Henri Cartier-Bresson, Frank Horvat ou encore Diane Arbus… Blind vous propose dix classiques de la photographie de rue à offrir en cette fin d’année.
1/ Saul Leiter, The Unseen
Aujourd’hui reconnu comme l’un des plus grands photographes du 20e siècle, Saul Leiter (1923-2013) est resté relativement méconnu jusqu’à ce qu’il soit redécouvert par les conservateurs et les critiques au début des années 1980. Ses images évoquent en couleur le flux et le rythme de la vie dans les rues à New York, à une époque où ses contemporains photographiaient en noir et blanc. Ses photographies complexes sont aussi teintées d’impressionnisme.
À sa mort en 2013, il a laissé derrière lui une collection de plus de 40 000 diapositives, dont une fraction seulement a été révélée. Ce livre présente 76 images nouvellement découvertes de cet extraordinaire trésor photographique, publié ici pour la première fois. Soigneusement organisée par les auteurs, Margit Erb et Michael Parillo, de la Fondation Saul Leiter, cette monographie est incontournable parmi les passionnés de photographie de rue.
The Unseen de Saul Leiter, publié par Textuel, 160 pages, 49 €.
2/ Mitch Epstein, Recreation
Des femmes aux robes bariolées et aux coiffures élégantes accroupies sur le trottoir de Madison Avenue, à New York. La première photo de Recreation capture l’esprit d’une époque, et surtout la fugacité d’un instant. Souvenirs figés d’un temps révolu, chaque image a été minutieusement sélectionnée. Toutes retravaillées en restant fidèles au grain des films de l’époque, plus d’un tiers n’ont jamais été publiées.
Cette nouvelle édition du livre culte de Mitch Epstein rend compte du cheminement du photographe pour faire revivre ses négatifs au cours des 20 dernières années. Il porte ainsi un regard plus profond sur ses archives, identifiant les images qu’il qualifie de « durables » et celles dont il peut se séparer : « Un des avantages d’avoir travaillé longtemps dans ce domaine est que, plus j’y suis, plus je suis clair et concis sur ce que je veux faire ou non. »
Recreation de Mitch Epstein, publié par Steidl, 176 pages, 75€.
3/ William Eggleston, Chromes
Voici la réimpression tant attendue de Chromes de William Eggleston, le premier d’une série de coffrets publiés par Steidl et consacrés à l’ensemble de l’œuvre majeure du photographe américain. Eggleston est largement reconnu comme l’un des maîtres de la photographie couleur. Mais les étapes progressives par lesquelles il est passé d’un statut d’inconnu à celui d’artiste de premier plan sont moins célèbres. Chromes est une compilation de plus de 5 000 Kodachromes et Ektachromes provenant de 10 classeurs organisés chronologiquement et trouvés dans un coffre-fort de l’Eggleston Artistic Trust.
Ces archives ont été utilisées par John Szarkowski, directeur de la photographie au MoMa dans les années 1960, qui a sélectionné les 48 images imprimées dans le livre phare d’Eggleston, William Eggleston’s Guide, tandis que le reste des archives est resté presque entièrement inédit. Ce livre présente les premières images d’Eggleston à Memphis, ses essais de couleurs et ses stratégies de composition, et l’évolution vers « l’instantané poétique ». Chromes montre un maître en devenir.
Chromes de William Eggleston, publié par Steidl, 432 pages, 380€.
4/ Jessica Lange, Dérive: Photographs
L’actrice et photographe Jessica Lange a fait face à l’attaque de la pandémie de COVID et au confinement initial de la ville de New York d’une manière intime et engageante : ayant été tentée de lire le texte phare du philosophe français Guy Debord, Théorie de la dérive, elle s’est mise en route chaque jour sans destination, sans but précis, et a observé et photographié ce qui l’inspirait.
Les résultats de ces excursions et de ces dérives intellectuelles sont rassemblés dans son troisième volume publié chez PowerHouse Books, Dérive, qui est à la fois son projet photographique le plus audacieux et le plus ambitieux à ce jour. Des rues vides, mystérieusement animées par une énergie; des individus parfaitement posés, capturés comme s’ils étaient des figurants involontaires mis en scène sur un plateau ; un clair-obscur vif, volumineux dans un tableau à grande échelle. La ville de New York était vide dans les premiers jours de la pandémie, mais ses ossements n’ont jamais été documentés d’une telle manière avant Jessica Lange.
Dérive: Photographs de Jessica Lange, publié par PowerHouse Books, 104 pages, 60$.
5/ Trent Parke, Cue The Sun, Artist Edition
Une semaine avant que la pandémie mondiale de COVID-19 ne s’installe en 2020, l’artiste australien Trent Parke s’est retrouvé à voyager à travers le nord de l’Inde. Les photographies du nouveau livre de Parke, Cue the Sun, ont été réalisées entre Agra, Amritsar, Delhi, Dharamshala, Meerut et Mathura, à bord de véhicules en mouvement rapide, avec le monde extérieur qui défile, presque comme dans un rêve.
Les personnes dont l’image est restituée au millième de seconde, travaillent toute la nuit, évoluant vers une modernité dictée par les smartphones. « J’ai toujours eu l’impression que j’aurais pu me trouver dans n’importe quel autre pays à un moment donné. À travers les fenêtres, j’ai senti le passé et le futur s’entrechoquer. La contradiction, la beauté, le chaos et l’espoir. L’humanité en mouvement », résume Trent Parke.
Ce livre d’artiste est construit comme un accordéon unique, vaste et doublement imprimé, qui vous emmène dans un voyage fantastique à travers la nuit indienne cinétique jusqu’à une aube époustouflante.
Cue The Sun de Trent Parke, Artist Edition publié par Stanley/Barker.
6/ Susanna Brown et Virginie Chardin, Frank Horvat: 50-65
Né en Italie en 1928, de parents juifs originaires d’Europe centrale, réfugié en Suisse en 1939, Frank Horvat commence la photographie au début des années 1950. De 1952 à 1955, ses premiers voyages au Pakistan, en Inde, en Israël et en Angleterre lui valent de nombreuses parutions dans la presse internationale. Parvenant à capter en gros plans des scènes d’une grande intensité et parfois des lieux interdits, il se révèle un photographe du corps et de l’intime. Une fascination qu’il exprimera aussi dans ses images de mode pour les magazines Jardin des modes, Vogue, Harper’s Bazaar ou dans les vibrations hallucinées d’un tour du monde effectué en 1962-1963, resté largement inconnu.
Publié à l’occasion de l’exposition au Jeu de Paume de Tours, ce catalogue se concentre sur les quinze premières années de la carrière de Frank Horvat, période durant laquelle il affirme une personnalité hors norme d’auteur-reporter et de photographe de mode. Cet ouvrage constitue la première monographie historique sur l’œuvre de Frank Horvat, renouvelant la vision et l’analyse de son travail, à travers un ensemble de photographies, de documents inédits et de textes de spécialistes.
Frank Horvat: 50-65, textes de Brown Susanna et Chardin Virginie, 288 pages, 45€.
7/ Henri Cartier-Bresson et Delpire & co, Henri Cartier-Bresson Photographe
« Je tourne autour du sujet comme l’arbitre dans un match de boxe. Nous sommes passifs devant un monde qui bouge et notre unique moment de création est le 1/25 de seconde où l’on appuie sur le bouton, l’instant de bascule où le couperet tombe », a dit Henri Cartier-Bresson.
À la fin des années 1970, Henri Cartier-Bresson et son éditeur Robert Delpire décident de réaliser un livre qui reprendrait l’ensemble de sa carrière sous le titre Henri Cartier-Bresson Photographe. Depuis sa première publication il y a plus de 40 ans, cet ouvrage a été traduit en sept langues, réédité onze fois et est considéré comme la référence incontournable du maître.
À travers ces 155 images prises entre 1926 et 1978, celui que l’on a souvent appelé « l’oeil du siècle » nous présente sa vision intime d’un monde dont il a parcouru tous les paysages, rencontré tous les acteurs – artistes, écrivains, anonymes –, et dont il a immortalisé les événements historiques majeurs.
Henri Cartier-Bresson Photographe de Henri Cartier-Bresson et Delpire & co, publié par Delpire & co, 344 pages, 65€.
8/ Bruno Barbey, Les Italiens
Au début des années 1960, Bruno Barbey, cherchant à dépeindre les Italiens, photographie toutes les couches de la société dans la rue comme dans les intérieurs. Le jeune photographe présente cet ensemble d’images à Robert Delpire qui propose aussitôt de les publier dans la série « Encyclopédie essentielle », une collection de livres juxtaposant textes et images, qui comprenait déjà Les Américains de Robert Frank (1958) et le projet des Allemands de René Burri (1962).
Comme l’écrit Giosuè Calaciura dans sa préface: « Ces photos sont à la fois littérature et cinéma, compte-rendu des Italiens qui semble l’oeuvre d’un Italien, que ce soit Carlo Levi dans Les mots sont des pierres ou Luchino Visconti dans Rocco et ses frères. Ou encore Pasolini. En Italie, Bruno Barbey se sent homme du Sud parmi des hommes du Sud. Un sentiment affectueux d’appartenance transparaît dans ces clichés où l’on voit les individus tenter de renouer les fils rompus de la vie sociale et privée, de tourner la page après la parenthèse de la guerre qui a tout remis en cause en balayant les certitudes comme les désespoirs chroniques. Une occasion pour effacer ce que l’on était avec la promesse de ce qui sera. »
Les circonstances d’alors empêchent la réalisation du livre, mais le portfolio de photographies italiennes convainc les membres de l’agence Magnum Photos du potentiel du jeune Barbey, rapidement accepté dans la coopérative. Après des décennies de travail et de nombreux volumes sur d’autres pays, Bruno Barbey publiera finalement une première version de ce travail en 2002, avec une introduction de Tahar Ben Jelloun, depuis longtemps épuisée.
La présente édition est un retour à l’idée originale de Robert Delpire, dans un format réduit coïncidant avec l’édition des Américains et la nouvelle parution Les Anglais, de Henri Cartier-Bresson et Martin Parr, ainsi que celle à venir des Allemands (2023).
Les Italiens, par Bruno Barbey publié par Delpire & co, 184 pages, 42€
9/ Tom Arndt, American Reflections
Pour cette première monographie en français, Tom Arndt, un des maîtres de la photographie documentaire, a ouvert ses archives. Au fil d’une centaine d’images, c’est un demi-siècle d’histoire américaine (de 1970 à 2015) qui est conté dans une déambulation menée tel un road-movie. Chaque photographie est un récit. Sous un regard sociologique et empathique, Tom Arndt saisit des fragments de vie de femmes et d’hommes issus de la middle class, du monde agricole, des mornes banlieues ou des rues agitées des grandes métropoles que sont New York, Chicago, Los Angeles ou encore sa ville natale, Minneapolis.
Les enseignes lumineuses, les reflets dans les vitrines (thèmes qui traversent toute l’œuvre du photographe), les silhouettes prises sur le vif, sont autant de détails qui structurent l’image photographique. Lumières et lignes architecturales composent des images puissantes, des icônes d’une Amérique intemporelle.
Deux essais signés de Sarah Hermanson Meister, ancienne directrice du département Photographie du MoMA NY et actuelle directrice de la Fondation Aperture à New York, et de Yasufumi Nakamori, senior curator à la Tate Modern de Londres, replacent l’œuvre de Arndt dans l’histoire de la photographie américaine.
American Reflections, de Tom Arndt publié par Atelier EXB, 152 pages, 45€.
10/ Diane Arbus, Diane Arbus Revelations
Ce livre intitulé Revelations explore les origines, la portée et les aspirations de l’Américaine Diane Arbus. La franchise avec laquelle la photographe traite ses sujets et sa foi dans le pouvoir intrinsèque du médium ont produit un ensemble d’images souvent choquantes par leur pureté, leur célébration inébranlable des choses telles qu’elles sont. La présentation d’un grand nombre de ses photographies moins connues ou inédites révèle une vision subtile mais persistante du monde.
Le livre reproduit deux cents duotones pleine page de photographies de Diane Arbus couvrant l’ensemble de sa carrière. Il comprend également une nouvelle contribution de Sarah Meister, directrice exécutive d’Aperture, à New York, ainsi que des essais de Sandra S. Phillips, conservatrice senior émérite de la photographie au San Francisco Museum of Modern Art, et une discussion sur les techniques d’impression de Diane Arbus par Neil Selkirk, la seule personne autorisée à imprimer ses photographies depuis sa mort. Ces textes contribuent à éclairer le sens de la vision controversée et étonnante de Diane Arbus.
Diane Arbus Revelations, Diane Arbus publié par Aperture, 352 pages, 80$.