent en étroite collaboration sur un sujet. Ils peuvent s’entraider, chacun peut voir ou entendre quelque chose qui aurait échappé à l’autre. »
Des débuts modestes
« Je suis tombée amoureuse du journalisme visuel lorsque j’étais adolescente à Brooklyn », raconte Michele McNally en 2006. Née Michele Angela Fiordelisi, le 25 juin 1955, dans une famille de la classe ouvrière, elle s’intéresse aux travaux des photographes Henri-Cartier Bresson, WeeGee et Diane Arbus. Après avoir vu une exposition de photos de Gitans de Josef Koudelka, McNally s’engage à fond dans cette voie.
« Ces images m’ont montré ce que la photographie documentaire pouvait faire : donner une vision intime des gens et des lieux, vous emmener là où vous n’êtes jamais allé, vous apprendre et, finalement, vous faire ressentir quelque chose. La photographie peut faire ressortir la diversité et les points communs de l’humanité, ses joies et ses défauts. C’est un excellent moyen de clarifier ce que les gens font, et ce qu’ils se font les uns aux autres. »
Après un bref passage par le département audio et vidéo de la bibliothèque municipale de Brooklyn, Michele McNally fait ses débuts dans la photographie en œuvrant comme représentante commerciale pour l’agence Sygma Photo News en 1977, engagée par sa directrice et figure du photojournalisme français Eliane Laffont. « Michele était une géante dans un corps minuscule. Elle avait une personnalité très brutale, très rapide, très intelligente. C’était une boule d’énergie », raconte Eliane Laffont. Elle travaille ensuite pour le groupe de développement des magazines Time et Life, avant d’être rédactrice en chef photo du magazine Fortune de 1986 à 2004.
Meaghan Looram, qui lui a succédé au poste de directrice de la photographie du magazine Fortune, déclare au New York Times : « Elle m’a appris tout ce que je sais sur l’édition de photographies, sur l’art de bien marier une image et une histoire, sur l’accompagnement des photographes et des rédacteurs dans la découverte de leur propre excellence, et sur une gestion humaine faite d’empathie et de compassion. »
Curieuse, persévérante et courtoise
Comme de nombreux rédacteurs photo de grandes publications, Michele McNally n’a jamais été photographe. À l’instar de nombre de ses collègues, elle s’est formée en étudiant une discipline connexe comme l’histoire de l’art, l’anthropologie, le cinéma ou la communication. Le fait de travailler dans une agence, puis dans un magazine et un journal, a permis à Michele McNally d’aiguiser son œil, de développer les ressources nécessaires pour passer en revue de grandes quantités de photographies et de repérer intuitivement celles qui répondent à tous les critères.
En tant que directrice photo, elle était particulièrement bien placée pour partager son expérience avec une nouvelle génération de photojournalistes. « Le travail le plus important pour un jeune photographe est existentiel. Vous devez déterminer quel genre de photographe vous voulez être, ce que vous voulez dire et comment vous allez le faire mieux que les autres avant vous », expliquait-elle.
« Etant donné que la carrière de photojournaliste est difficile sur le plan personnel, il est impératif d’aimer ce que vous faites. Soyez sûr de votre mission, mais aussi prêt à évoluer constamment. Travaillez dur, très dur. Soyez toujours curieux, persévérant et courtois. Lorsque les gens vous laissent entrer dans leur vie, comprenez bien que c’est un cadeau. Ne laissez pas les problèmes techniques s’intercaler entre vous et une grande image ; faites-en une seconde nature. Reconnaissez le rôle de l’esthétique dans la narration. Et déclenchez, déclenchez, déclenchez, encore et toujours. »