Lorsque la planète s’est retrouvée confinée, le galeriste Peter Fetterman a décidé de partager une image par jour via une newsletter. Collectionneur depuis 1979, il a accumulé plus de 7 000 photographies. Et chacune a sa petite histoire, qui se rapporte à son auteur, à l’endroit où il l’a trouvée, ou encore à sa place dans la grande histoire de la photographie.
Encouragé par l’accueil positif et le désir de créer quelque chose en ces heures d’immobilisme, Fetterman a fait de cette série numérique un livre. The Power of Photography est l’occasion pour son auteur de présenter 120 images de grands photographes et de novices, illustrant ainsi la diversité du medium. Tous les clichés sont accompagnés d’un court paragraphe relatant une anecdote personnelle, une analyse historique ou simplement la raison pour laquelle Peter Fetterman les a choisis.
Le livre est d’un rare éclectisme. Un paysage de Jeffrey Conley (« Quand je regarde cette image, je suis émerveillé par l’envergure de la nature face à la petitesse de notre rôle », écrit Fetterman) côtoie un portrait d’Yves Saint-Laurent par Marc Riboud (« Cette photo est pour moi synonyme d’un nouveau départ, d’une réinvention et d’un espoir en l’avenir »), ou encore un cliché du Chrysler Building par Charles Harbutt (« Le reflet spectaculaire de la vie urbaine, dans la même veine qu’un grand tableau d’Edward Hopper »). Les sujets sont des plus variés, et le noir et blanc le sépia et la couleur trouvent chacun leur place.
Si toutes les images sont remarquables, certaines sortent du lot. Dont Dr Van Der Ross drummies d’Alice Mann. Cette dernière, jeune photographe d’Afrique du Sud, a immortalisé un groupe de majorettes (surnommées « drummies ») en train de parader tout sourire sur un terrain de basket. À première vue, l’image semble captivante en raison du panachage des couleurs – roses vifs, violets et bottes blanches des filles – mais c’est l’exubérance de la scène qui la rend vraiment éblouissante. Compte tenu du sujet et de l’âge d’Alice Mann, il semble improbable que son travail soit imprimé aux côtés d’images en noir et blanc d’Henri Cartier Bresson ou d’André Kertesz. Mais c’est précisément là l’intention de Fetterman : faire comprendre que l’extraordinaire pouvoir de la photographie ne se limite pas à un style, un format ou une époque.
Le portrait de Malcolm X réalisé par Eve Arnold en 1961 est tout aussi saisissant. Cette photo en noir et blanc prise de profil est un modèle du genre, une leçon d’ombre et de lumière. La bague de Malcolm X, ornée d’un croissant de lune et d’une étoile, symboles de l’islam, apparaît comme le point central de l’image. Fetterman commente : « C’est l’une des photos ayant contribué à forger son héritage. »
Ce qui fait la force de cet ouvrage, c’est évidemment l’œil très sûr de son auteur. « Une grande partie de mon travail de galeriste consiste à dénicher ceux qui se distinguent par leur originalité. Pour ensuite les faire découvrir au public », écrit-il. « Il existe une nouvelle génération d’artistes talentueux qui sont dignes de l’héritage de l’histoire de la photographie et participent ainsi à enrichir nos existences aux quatre coins du globe. »
The Power of Photography de Peter Fetterman, publié par ACC Art Books, 45 $.