Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Jessica Lange, seule dans la ville

Dans le livre Dérive, l’actrice américaine Jessica Lange, légende du cinéma et aussi photographe, illustre New York, dévastée par la souffrance, le désordre et le deuil de la pandémie.

L’histoire de New York est faite de couches sédimentaires, de souvenirs invisibles qui se superposent. Pour les habitants, le présent flotte comme un voile sur le passé. Et au plus profond de nous-même, nous pouvons apercevoir des images de cartes postales, nous rappelant ce qui n’est plus.

Les photographies de New-York préservent ce qui va disparaître, garde en mémoire ce qui va s’effacer du visage toujours changeant de cette ville. Mais certaines choses perdurent, des souvenirs qui errent tels des esprits. Les drames, la toxicomanie, le sida, la violence armée, les événements du 11 septembre et la pandémie de Covid continuent de projeter leurs longues ombres sur l’asphalte des trottoirs.

© Jessica Lange
© Jessica Lange

Mais tout le monde n’est pas frappé d’amnésie volontaire, d’un désir fanatique d’oublier. Des citadins comme l’actrice et photographe américaine Jessica Lange ont compris qu’ils avaient un devoir de mémoire. Elle est l’une des rares femmes à avoir été lauréate des Oscars, des Tony Awards et Emmy Awards pour ses performances extraordinaires.

A 73 ans, l’ex-mannequin devenue actrice est également une photographe accomplie. Ses images de rue en noir et blanc, à la fois intimes, nostalgiques et brutes, dépeignent sans détours l’Amérique du XXIe siècle.

© Jessica Lange
© Jessica Lange
© Jessica Lange
© Jessica Lange

Voyage au bout de la nuit

« En mars 2020, lorsque New York a été confinée en raison du Covid, j’ai quitté la ville comme de nombreux autres new-yorkais qui le pouvaient. Je n’y suis revenue qu’en octobre, 7 mois plus tard. Tout avait changé », écrit Jessica Lange dans l’introduction de son troisième livre, Dérive

« J’ai lu quelque part qu’une ville a pour vocation de rendre la solitude supportable. Mais la solitude régnait partout »

« C’était une ville différente », poursuit-elle. « Je me sentais abandonnée. Des devantures de magasins étaient barricadées. Tous les commerces ‘non essentiels’ étaient fermés par décret. Il n’y avait plus personne dans ces rues, habituellement si passantes. J’ai lu quelque part qu’une ville a pour vocation de rendre la solitude supportable. Mais la solitude régnait partout. »

© Jessica Lange
© Jessica Lange
© Jessica Lange
© Jessica Lange

Dans ces instants où le monde s’est arrêté de courir, sur le conseil de son fils, elle lit le texte de l’écrivain français Guy Debord, Théorie de la dérive (1956). « Une ou plusieurs personnes se livrant à la dérive renoncent, pour une durée plus ou moins longue, aux raisons de se déplacer et d’agir qu’elles se connaissent généralement, aux relations, aux travaux et aux loisirs qui leur sont propres, pour se laisser aller aux sollicitations du terrain et des rencontres qui y correspondent », écrit Debord. 

Inspirée par ces mots, Jessica Lange décide d’utiliser la photographie pour regarder New York sous un autre jour. Entre novembre 2020 et mai 2021, elle redonne vie aux rues en les arpentant avec son appareil, sans autre destination ni intention que d’observer la ville et ses habitants.

© Jessica Lange
© Jessica Lange

Sur les traces du passé

Derrière son objectif, Jessica Lange va témoigner d’une époque et d’un lieu : une ville frappée par le chagrin, la confusion et le deuil. Les rues autrefois animées de New York sont vides et désolées, envahies par un calme étrange. Et pourtant, l’espoir est présent – comme cette image d’un jeune couple assis sur un banc, parmi les fleurs printanières des parterres du Jefferson Market Garden, où se dressait, autrefois, le triste bâtiment d’une prison pour femmes -.

« On pense à la remarque de Marx selon laquelle “tout ce qui était solide, bien établi, se volatilise, tout ce qui était sacré, se trouve profané et, à la fin, les hommes sont forcés de considérer d’un œil détrompé la place qu’ils tiennent dans la vie, et de leurs rapports mutuels”», écrit le critique Hilton Als dans l’introduction de Dérive. « C’est ce que les photos de Lange nous rappellent : la beauté et la nécessité d’être ensemble, quoi qu’il arrive. »

© Jessica Lange
© Jessica Lange
© Jessica Lange
© Jessica Lange

Le livre Dérive est à précommandé chez powerHouse Books, sortie prévue pour l’été 2023, 60$.

Vous avez perdu la vue.
Ne ratez rien du meilleur des arts visuels. Abonnez vous pour 9$ par mois ou 108$ 90$ par an.